Abrégé des antiquités romaines


Pour l’utilité des jeunes gens qui étudient les auteurs latins et l’histoire de Rome.
Nouvelle édition, revue et augmentée de plusieurs articles sur les mœurs et les usages, par P. B.
Ouvrage adopté par l’ancienne université.
1810

AVIS DE l’ÉDITEUR.

Ce petit livre est en usage depuis près d'un siècle dans l'Université de Paris. Comme il  avait été en quelque sorte oublié  depuis plusieurs années nous avons cru rendre un service aux études en le réimprimant. Pour le rendre plus com­plet,  nous nous  sommes permis d'y ajouter quelques articles sur les mœurs et  les usages; mais en parlant de ces légères additions, devons imiter la modestie de l'auteur, et dire que, plus désireux d'être utile,  que, de cacher nos emprunts, nous avons choisi dans les travaux des savans ce qui convenait à cet ouvrage, et que nous avons pris d’autre peine que celle d'abréger et de disposer
    Quoique ce livre soit principalement destiné aux jeunes gens qui étudient la langue latine,  il peut néanmoins être également utile aux jeunes, personnes qui lisent l'Histoire Romaine ou la tra­duction de quelques ouvrages latins : il leur donnera des explications sur des passages que, sans cela, elles ne pourraient entendre. D'ailleurs, il offre par lui-même une lecture assez intéressante pour qu’on le mette au rang des ouvra­ges qui servent de délassement entre les heures d’étude.

 

Préface de l’auteur.

Celui qui a fait; imprimer cet Abrégé, n'a garde de se faire honneur du travail d'autrui ; et il est bien éloigné de cacher ou de déguiser ce qu'il a pris dans les auteurs qui ont traité la même matière ; au contraire, il avoue qu’il n'y a rien mis du sien , et qu'il a tiré tout ce qui lui convenait, de Tite-Live, de Rasin, de Juste-Lipse; des dissertations latines du père  Cantel,  savant Jésuite , touchant la république romaine ; des remarques  de M. l'abbé de Saint-Réal sur quelques lettres de Cicéron à Atticus; de la nouvelle méthode latine, et des Dictionnaires de Moréri, de l'Académie Française , de Furetière etde Richelet. Il n'aurait pas pris cette peine si ces livres étaient plus communs et moins chers, et si la plupart des pères et mères voulaient et pouvaient les donner à leurs enfants qui étudient. Mais comme ce secours manque à la plupart des jeunes gens, on s'est déterminé à faire ce recueil pour leur procurer un petit livre qui pût leur donner l'intelligence, ou au moins une idée générale de plusieurs termes qu'ils trouvent dans les auteurs qu’on leur fait lire pour leur apprendre la langue latine et l'Histoire Romaine.

 

ABRÉGÉ
DES ANTIQUITÉS
ROMAINES.

      AAR                                                            AAR2

ARTICLE    PREMIER.
De la ville de Rome.
Romulus est le fondateur et fut le premier roi: il eut pour successeur Numa Pompilius, Tullus Hostilius, Ancus Martius , Tarquinius Priscus , Servius Tullius, et Tarquin , surnommé le Superbe. Rosin t Antiquités Romaines, liv.1 chap. 1.
    La cruauté, l’avarice, l’insolence et la fierté de ce dernier roi, portèrent les Romains à secouer le joug d'une telle servitude ; et l'injure que son fils Sextus fît à Lucrèce, en la déshonorant, en fut le prétexte.
    Ce changement arriva la 221 ème année de la fondation de la ville de Rome, qui fut depuis gouvernée par deux consuls, que l'on choisissait tous les ans. Mais depuis Jules César la république changea son nom en celui d'empire romain, à cause du gouvernement des empereurs. Rosin, Ant, Rom. liv. 11 chap. 9 ; Tite-Live liv. 1.
Rome, que les auteurs latins appellent souvent (Urbs) la ville par excellence, et par préférence à toutes les autres villes du monde, est la capitale de l’Italie. Elle le fut autrefois du fameux empire romain, et aujourd'hui elle l'est encore du monde chrétien.

ARTICLE II
Des Curies ou Quartiers de la ville de Rome.
La villede Rome fut d'abord, divisée par Romulus en trois tribus, et chaque tribu, en dix quartiers ou curies, qui avaient leurs exercices de religion et leurs chefs à part, comme nosvilles sont aujourd'hui partagées en paroisses; et le prêtre, ou celui qui avait soin des sacrifices de chaque curie, s’appelait Curio, a  sacris curandis. Rosin, Ant. Rom., liv1, chap.12.'
    Le peuple romain s’assemblait par curies, dans les premières années de la fondation de Rome, parce qu'il n'y avait pas encore de centuries, mais seulement trois tribus : ainsi, on créait les rois et les magistrats, on faisait les lois et les ordonnances et on rendait la justice dans l'assemblée des curies, en prenant les suffrages du peuple. Mais dans la suite ces assemblées ne se firent plus que pour créer les flamines, c'est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars et de Romulus, et le grand curion car cha­que curie se choisissait; qui elle voulait pour curion ou sacrificateur.
    Les assemblées les plus anciennes du peuple romain, et même lesseules qu’il ait eues pendant assez de temps, se nommaient en latin comitia curiata c’est à dire assemblées du peuple romain par curies ou quartiers, parce qu'il ne s'y trouvait que ceux qui demeuraient à Rome.
    Ces assemblées se tenaient dans un lien nommé comitium, qui était dans la place de Rome c’étaient les pontifes qui y présidaient, comme les personnes les plus considérables de chaque quartier ou curie. Tite-Live, liv.1. Denys d'Halicarnasse, liv. 2. Rosin,  Anti­quités Romainest, liv.6,  chap. 2, 5 et 7.

ARTICLE III
Des tribus
Tarquin l'Ancien, 5ème  roi de Rome, voyant que la ville et le peuple étaient fort augmentés, ajouta trois tribus à celles que Romulus avaient établies. Ce nombre  fut augmenté de tems en temps ; et l’an 512 de la fondation de Rome, il y en avait trente - cinq,  dont les unes étaient appelées en latin urbanœ, c'est-à dire de la ville; et les autres rusticae, de la campagne : de sorte que les habitants de Rome composaient les tribus de la ville; et ceux qui vivaient hors de la ville, étaient dans les tribus de la cam­pagne. Mais les tribus de la ville, qui , étaient d'abord les plus honorables, fu­rent   méprisées dans la suite,  parce qu'Appius Claudius étant censeur, et voulant gagner le peuple, y introduisit les derniers de la populace de la ville, l'an 446 de la fondation de Rome. Les ancien­nes et les plus considérables familles de Rome s'en retirèrent, et aimèrent mieux entrer, ou être censées dans les tribus de la campagne, où leurs biens étaient situés : ce qui fut cause que ce mot de tribu ne marqua plus la demeure de ceuxqui en étaient, mais leur réception dans une certaine partie du peuple ; et il ne resta que quatre tribus de la ville, nommées en latin subarana, esquilina, quirinalis et palatina , des quatre quar­tiers de la ville. Les autres trente et une tribus étaient de la campagne, et elles portaient le nom de quelque lieu, ou de quelque famille illustre.
    Ces tribus s'assemblaient ordinaire­ment dans le Champ de Mars, ou dans ; la place de Rome pour élire les magistrats du second rang, comme les tribuns du peuple, les édiles, les triumvirs, les  proconsuls, etc.,   pour faire les lois, qu'ils appelaient plebiscita,  et pour d'autres affaires semblables.  
    Ces assemblées se nommaient en latin  comitia tributa par tribus ; et elles  étaient différentes  des assemblées du peuple  par curies,  nommées comitia curiata en ce qu'au lieu que celles-ci ,  c'est à  dire les assemblées du peuple par curies, n'étaient composées que des seuls habitants naturels de la ville de Rome, celles-là, que les tribuns avaient  pouvoir de convoquer, comprenait, avec les habitants de Rome, tous ceux des villes d'Italie, qui y étaient agrégés, et qui avaient obtenu le droit de bour­geoisie à Rome.Rosin, Ant. Rom.,liv. 6, chap.15, 16, 17 et 18.

ARTICLE IV
Des Centuries, et des Assemblées du peuple romain par Centuries.
Les assemblées du peuple en latin comitia centuriatat étaient les plus solennelles, et ne pouvaient être con­voquées que par les consuls, les préteurs, les censeurs, les dictateurs et les décemvirs ; et il fallait que le sénat en ordonnât la convocation par un décret.
    Les centuries furent établies par Servius Tullius, sixième roi de Rome, .lorsqu'il fit le premier dénombrement du peuple, et qu'il le divisa en six classes ou bandes, et chaque classe en plusieurs centuries. La première, qui était composée des plus riches, fut divisée en quatre-vingts centuries, dont quarante renfermaient ceux qui étaient capables de porter les armes; et les quarante autres, les personnes âgées qui devaient demeu­rer dans la ville. La seconde classe était de vingt centuries ; les jeunes gens et les hommes faits en composaient dix, et les plus âgés les dix autres : mais ils avaient moins de biens que ceux de la première classe. La troisième et la qua­trième classes étaient aussi composée chacune de vingt centuries; la cinquième, de trente centuries; la sixième classe refermait tout le menu peuple, et n’était comptée que pour une centurie
    Le roi Servius choisit parmi les nobles, dix-huit centuries de chevaliers, qu'il joignit à la première classe: ainsi, la première classe contenait quatre-vingt-dix-huit  centuries.  II ajouta encore deux centuries d'artisans et de forge­rons à la seconde classe, et deux centuries de trompettes et de joueurs de flûte à la quatrième ; ce qui faisait le nombre de cent quatre-vingt-treize centuries. On assemblait le peuple romain par centuries, lorsqu'il fallait créer des magistrats et faire des lois, déclarer la guerre, examiner les crimes commis contre la république ou contre les privilèges des citoyens romains ; et l'assemblée se tenait dans le Champ de Mars, hors de la ville, toutes les troupes étant sous les armes aux envi­rons. Là, on prenait les suffrages de chaque centurie ; et ce que le plus grand nombre de centuries approuvait, était ratifié par tout le peuple. Mais souvent les centuries des dernières classes ne donnaient point leurs suffrages; car dès qu'il y en avait quatre-vingt-dix-sept, c'est-à-dire la moitié et une de plus de même avis, l'affaire était conclue, et il était inutile de prendre les voix des autres. Ainsi, le petit peuple qui était dans les dernières centuries, avait beaucoup moins de pouvoir dans les assemblées par centuries, que dans celles qui se faisaient par curies ou par tribus.
    Voici l'ordre que l'on observait dans les suffrages , du temps des rois : les quatre-vingt-dix-huit centuries de la première classe donnaient les premières leurs suffrages et si elles étaient toutes d'un même avis , la chose était conclue et terminée parce qu'elles faisaient le plus grand nombre, n'y ayant plus que quatre vingt quinze centuries : sinon on prenait les voix des vingt centuries de la seconde classe et ensuite celles des autres, jusqu'à ce qu'il se trouvât quatre vingt dix sept centuries du même avis.
    Dans le temps de la république on tirait au sort les noms de toutes les centuries et celle qui venait la première donnait son suffrage avant les autres.  Depuis l'an 512 de la fondation de Rome, qu'on distribua le peuple en trente-cinq tribus,  et que les centuries furent comprises dans ces tribus, on tirait premièrement au sort le nom des tribus, pour con­naître celle qui aurait le premier rang, puis on tirait les centuries de cette tribu ; et celle qui venait la première disait son avis avant les autres ; ensuite on appelait toutes les autres centuries de la première, de la seconde et des autres classes selon leur rang. Rosin, Antiq, Rom., liv. 6, chap.  8,9,10, 11, 12, 13 et 14 ; Denys d'Halic liv. 4et 9 ; Tite-Live, liv. 1 ;Aulu-Gelle, liv .15, chap.27 ; Cicéron, liv. 4, lettre 1 à Atticus.
     II y a eu un temps que les suffrages pour l’élection des magistrats se donnaient à haute voix, ce qui contenait les peuples, chacun ayant honte de donner sa voix à des sujets indignes et capables de nuire à la république ; mais en 614 on introduisit l'usage des scru­tins et des suffrages secrets,  qui favorisèrent les brigues des méchants et leur ouvrirent le chemin aux grandes magistrature, le peuple étant bien aise de faire plaisir à qui il voudrait, sans essuyer la honte de se déclarer pour de malhonnêtes gens. Les tables sur lesquelles on mettait les corbeilles ou coffres, où l'on jetait  les bulletins quand on donnait son suffrage, se nommaient en latin pon­tes, parce qu'elles étaient fort hautes et fort étroites. On donnait à chaque ci­toyen deux de ces bulletins : l’un avait une marque pour approuver, et c'était la première lettre de ces deux mots, uti rogas que ce que vous demandez soit fait, ou j'approuve ce que vous proposez,  l'au­tre bulletin était pour refuser, et avait la première lettre du mot d'antiquo, qui veut dire j'abolis, et métaphoriquement je casse, je rejette. Cicéron, liv. 1 lettre14, à Atticus.

ARTICLE V.
Des Places où le peuple romain tenait ses assemblées et créait les Magistrats.
Le lieu que l’on appelait par excellence la place de Rome,  forum romanum,  pour le distinguer des autres places de la même ville, n'était autre chose que la vallée qui séparait les monts Capitolin et Palatin, que Romulus renferma d'abord dans l'enceinte de la ville. Cette place était environnée de boutiques de toutes sortes d'ouvriers et de plusieurs temples. L'un des côtés, nommé comitium (parce qu'il était particulièrement destiné aux assemblées du peuple) était couvert et il y avait comme un échafaud, ou théâtre élevé et spacieux, que l'on appelait rostra ; les pointes des proues ou la tribune aux harangues, parce qu'il était orné des éperons ou pointes de proues des vaisseaux qui  avaient été pris sur les Antiates dans la première bataille considérable que les Romains gagnèrent sur mer, l’an 416 de la fondation de Rome. C'était de cette tribune qu'on proposait les lois au peuple,  qu'on le haranguait, et que l'on traitait généralement avec lui de toutes choses. C'était aussi dans cette place que le peuple choisissait la plupart des magistrats et s comme cette place était fort fréquentée, ceux qui prétendaient aux charges s'y  trouvaient souvent pour les briguer. Là, ils se familiarisaient indifféremment avec tout le monde, faisant toutes sortes de caresses, de prières et de promesses, et n'oubliant rien de tout ce qui pouvait leur gagner les bonnes grâces et leur attirer les suffrages du peuple. Or, comme un seul homme ne pouvait pas suffire à faire sa cour à tant de gens, la coutume était de se faire assister dans ces occasions par ses amis et par ses parents. Tite-Live, liv. 8 ;Rosin, Ant. Rom., liv.6, chap. 5 et 20.
    Le Champ de Mars était d'une gran­deur extraordinaire, et hors de l'enceinte de Rome, entre la porte flumentane, appelée présentement porta del popolo et le Tibre, dont le voisinage avait fait nommer ainsi cette porte. Selon quelques-uns une courtisane, et selon d'autres une vestale, avait donné cette place au peuple romain et on l’avait consacrée au dieu Mars dès le temps des premiers rois. Dans la suite, elle fut ornée des statues des grands hommes qui avaient bien servi la république et on y voyait; tous les ornements que ceux qui triomphaient avaient coutume de mettre au capitole, mais qu'ils ne pouvaient y mettre, à cause qu'il n'y avait plus de place.
    On y élisait les consuls, les censeurs et les tribuns ;on y assemblait la milice de la ville, on y levait des soldats, on y brûlait les corps des grands après leur mort ; on y exerçait la jeunesse à con­duire et à faire courir des chariots, à tirer de l'arc, à se servir de la fronde, àsauter, à monter achevai, à toutes sortesde jeux et de combats, etc. Aulu-Gelle, liv.6, chapi 7 ; Macrobe, liv. 1, des Saturnales  chap.10. Tite-Live, liv. 1, ; Denys d'Halicar., liv. 4 et 5 ; Strabon, liv.5 ; Rosin, Ant. Rom., liv 6, chap.11.  

ARTICLE  VI.
Il y avait deux ordres dans la noblesse; celui des sénateurs, et celui des chevaliers,  après lesquels étaient les plébéiens, ou les simples bourgeois. Romulus ayant choisi cent personnes distinguées par leur mérite et par leur qualité pour être ses conseillers d'état, et pour, juger les différends du peuple, il les nomma sénateurs, en latin  senatores, ou parce qu'ils étaient âgés, ou à cause de leur prudence, qui est ordinairement le partage des vieillards. Il les appela aussi patres, ou pour marquer le respect qui leur était dû ou pour leur faire connaître qu'ils devaient être les protecteurs et comme les pères du peuple, ce fut Romulus qui institua les cent premiers sénateurs auxquels on en ajouta cent autres, tirés des plus il­lustres familles de Rome, cinq ans après que les Sabins eurent été reçus dans la ville. L’an 138, Tarquin l'Ancien augmenta encore ce nombre et il choisit, parmi les familles plébéiennes ou bourgeoises, cent personnes distinguées par leur vertu et par leur sagesse auxquels il donna le titre de patriciens et qu’il fit recevoir dans le sénat qui fut alors composé de trois cents sénateurs. Le nombre des sénateurs s'augmenta encore bien davantage dans la suite car il s'en trouva en 708 neuf cents pendant la dictature de Jules César ; et en 711, plus de mille durant le triumvirat. Tite~Live, liv.1 ; Rosin , liv. I, chap. 15 et liv. 7, chap. 5 ; Cicéron, dans la harangue qu’il fit au sénat après son retour et dans le livre de la Vieillesse.
Dans les premiers temps de la république, la dignité de sénateur ne se donnait qu'aux patriciens c'est à dire descendons des premiers sénateurs. Mais quand on eut jugé à propos de recevoir dans le sénat ceux qui étaient de famille plébéienne, on les anoblit auparavant. Rosin, ibid,
    La coutume était de prendre dans l'ordre des chevaliers ceux qui avaient le plus de mérite et de noblesse, pour remplir les places vacantes dans le sénat. C'étaient les consuls et les censeurs qui les nommaient ; et quand celui qui était nommé refusait la dignité de sénateur, on lui était celle de chevalier.
    Quand on choisissait des sénateurs, on considérait, non seulement leur mé­rite, mais aussi leur âge et leurs re­venus. Pour être sénateur, il fallait avoir au moins trente ans et avoir passé par quelque charge ; et si on en a choisi avant cet âge, on l'a fait par faveur, ou à cause de leur; mérite extraordinaire. Pour ce qui regarde le revenu des séna­teurs, avant Auguste il était de huit cents mille sesterces, c'est-à-dire d'environ vingt-cinq mille écus de notre monnaie : mais ce prince voulut que leur revenu fût de douze cents mille sesterces, ce qui revient à quatre-vingt-dix mille liv. ; et s’ils venaient à faire quelque perte considérable qui diminuât leur revenu, ils perdaient aussi la dignité et le rang de sénateur.
    On fit ce règlement parce qu'après la conquête de l'Afrique, le luxe et l'am­bition s’étant  introduits dans Rome,  bien des gens briguaient la dignité de sénateur, sans en avoir le revenu ni le mérite ; etqu'on appréhendait que les sénateurs ne fissent des injustices, et ne se laissassent corrompre par l'argent,  n'ayant pas de quoi soutenir leur rang, et contenter en même temps leur luxe et leur ambition.
    Les  premiers sénateurs s'appelaient patriciens, et leurs descendants étaient de familles patriciennes mais ceux que les consuls et les censeurs choisissaient d'entre les chevaliers pour remplir les places vacantes dans le sénat, étaient appelés patres  conscripti  parce que leurs noms furent écrits dans un même tableau avec celui des premiers sénateurs. Les sénateurs qui n'avaient point exercé de magistrature, étaient appelés en latin senatores pedarii, ou  parce qu'ils ne pouvaient aller au sénat qu'à pied, au lieu que ceux qui avaient exercé les magistratures curules, s'y fai­saient porter dans leurs chaires curules ; ou parce que n'ayant pas le droit de dire leurs suffrages, ils se rangeaient du côté de ceux dont ils suivaient l'avis; ou parce qu'étant  incapables  de prendre d'eux-mêmes un bon avis, et de bien s'énoncer,ou qu'ayant peu d'esprit et de lumières, ils suivaient l'avis et passaient du côté de ceux qui avaient opiné avant eux : d'où est venue cette manière de parier, pedibus ire in sententiam , comme on dit enfrançais, opiner du bonnet. Rosin, liv. 7, chap. 5,
    Les sénateurs pouvaient mener avec eux leurs enfants au sénat ; mais ils n'o­pinaient pas qu'ils n'eussent fait serment de ne pas révéler les choses sur lesquelles on délibérait. Rosin, ibid.
Les sénateurs, en opinant, pouvaient parler aussi longtemps qu'il leur plaisait, non seulement sur l'affaire proposée, mais même sur toute autre chose, quoi­qu'elle n'y eût aucun rapport; c'est ce que Cicéron appelle .souvent calumnia, dicendi. Les sénateurs gouvernaient dans l'interrègne ; et on ne donnait le com­mandement des armées qu'à ceux qui avaient été sénateurs ; et quand ils assistaient aux spectacles, ils avaient des sièges et des places séparées.
    Un sénateur ne pouvait s'absenter du sénat sans permission ; quand il était dans la ville, il était obligé sous peine d'amende, de se trouver aux assemblées du sénat, parce queles décrets et les arrêts du sénat n'avaient nulle force, lorsqu'il s'y trouvait moins de cent; sénateurs. Il n'était pas aussi permis aux sénateurs d'avoir deux femmes, ni d'épouser de leurs parentes, ni une étrangère, ni une courtisane ou une esclave ni de faire aucun négoce.

ARTICLE   VII
Du "Prince du Sénat.
Il y avait un prince du sénat : c'étaient les censeurs qui le choisissaient, mais il fallait qu'il eût été consul ou censeur. Le prince du sénat disait son avis le pre­mier ; tant qu'il vivait, il jouissait de cet honneur, et l’on en nommait un autre qu'après sa mort. Rosin, Ant., Rom. Liv. 7, chap.5.,

ARTICLE  VIII.
Du  Sénat.
Le sénat romain était une assemblée de plusieurs personnes considérables, dans lesquelles résidait la souveraine autorité. C'était le sénat qui choisissait les ambassadeurs, qui donnait les gouvernements des provinces et le commandement des armées ; qui avait l'adminis­tration du trésor public, et à qui tous les trésoriers rendaient compte. Il faisait des lois, ou il les abrogeait: il recevait les ambassadeurs ; il faisait les traités de paix et les ligues ; il ordonnait les prières, et accordait l'honneur du triomphe aux généraux d'armées qui avaient gagné quelque bataille,  pris quelque ville considérable , ou conquis quelque province.
    Le sénat s'assemblait ordinairement le jour des kalendes, des nones et des ides de chaque mois, excepté dans les mois de novembre et de décembre, qui étaient le temps des vacations. Les kalendes étaient le premier jour de chaque mois ; les nones étaient le 7 des mois de mars, de mai, de juillet et d'octobre, et le 5 dans les autres mois, Les ides ar­rivaient le 13 dans les mois de janvier, de février, d'avril, de juin, d'août, de novembre et de décembre mais elles étaient le 15 dans les mois de mars, de mai, de juillet et d'octobre. Mais Au­guste ordonna que le sénat ne tiendrait ses assemblées que les jours des kallendes et des ides de chaque mois. Rosin, Ant., Rom., liv. 7, chap. 6.
    Les dictateurs, les consuls, les pré­teurs et les tribuns du peuple, avaient le pouvoir d'assembler le sénat quand ils le jugeaient à propos, et qu'il arrivait des affaires extraordinaires ou impor­tantes ; mais il était défendu de le faire avant le soleil levé, après le soleil couché, les jours de fêtes, les jours que le peupla s'assemblait, et dans les temps que l'on faisait des jeux publics.
   On ne faisait rien dans la république romaine sans consulter le sénat; et ce que le peuple et les tribuns faisaient n'avait point ordinairement de force que le sénat ne l'eût approuvé. Les tribuns cependant s'opposaient souvent aux décrets du sénat ; et on ne pouvait passer outre que l'opposition n'eût été levée et pour obliger les tribuns à se désister de leur opposition, il fallait avoir recours aux autres magistrats, et employer les prières ou les menaces, ou en appeler au peuple. Néanmoins quand un décret du sénat ne passait point, à cause de l'opposition de quelques tribuns, on ne laissait pas de l'enregistrer ; mais au lieu de l'appeler senatus-consultum , on l’appelait senatus autoritatem, déli­béré du sénat. Il faut remarquer qu'un senatus-consulte qui donnait quelque ordre aux magistrats, s'exprimait d'une manière très honnête à leur égard : si iis  ita videturt ’s’il leur plaît, s'ils l'ont pour agréable. Avec la date et le lieu où s’était tenu le sénat, était marqué le nom des sénateurs qui avaient opiné. D. E. R. I. Ce, c'est-à-dire de ed re ita censuerunt ont ainsi opiné sur cette affaire tel et tel consul, et ensuite les autres. Cicéron, lettre deuxième du quatrième livre  à Atticus ; lettre huitième du livre 8. Famil., et troisième livre des lois ; Dion. liv. 55 ; Rosin,  liv. 7, chap. 6.     C'était dans le capitole, et dans les temples de Saturne et de Cérès qu'on gardait les lois, les décrets et les arrêts du sénat avec le trésor public et on en confiait la garde aux édiles.
    Le sénat s'assemblait dans différents endroits : 1° dans les temples de la Concorde, entre le capitole et la place romaine, de la Foi, de la Vertu, de Jupiter Stator, de Jupiter Capitolin, de Mars, d'Apollon, de Castor et de Pollux, de Vulcain ; et il recevait les ambas­sadeurs des peuples ennemis dans celui de Bellone, hors de la ville. Rosin, Ant. Rom., liv. 1, chap. 14, liv. 7, chap. 6.
L’histoire romaine fournit plusieurs beaux exemples, qui font voir dans la conduite du sénat romain, tandis qu'il fut libre, huit excellents caractères,  savoir : l'attachement, l'observation du secret, le maintien de la discipline militaire, la sagesse dans les récompenses, la fidélité envers les alliés, la fermeté dans les dangers dont la république était menacée, la modération dans les heureux succès, la constance dans les mauvais.

ARTICLE IX.
Des Patriciens.
Patricien était le nom de ceux qui descendaient; des premiers sénateurs de Rome  créés, par Romulus. Ils étaient ainsi appelés parce qu'ils pouvaient nommer un sénateur parmi leurs ancêtres,  patrem ciere; car les premiers sénateurs furent appelés par Romulus : patres, pères. Les descendants des sénateurs qui furent choisis depuis, furent appelés patricii   minorum gentium , ou seconds patriciens.   Rosin, liv, 1, chap. i5 et 17» et liv. 7, chap. 5 et 6 ; Tite-Live, liv.1 et 8

 ABRÉGÉ DES ANTIQUITÉS ROMAINES.
ARTICLE  PREMIER
De la ville de Rome.
Romulus est le fondateur et fut le premier roi de Rome : il eut pour successeur Numa Pompilius, Tulliu Hostilius, Ancus Martius, Tarquinus Priscus, Servius Tullius et Tarquin, surnommé le Superbe. Rosin, Antiquités Romaines, liv.1, chap.1.
La cruauté, l'avarice , l'insolence la fierté de ce dernier roi  portèrent les Romains à secouer le joug d'une telle servitude ; et l'injure que son fils Sextus fit à Lucrèce, en la déshonorant, en fut le prétexte.
    Ce changement arriva la de la fondation de la ville de Rome, qui fut depuis gouvernée par deux consuls que l’on choisissait tous les ans. Mais depuis Jules César la république changea son nom en celui d'empire romain, à cause du gouvernement des empereurs. Rosin,  Ant, Rom. liv. 11, chap. 9 ; Tite-Live, liv. 1.
    Rome, que les auteurs latins appellent; souvent (Urbs) la ville par excellence, et par préférence à toutes les autres villes du monde, est la capitale le l'Italie. Elle le fut autrefois du fameux empire romain et, aujourd'hui elle l’est encore du monde chrétien.

Article II
Des Curies ou Quartiers de la ville de Rome.                '
La ville de Rome fut d'abord divisée par Romulus en trois tribus r et chaque tribu en dix quartiers ou curies, qui avaient leurs exercices de religion et leurs chefs à part, comme nos villes sont aujourd’hui partagées en paroisses; et le prêtre, ou celui qui avait soin des Sacrifices de chaque curie, s'appelait Curio, a sacris curandis. Rosin, Ant, Rom., liv.1, chap.12.
Le peuple romain s'assemblait par curies, dans les premières années de la fondation de Rome, parce qu'il n'y avait pas encore de centuries, mais seulement trois tribus : ainsi on créait les rois et les magistrats, on faisait les lois et les ordonnances, et on rendait la justice dans l'assemblée des curies, en prenant les suffrages du peuple. Mais dans la suite ces assemblées ne se firent plus que pour créer les flamines  c'est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars et de Romulus et le grand curion car cha­que curie se choisissait qui elle voulait pour curion ou sacrificateur.
    Les assemblées les plus anciennes du peuple romain , et même les seules qu'il ait eues pendant assez de temps, se nommaient en latin comitia curiata c'est-à-dire assemblées du peuple romain par curie ou quartiers, parce qu’il ne s’y trouvait que ceux qui demeurait à Rome.
    Ces assemblées se tenaient dans un lieu nommé comitium, qui était dans la place de Rome et c’étaient les pontifes qui y présidaient comme les personnes les plus considérables de chaque quartier ou curie. Tite-Live, liv. 1 ; Denys d’Halicarnasse, liv.2 ; Rosin, Antiquités Romaines, liv.6, chap.2, 5 et 7.  

Article III
Des Tribus.
    Tarquin l’Ancien, 5ème roi de Rome, voyant que la ville et le peuple étaient fort augmentés, ajoute trois tribus à celles que Romulus avait établies. Ce nombre fut augmenté de temps en temps ; et l'an 512 de la fondation de Rome, il y en avait trente – cinq, dont les unes étaient appelées en latin urbanae, c'est-à dire de la ville et lesautres rusticae de la campagne : de sorte que les habitantsde Rome composaient les tribus de la ville; et ceux qui vivaient hors de la ville, étaient dans les tribus de la cam­pagne. Mais les tribus de la ville, qui étaient d'abord les plus honorables , fu­rent méprisées dans la suite, parce qu'Appius Claudius étant censeur, et voulant gagner le peuple, y introduisit les derniers de la populace de la ville, l'an 446 de la fondation de Rome. Les ancien­nes et les plus considérables familles de Rome s'en retirèrent, et aimèrent mieux entrer, ou être censées dans les tribus de la campagne, où leurs biens étaient situés : ce qui fut cause que ce mot de tribu ne marqua plus la demeure de ceux qui en étaient, mais leur réception dans une certaine partie du peuple ;et il ne resta que quatre tribus de la ville, nommées en latin suburana, esquilina, quirinalis et palatina, des quatre quar­tiers de la ville. Les autres trente et une tribus étaient de la campagne, et elles portaient le nom de quelque lieuou de quelque famille illustre.
    Ces tribus s'assemblaient ordinaire­ment dans le Champ de Mars, ou dans la place de Rome, pour élire les magistrats de second rang, comme les tribuns du peuple, les édiles,les triumvirs , les proconsuls, etc., pour faire les lois, qu'ils .appelaient plebiscita, et pour d'autres affaires semblables.
    Ces assemblées se nommaient en latin comitia tributa, par tribus; et elles étaient différentes des assemblées du peuple par curies, nommées comitia curiata ce qu'au lieu que celles-ci, c'est à dite les assemblées du peuple par curies, n’étaient composées que des seuls habitants naturels de la ville de Rome,celle-là, que les tribuns avaient pouvoir de convoquer, comprenaient, avec les habitants de Rome, tous ceux des villes d'Italie, qui y étaient agrégés , et qui avaient obtenu le droit de bourgeoisie à Rome. Rosin,  Ant. Rom., liv. 6, chap. 15, 16, 17 et 18.

Article IV
Des Centuries  et des  Assemblées du peuple romain par Centuries.   
    Les assemblées du peuple par centuries, en latin comitia centuriata,  étaient les plus solennelles, et ne pouvaient être con­voquées que par les, consuls, les préteurs, les censeurs, les dictateurs et les décemvirs et il fallait que le sénat en ordonnât la convocation par un décret.
    Les centuries furent établies par Servius Tullius, sixième roi de Rome, lorsqu'il fit le premier dénombrement du peuple, et qu'il le divisa en six classes ou bandes, et chaque classe en plusieurs centuries. La première, qui était composée des plus riches, fut divisée en quatre-vingts centuries, dont quarante renfermaient ceux qui étaient capables de porter les armes ; et les quarante autres, les personnes âgées qui devaient demeu­rer dans la ville. La seconde classe était de vingt centuries ; les jeunes gens et les hommes faits en composaient dix, et les plus âgés les dix autres ; mais ils avaient moins de biens que ceux de la première classe. La troisième et la qua­trième classes étaient aussi composées chacune de vingt centuries ; la cinquième de trente centuries ; la sixième classe renfermait tout le menu peuple, et n'é­tait comptée que pour une centurie.
    Le roi Servius choisit parmi les nobles dix-huit centuries de chevaliers, qu'il joignit à la première classe : ainsi, la première classe contenait quatre-vingt-dix-huit  centuries. Il ajouta encore deux centuries d'artisans et de forge­rons à la seconde classe, et deux cen­turies de trompettes et de joueurs de cornes. Leur nombre fut augmenté par Lucius Trebonius jusqu'à dix.
    L'autorité des tribuns était fort grande car non seulement ils avaient le pouvoir d'assembler le peuple, de lui proposer ce qu'ils voulaient, et de faire des règlements et des lois, mais même ils pouvaient s'opposer aux décrets du sénat, les casser, et citer devant le peuple les autres magistrats. Quelque­fois même ils ont fait emprisonner les consuls et condamner le dictateur à l'amende. Il est vrai que Sylla étant dictateur, en 672, diminua la puissance des tribuns, et fit ordonner qu'ils se­raient exclus pour toujours des autres charges de la république, et que leur pouvoir ne s'étendrait que dans la ban­lieue et à mille pas de Rome. Mais M. Cotta, en 679, et Pompée en 683, rendirent aux tribuns l'autorité que Sylla leur avait ôtée et il leur fut permis de l'exercer aussi dans les provinces. Rosin,  Ant.  Rom., liv. 7, chap. 23. Tite-Live, liv. 3 et 7; Lipse, chap. 18.
    Quoique la charge de tribun du peu­ple ne fut donnée, pendant quelque temps qu'à ceux qui étaient de famille, plébéienne, cependant les sénateurs et les patriciens ou nobles voulurent y être admis: mais il fallait que le peuple la leur offrit, et il ne leur était pas permis de la demander. Alex. ab. Alex.) liv.  5,  chap, 1.
    La maison des tribuns du peuple était ouverte jour et nuit, afin que le peuple pût entrer à tout moment et à toute heure pour leur poster ses plaintes : c'est  pourquoi il ne leur était pas permis de s’absenter de Rome un jour entier. Appien, liv.2; Agell., liv. 3, chap. 2; Dion., liv. 37; Denys d’Halicarnasse, liv.8 ; Lipse, chap.15 ;Rosin, liv.7, chap.23. 
    Quand ils approuvaient les décrets et les arrêts du sénat, ils les marquaient de la lettre T, et se servaient du mot de veto, sans apporter de raison pour former leur opposition ; et la force de cette parole était si grande, que si quel­que magistrat eût passé outre, il aurait été emprisonné sur-le-champ comme vio­lateur d'une autorité inviolable ; et c'é­tait un crime irrémissible que d'atten­ter à la vie dés tribuns, de leur dire des injures, ou de leur faire quelque vio­lence. Ciçéron1pour Sexeius}Tite-Live, liv .2 et 32.
    Quoiqu'il y eût à Rome un dictateur, les tribuns conservaient toujours leur autorité ; mais ils ne pouvaient pas s'op­poser à ses ordres, et à ses règlements comme ils te pouvaient faire à l'égard des autres magistrats. Alex, ab Alex, liv.5, chap.2.
    Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les tribuns et les citoyens populaires qui haranguaient le peuple dans la place publique avaient toujours le visage tourné vers le lieu des assemblées du sénat,  par respect pour ce premier corps de la république. Licinius Crassus fut le premier qui viola cette coutume constamment observée jusqu'alors, et il le fit pour flatter le peuple, en bravant pour ainsi dire, l'autorité du sénat. Cicéron,  de l’Amitié, chap. 25,; Rosin,  Ant. Rom., liv. 7, chap. 23.
    On ne pouvait être tribun du peuple qu'on n'eût trente ans accomplis : le peuple conféra cette charge à qui il vou­lut jusqu'en 730, qu'Auguste César sa fit nommer tribun; et les empereurs ses successeurs prirent cette qualité, et firent marquer sur leurs médailles les années de leur tribunat. Cantel,  république romaine / Furetière ;  Lipse t chap, 5.

Article XVI
Des Questeurs.
    Le questeur était un officier de l’ancienne Rome, qui avait soin du trésor public, et que nous appellerions aujourd’hui trésorier ou intendant des finan­ces. Quoiqu'il y ait eu des questeurs sous les rois de Rome, cependant on peut rapporter la première origine de la questure à Pub. Valerius Publicola, consul, qui ayant jugé à propos de faire mettre le trésor public dans le temple de Saturne, choisit, pour le garder, deux sénateurs, qu'on appela questeurs; et il en laissa ensuite le choix au peuple, l’an  23, après que les rois furent chassés de Rome. Mais le peuple ayant voulu depuis que ceux de son corps eussent part à cet emploi; l'on en créa quatre l’an 332 ou 333 : deux pour la ville, qui avaient la garde du trésor public, et qui recevaient les impôts qu'on tirait des provinces ; et deux autres qui étaient toujours: avec les consuls lorsqu'ils al­laient à la guerre, Plutarque, dans la vie de Publicola ; Tite-Live, liv.3 et 4 ;  et Denys d'Halicarnasset  liv.8.
     Les revenus de la république étant devenus plus considérables par ses grandes conquêtes, on augmenta le nombre des questeurs jusqu'à vingt. Ces questeurs étaient obligés d'accompagner les con­suls, les préteurs et les autres généraux d'armées, lorsqu'ils allaient en campa­gne. Ils tenaient registre des dépouilles des ennemis ; ils vendaient le butin ; ils recevaient les tributs et les impôts que les provinces payaient; ils avaient en leur garde les enseignes et les étendards militaires, qui étaient d'or ou d'argent : ils donnaient la paye et distribuaient les vivres aux soldats  (ce que font en France les commissaires des guerres); et quand des commandant des armées romaines avaient gagné quelque bataille, pris quelque ville considérable ou con­quis quelque province et qu'ils de­mandaient pour récompense l'honneur du triomphe, les questeurs assuraient au sénat avec serment la vérité des faits. Les questeurs avaient avec eux des secrétaires ou contrôleurs des finances ; qui étaient ordinairement des personnes d’une probité reconnue et d'une fidélité éprouvée : c'est pourquoi ceux mê­mes qui avaient été consuls, se faisaient un honneur d'exercer cet emploi. On avait encore établi à Rome et dans les provinces d'autres questeurs pour en­registrer et recevoir les amendes : nous les appellerions maintenant receveurs des amendes. Tite-Live,  liv. 4 et 7 ; Denys d’Halicarnasse, liv. 4.
    II y avait aussi une autre sorte de questeurs, que le sénat envoyait de temps en temps dans les provinces pour faire des informations, et pour juger des affaires criminelles. Ces questeurs avaient de plus grands privilèges, et plus d'au­torité que les questeurs de la ville  car ils pouvaient prendre la chaise curule, des licteurs, et les autres marques d'hon­neur qu'avaient les premiers magistrats dans leurs provinces ; et ils ont quelques fois commandé les armées. Ils avaient soin de recevoir les ambassadeurs et les princes étrangers, de les accompagner par honneur, de leur trouver des maisons pour loger, de leur faire porter les
présents de la république, et d'exécuter tout ce qui était ordonné par le sénat en ces occasions.
    La questure n'était que pour un an, quoiqu'on ait quelquefois continué des questeurs jusqu'à trois ans ; et c'était le premier degré pour monter aux au­tres dignités de la république: mais on ne pouvait point demander cette charge  qu'on n'eût vingt -sept ans accomplis/ Cicéron, art. a contre Verrés; Ulpien, de l 'office du préteur ; Lipse, chap. 5..
    Questeur, en latin quœstor, fut ainsi nommé à quaeranda pecunia et à maleficiorum quaestione. Varr. Liv.4 ; Rosin, Ant. Rom., liv. 7, chap. 22 ; Lipse, chap.16.

ARTICLE   XVII.
Trésor.
    On gardait le trésor public dans le temple de Saturne, bâti sur la pente de la montagne du capitole, vers la place de Rome, du côté du Tibre. Il y en avait un ordinaire où l'on recevait les revenus annuels de la république, et c'était d'où l’on tirait de quoi subvenir aux dépenses extraordinaires : mais il y en avait un autre qu'on appelait, sacré sanctius œrarium, où, après que Rome eût été reprise sur les Gaulois, on mit comme en dépôt des sommes considéra­bles, auxquelles on ne devait toucher que quand ces peuples, que l'on craignait extrêmement, feraient une nouvelle ir­ruption. Ce fut ce qui donna occasion à la belle réponse que César fit au questeur ou tribun militaire qui gardait ce trésor quand il le fit ouvrir par force pour s’en servir dans la guerre civile : qu’il était inutile de le garder davantage, puisqu’il avait mis Rome hors de danger d’être jamais attaquée par les Gaulois. C'était dans ce trésor qu'on avait mis depuis les sommes immenses que les généraux avaient apportées des pays con­quis.
    Outre ces deux trésors, il y avait en­core un autre fonds sacré, comme celui dont je viens de parler,  c'était le ving­tième de toutes les successions qui étaient recueillies par d'autres héritiers que par les enfants des morts ce qui montait à des sommes excessives. Ce dernier trésor s'appelait aurum vicesimarum.
    Tout lé monde sait que le nom gé­néral d’œrarium qu'on donnait à tous ces trésors, venait de ce que la première monnaie des Romains était de cuivre. Tite-Live, liv. 7 ; Plutarque, problem,; et Festus Appiannus , I, 2.
    Les tribuns du trésor, en latin tribuni aerarii, étaient des officiers tirée du peuple, qui gardaient le trésor public, où l'on mettait des sommes considé­rables pour payer les dépenses extraor­dinaires que la république était obligée de faire, surtout dans le temps de la guerre ; mais on ne choisissait pour tri­buns ou gardes du trésor, que des per­sonnes très riches et désintéressées. Rosin, Ant. Rom. 1,7 ch. 31.

ARTICLE XVIII.
Du Dictateur.
Le dictateur, en latin dlctator, était le souverain magistrat de l’ancienne Rome, que l'on créait dans les temps difficiles et dans les périls extrêmes de la république, comme quand il y avait de grandes  séditions , ou que la république était attaquée par de puissants ennemis. La puissance du dictateur ne durait pas plus que le danger ; ordinairement onne lui donnait cette grande autorité que pour six mois, de peur qu'il n'en abusât. C'était le consul qui, par  ordre du sénat, nommait le dictateur, et le choi­sissait parmi ceux qui avaient été consuls, et qui étaient d'un mérite distingué et d'une probité reconnue : cette élection se faisait la nuit, après que l'on avait pris les auspices et le peuple n'y avait point départ. Tite-Live,1, 3 et 4, ; Cic. 1, 3 des lois ; Rosin, Ant. Rom., 1. 7 et 17 ; Lipse, ch. 17.
    Le dictateur avait une puissance ab­solue : il était l'arbitre de la guerre et de la paix ; il pouvait lever des troupes, ou congédier les armées, quand il le jugeait à propos ; il ne rendait compte de ses actions à personne ; et quoique Tite-Live, I 8, rapporte que M.Fabius  ne pouvant faire entendre raison au dictateur L. Papirius, en appela aux tribuns du peuple, et au peuple, même, cependant, on n’appelait pas ordinairement de ses jugements, et ce qu'il ordonnait était exécuté sans qu'on put y former d'oppo­sition ;au lieu que les consuls avaient souvent besoin de l'autorité du sénat, pour, faire exécuter beaucoup de choses. En un mot} ce qui fait voir combien était grande la puissance du dictateur, c'est que, dès qu'il était élu, les autres magis­trats n'avaient plus d'autorité, ni de pou­voir, excepté les tribuns du peuple. Tite-Live, I, 2, 3 et 4. ; Polybe, I, 2;
Plutarque, dans la vie, de Fabius ; Rosin, liv.7, ch.17.
    Le dictateur avait toujours auprès de lui son capitaine des gardes, en latin magister equitum, pour en être secouru dans le besoin, ou pour exécuter ses or­dres. Plutarque et Polybe assurent qu'il était précédé de vingt-quatre licteurs ; mais Tite-Live semble être d'un avis contraire; et il dit que Sylla fut le pre­mier qui en prit vingt-quatre : quoi qu'il en soit, on lui accordait tous les droits et toutes les marques d'honneur que lesrois avaient : mais ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'il ne pouvait sortir d'Italie sans perdre son autorité et qu'il ne lui était pas permis de monter à cheval, à moins qu'il n'allât à l'armée; et quand il était en campagne , ses équipages, ses secrétaires, ses hérauts et tous ses autres officiers étaient entretenus et payés aux dépens de la république. Dion., I. 36; Tite-Live, I, 19. ; Alex, ab Alex. I, 3, ch, 3; Rosin, I. 7, ch. 17 et 18 ; Lipse, ch. 17.
    Ce mot de dictateur vient de ce qu'il était nommé et choisi par le consul,  quod a consule diceretur, ou de ce que les autres magistrats lui étaient soumis,  quod ejus dicto omnes audientes  essent ou du verbe dictando, parce qu'il prescrivait ce qui était le plus avantageux à la république. On appelait aussi, le dictateur magister populi. Varron, I. 4 ; Denys d’Halicarnasse, liv. 5 ; Sénèque, ép. 109; Cicéron, I. 3, de finibus. ; Rosin, Ant. Rom., liv. 7, chap. 17. Denys d'Halicarnasse., I. 5 ; Lipse, chap. 17.
    La charge de dictateur fut créée environ l’an 253 de la fondation de Rome et elle fut supprimée environ 400 ans après, à cause de la tyrannie de Sylla et de César, qui prirent la qualité de dictateurs perpé­tuels. Rosin, ch. 17.

Article XIX
Des Censeurs.
Les censeurs étaient des magistrats ro­mains établis pour réformer les mœurs, et pour corriger les abus qui se glissaient dans la république. Les gens du roi et les lieutenants de police ont des fonctions qui répondent en quelque sorte à celles de cette charge, et ils pourraient être ap­pelés censeurs des mœurs. On créait de cinq en cinq ans deux censeurs qui étaient ordinairement des gens d'une vie irréprochable et d'une grande fermeté. Leurs prin­cipales fonctions étaient de faire le dénombrement du peuple, de dresser un étatexact des noms, des biens, de l’âge, des conditions, des professions, des enfants, des esclaves ; de faire la taxe et l'estimation des biens de tous les citoyens, afin que les impôts fussent imposés à proportion de ce que chacun possédait; de créer le prince du sénat, d'affermer les revenus de la république, de faire le tarif des mar­chandises, de veiller à l'éducation de la jeunesse, de réprimer le luxe, d'empê­cher les dépenses superflues, et de divi­ser le peuple en centuries, ou en diver­ses classes. Ils avaient aussi soin des jeux et des sacrifices qui se faisaient aux dé­pens du public, et inspection sur les rues, sur les chemins publics, sur les ponts et sur les aqueducs. Quand les sénateurs et les chevaliers faisaient quelque ac­tion indigne de leur rang, les censeurs avaient le pouvoir de chasser les uns du sénat, après en avoir apporté les raisons, et de dégrader les autres, en leur ôtant l’anneau et le cheval que la république leur avait donnés pour marque de leur dignité ou en les mettant au rang du peuple ; ce qu'on .appelait en latin in aerarios referre. Ils chassaient aussi des tribus, ou privaient du droit de suffrage, ou disaient passer d'une tribu plus ho­norable à une autre qui l'était moins, ceux d'entre le peuple qui n'observaient pas les règlements de la police, ou dont la vie était scandaleuse} sans que personne pût appeler de leurs jugements. . Cic.,  liv. 3, des Lois et de la Vieillesse; Tite-Live, I. 44 et 45; Ovide, éleg. I  du 2 ; liv. des Tristes. Hor., liv. 2, ép. 6 ; Val., I, 4, chap. 1 ; Rosin, ._I.,7, chap., 10 ; Lipse,  ch.;i8..
   Il est vrai que P. Clodius, étant tribun du peuple, fit une loi pour défendre aux censeurs de noter un homme d'infamie, qu'il n’eut, été auparavant accusé, jugé et condamné dans, toutes les formes :mais quelque temps après, vers l’an 702 de la fondation de Rome, le consul Metellus fit casser cette loi et on rendit aux censeurs leur ancienne autorité. Juste-Lipse, ch. 18, des Magistratures ; Dion., I. 48 ;  Cicéron , contre Pison.
    On ne pouvait être censeur qu'une fois en sa vie et lorsque l'un des deux cen­seurs venait à mourir pendant l'exercice de sa charge, non seulement on regar­dait sa mort comme un mauvais présage mais même l'autre censeur était obligé de quitter la censure et on en élisait deux autres.- Plutarque, probl. 5o ; Tite-Live -IrfVe» I. 6 et 95 Rosin, , 1. 7 r chap.10. 16; et Lipse, chap. 18.  
    Les censeurs furent créés, pour la pre­mière fois, vers l'an de Rome 310, parce que les consuls, étant accablés d'affaires, et souvent obligés d'aller commander les armées, ne pouvaient faire le dé­nombrement du peuple ni avoir soin de la police et des mœurs. D'abord les deux censeurs étaient de famille patricienne et il fallait qu'ils eussent aupa­ravant été consuls mais dans la suite le peuple ayant demandé qu'on en élût, un de famille patricienne ou noble, et un autre de famille plébéienne, on lui accorda ce qu'il demandait ; et on choisit pour censeurs des gens qui n'a­vaient point été consuls. La censure a duré jusqu'au temps de l'empereur Décius. Cicéron, I, 3. des Lois. Plutarque dans la vie de Caton le censeur ; Tite-Live, I. 7 et 27; Rosin, Ant. Rom.I. 7, ch., 10 ; Lipse, ch.18.
    C'était dans le Champ de Mars que les censeurs assemblaient le peuple pour, en faire le dénombrement : mais leurs assemblées, ordinaires, se tenaient dans le temple de la Liberté, et leur cen­sure finissait d'ordinaire par une cé­rémonie religieuse, que l'on appelait lustre ou purification, du mot latin lustrare qui veut, purifier parce qu'on croyait sanctifier, consacreret rendre plus agréables aux dieux, les choses auxquelles cette superstition était rapportée. Tous les citoyens se ren­daient au Champ de Mars à la pointe du jour. Un censeur faisait trois tours autour du peuple rangé en bataille ; et il menait avec lui un pourceau, un bé­lier, un taureau, parés en victimes, qu'il sacrifiait ensuite au dieu Mars : et comme cette cérémonie se faisait de cinq ans en cinq ans les Romains se servaient du mot lustrum, lustre, pour marquer l’espace de cinq ans. Tite-Live, 1, 1 ; Denys d’Halic. I, 3 ; Cic., I, 2 de l’Orateur ; Rosin, Ant. Rom. I, 7 ch.10 ; Lipse, ch. 18.
    Le censeur était ainsi nommé du mot latin census, ou de cosendis aestimandis facultatibus , parce que les censeurs étaient chargés de faire le dénombrement du peuple, d'estimer les biens de chaque citoyen,  et d’en tenir registre; Rosin, ibidem ; Tite-Live, I, 4 ; Lipse, ch.18, des duumvirs.

ARTICLE XX.
Des Duumvirs.
Les auteurs ne conviennent point sous lequel des deux Tarquins les premiers magistrats que l'on a nommés à Rome duumvirs furent créés ; les uns disent que ce fut sous Tarquin l'Ancien , les autres assurent, que ce fut sous Tarquin le Su­perbe quoiqu'il en soit, ce qu'il y a de certain, c'est que l'un de ces deux princes leur confia la garde des livres des sibylles, qui étaient enfermés dans un coffre de pierre, et avaient été mis en dépôt au capitole, comme une chose sacrée, dans un lieu souterrain, et qu'ils firent faire le premier festin sacré t nommé lectisterium. En 388, les tribuns Caïus Licinius et L. Sextius augmentèrent le nombre des duumvirs jusqu'à dix, dont cinq étaient de famille plébéienne et cinq de famille patri­cienne ; et en 671, Sylla en ajouta cinq autres, ce qui fut cause qu'on les appelait en latin quindecimviri. Lact. et Servius, Dionysius et Gellius.
Les principales fonctions de leur charge étaient de consulter les litres des sibylles, quand l'Italie était affligée de la peste ou de la famine, et que la république était menacée de quelque grand danger ; de faire leur rapport au sénat de ce qu'ils y trouvaient ; de pro­poser les moyens d'apaiser la colère des dieux ou de détourner les malheurs de dessus le peuple romain en faisant les sacrifices et les prières qui étaient prescrites dans ces livres. Cette superstition dura jusqu'à l'on 389 de Jésus-Christ, que Théodose l'Ancien ayant ordonné par tout son empire de détruire les idoles. Stilicon qui était alors préfet du gouvernement de l’ltalie, fit brûler les vers et les livres attribués aux sibylles. Dion., liv. 4 ; Lact., I, 1, c.6 ; Tite-Live, I, 6 et 7, deca.41 ; Rosin, I., 3ch.24.
Il y avait encore à Rome plusieurs sortes de duumvirs : les uns étaient à peu près comme nos commissaires de la marine, et avaient soin de faire cons­truire et équiper les vaisseaux, etc. ; ils furent créés l’an 542 de la fondation de Rome. Tite-Live, I 10, 40 et 41 ; et Rosin, I, 7, c.40.
       Les autres étaient nommés capitaux, c'est-à-dire juges ou lieutenants criminels, parce qu'ils condamnaient à mort : les criminels mais on appelait de leurs sentences au peuple, qui avait seul le droit de confirmer un jugement de mort porté contre un citoyen romain. Ce fut le roi Tullus Hostilius qui créa ces magistrats, pour juger le fameux Horace, qui, ayant tué les trois Curiace, tua ensuite sa sœur, à cause qu'elle pleurait la dépouille de l'un des Curiace qu'elle espérait épouser. Tite-Live, I/, i et 6; Rosin, I., 7 37.  
      II y avait d'autres duumvirs qui étaient chargés de la conduite des colonies que le peuple romain, envoyait dans les nou­velles habitations. C'étaient eux qui mar­quaient le lieu où il fallait bâtir les nouvelles villes, qui divisaient les terres, donnaient les règlements, et adminis­traient la justice aux nouveaux habitants ; et ils y tenaient le même rang et avaient la même autorité que les consuls à Rome. Ces duumvirs étaient tirés du corps des décurions et leur magistrature durait cinq ans. Fenestella ou And.Dom. Flaccus, chap. 21, du I. 2 ; Tite-Live, I, 9.

ARTICLE XXI.
Des Triumvirs.
    Triumvir (ce mot est tout latin), est l'un des trois magistrats qui gouvernaient  souverainement à Rome et partageaient entre eux le gouvernement de la république. Ces triumvirs n'avaient rien de particulier, entre eux ; si ce n'est qu'ils se vengeaient chacun de leurs en­nemis. Le triumvirat était un  gouver­nement absolu de trois personnes. Il y a eu à Rome deux fameux triumvirats qui durèrent environ douze ans. Pompée, César et Crassus formèrent le premier ; Octave depuis appelé, Auguste,  M. Antoine et Lépide, firent le second après la mort de C. Jules César. Ce dernier triumvirat acheva de miner, et donna le dernier coup à la liberté de la république : Octave s'étant brouillé avec M. Antoine et Lépide leur fit la guerre et les ayant vaincus, il demeura seul maître de Rome et de la république. Rosin, l. 7rch. 21 ; Suétone, dans la vie d'Auguste,
      II y avait aussi à Rome divers officiers ou magistrats qu'on appelait triumvirs. Les triumvirs capitaux furent créés environ l’an 464 de la fondation de Rome : ils étaient les juges des causes criminelles ; ils connaissaient des homi­cides,des vols, et de ce qui regardait les esclaves ; ils faisaient les informations contre ceux qui étaient soupçonnés de quelques crimes, ils avaient la garde des prisons, et faisaient exécuter ceux qui avaient été condamnés à mort par le préteur. Tite-Live, I. i5 et 21 ; Salluste ; Rosin, Ant. Rom. I. 7, chap. 27.
    Le lieu où ils rendaient la justice était proche la colonne appelée Maenia, dont Cicéron parle en divers endroits de ses ouvrages, comme dans la divination contre Verres, dans les harangues pour Cluentius et Rabinus. Ces magistrats étaient différents des duumvirs qui con­naissaient aussi des causes criminelles en ce que ceux-ci étaient élus par le sort, et les premiers par les suffrages du peuple assemblé par tribus. Rosin, ibid.
    Les triumvirs de nuit, en latin triumviri nocturni, étaient trois per­sonnes qui veillaient pendant la nuit, afin que s'il arrivait quelque incendie, ils fussent plus en état de donner les ordres nécessaires pour éteindre le feu ; et ils mettaient des sentinelles sur les murailles et en différents quartiers de la ville y pour être avertis aussitôt qu'ils verraient du feu. Rosint liv. 7, ch. 28.
    Il y avait encore trois magistrats de la santé, qu'on appelait triumvirs, et qu'on créait principalement dans les temps de peste et des maladies populaires. Rosin, ibid.
    Je ne dis rien ici des triumvirs qui avaient la conduite des colonies romai­nes parce que j'ai rapporté les fonctions de leurs charges dans le chapitre précé­dent, en parlant des duumvirs.

ARTICLE XXII.
Des Décemvirs.
    Les décemvirs étaient des magistrats souverains, égaux en puissance, crées dans la république romaine pour choisir etfaire des lois. Voici en peu de mots l'origine  de leur création : comme la ville de Rome était mal policée, et qu'elle n'avait point ou que très peu de lois, un homme d'un mérite distingué, nommé Herinodore originaire d'Ephèse, et qui ayant été chassé de son pays par envie, s'était retiré en Italie, conseilla aux Ro­mains   d'envoyer des ambassadeurs à Athènes et aux autres villes les mieux policées de la Grèce , pour apprendre leurs coutumes, et pour  décrire leurs lois ; ce qui fut exécuté : et au retour des ambassadeurs, on nomma dix per­sonnes sages et éclairées pour composer de ces lois étrangères les lois des douze Tables, dans lesquelles consistait d'a­bord tout le droit romain. Ces dix per­sonnes furent nommées decemvirs.  En, 302, on donna aux decemvirs la même puissance qu'avaient eue les rois, et après eux les consuls ; et ils gouvernèrent la république, en la place des consuls, avec une autorité souveraine qu'ils avaient l'un après l'autre : mais leur pouvoir ne dura que deux ou trois ans, parce qu'ils abusèrent de leur autorité, et on rétablit les consuls. Tite-Livet liv. 3 ; Cicéronr liv2, de fin ; Denys d'Halicarnasset liv.8; Rosin,  Antlq. Rom.liv. 7, chap. 19.
    On établit encore à Rome dix juges, que l'on nomma decemvirs  pour ren­dre la justice en l'absence du préteur. Rosin, Ant . Rom, liv. 7,  chap. 3o.

ARTICLE   XXIII.
Des Centumvirs.
    Les centumvirs étaient des magistrats et des officiers de l'ancienne Rome, éta­blis pour juger des affaires civiles, des testaments, des tutelles, des prescriptions, des degrés de parenté, du droit de pro­priété, des auvents etc. La juridiction de ces juges s'étendit beaucoup dans la suite et leur nombre fut augmenté considérablement : cependant ils conser­vèrent toujours le nom de centumvirs et ils étaient tirés des trente-cinq tribus dont le peuple romain était composé. Rosin,  Ant. Rom.r liv. 7, chap 3o ; Cicéron, 2, de l'Orat. ; Quintil,  liv. 4, chap.1, liv.5, chap.2, liv.11, chap.4 ;Pline, épître33, liv.6.

ARTICLE XXIV.
Des Préfets.
    Le nom de préfet vient du latin praefectus. Il y avait autrefois à Rome plu­sieurs sortes de préfets  dont les fonctions étaient fort différentes. Le préfet de la ville de Rome était l’un des premiers magistrats qui la gouver­nait en l'absence des rois, des consuls et des empereurs. Son pouvoir a été un peu différent selon les temps : il eut beaucoup plus d'autorité sous les empe­reurs. Voyez liv. I tit. 28 du Code. Il avait sur tout le gouvernement de la ville de Rome la connaissante de tous les crimes commis dans la ville, et à cent milles au-dehors, lui appartenait ; il ju­geait à mort sans appel ; et même, par la novelle 62, il avait la préséance dans le sénat, et marchait devant ceux qui avaient été consuls et qui étaient de fa­mille patricienne,  il avait aussi l'inten­dance des vivres, de la police, des bâtiments et de lanavigation. II y a encore à Rome un préfet qui est comme un gouverneur, mais bien différent de l'an­cien car le pouvoir de celui-ci ne s’étend  qu'à quarante milles hors de la ville, et celui de l’ancienne Rome s'étendait à  cent milles ; comme l'on peut voir au titre de l’Office du Préfet de la ville, liv. I, tit,11 ; Rosin, Ant. Rom.t liv. 7, chap., 14 et 15.
    Le préfet du prétoire était le commandant de la garde de l'empereur, et il était comme le colonel des gardes de l'empe­reur. La légion prétorienne était de dix mille hommes (à ce que dit Dion.) Ce fut Auguste qui créa la charge de préfet du prétoire. Il était d'ordinaire de l'ordre des chevaliers romains, mais après l'élévation de Macrin, on prit, pour remplir cette charge, des séna­teurs ou quelques-uns de ceux qui avaient été consuls. Les autres empereurs augmentèrent considérablement la puis­sance du préfet du prétoire : car il était comme l'arbitre et le juge souverain des affaires et on peut le comparer aux mai­res du palais qui avaient autrefois tant de pouvoir en France. Mais Constantin le Grand cassa les gardes prétoriennes, parce qu'elles avaient pris le parti de Maxence et pour diminuer l'autorité du préfet du prétoire, il divisa, l'empire en quatre diocèses ou départements : sa­voir: l'Italie, l’Illyrie, les Gaules et l’Orient et créa un préfet du prétoire pour gouverner chacun de ces diocèses et pour y rendre la justice. Ainsi, la charge de préfet du prétoire, qui, dans son origine, était militaire, à peu près semblable à celle du général de la cava­lerie, appelé magister equitum devint une charge civile sous cet empereur. Suétone, dans la vie d'Auguste, liv. I , tit., du Devoir du Préfet ;Rosin , liv. 7, chp. 33.
    L’empereur Justinien créa un cinquième préfet du prétoire pour gouver­ner l'Egypte, qui fut détachée du gouver­nement d'Orient, depuis l'invasion des Vandales et réunie à l'empire sous cet empereur.
    Ces cinq préfets n'avaient plus le com­mandement des armées, ils jugeaient seulement les affaires en dernier ressort, et avaient tous les honneurs dus aux souverains, sans en avoir le nom et l'au­torité ; car ils ne faisaient rien que sous le bon plaisir des empereurs, Rosin, liv. 7, chap.  33.
    II faut remarquer ici en passant que les Romains  appelaient provinces tous les états et pays par eux conquis, hors l'Italie. Province, ce mot vient de procul vincendo. Rosin.liv. 10, ch. 22.
    Quoique les édiles fussent chargés du soin des vivres et que le préfet de la Ville en eut l’inspection, néanmoins dans les grandes nécessités ou dans les temps de cherté, de disette ou de famine, on créait un magistrat, appelé préfet des vivres, prœfactus annonae qui avait la charge d'acheter des blés dans les provinces de les faire vendre au peuple à un prix raisonnable, et de faire punir ceux qui en faisaient des greniers pour en augmenter le prix.

ARTICLE   XXV.
Des Officiers des Magistrats.
Les premiers magistrats, comme les consuls, les dictateurs, les préteurs et ceux qui avaient droit de commander les armées et de condamner à mort les criminels, avaient toujours auprès d'eux des officiers pour exécuter leurs ordres. Les noms de ces officiers sont tirés du latin et marquent ordinairement les fonctions de leur charge.
    Les secrétaires ou greffiers,  en latin scribœ, écrivaient dans des registres les comptes publics, les actes, les règlements, les ordonnances et les lois que les magistrats faisaient et ils avaient soin de faire publier les lois et d'en donner des formules aux hérauts ou crieurs publics. Cet emploi était moins honorable chez les Romains que chez les Grecs : il était exercé, chez les uns, par les affranchis et chez les autres on ne le confiait qu'à des personnes d'une
probité reconnue.
    Les licteurs étaient des officiers qui marchaient devant les premiers magistrats de la république romaine, portant des faisceaux de verges au milieu desquelles était une hache, dont le fer paraissait au haut du faisceau. Ils étaient toujours auprès des magistrats pour recevoir et exécuter leurs ordres ; ils les accompa­gnaient dans les rues pour faire ranger le peuple et ils fouettaient ou décapitaient les criminels qui avaient été condamnés à ces supplices. Les consuls étaient pré­cédés de douze licteurs ; mais les préteurs et les proconsuls, etc. n'en avaient que six. Ils sont appelés licteurs,  lictores,  a ligando parce qu'ils liaient les mains et les pieds aux criminels, avant que de les exécuter; ou a ferendis fascibus virgarum ligentis , parce qu'ils portaient des faisceaux de verges liées avec une hache : d'autres disent que leur nom est tiré de celui de licium ou linum qui était une ceinture qu'ils mettaient.
    Comme la plupart des magistrats ro­mains, en sortant de charge, se retiraient à la campagne, pour vivre plus tranquil­lement, ou pour s'occuper à l'agricul­ture, faire valoir leur bien, et prendre soin de leurs affaires domestiques , il y avait des officiers établis pour aller les avertir toutes les fois que le sénat s'as­semblait, ou quand on les avait nommés à quelque charge et comme la fonction de ces officiers était d'aller et de venir sans cesse, on les appelait voyageurs, en latin viatores.
    II y avait des huissiers ou sergents que l'on nommait accinsi , quia acciebant parce qu'ils appelaient les causes qui se plaidaient devant les magistrats , qu’ils allaient avertir de se trouver aux audiences ou aux assemblées et qu'on les appelait à tout moment pour leur donner diverses commissions : ces officiers avaient soin aussi d'avertir les magistrats de l'heure qu'il était, et d'empêcher qu'on ne fit du bruit lorsqu'on plaidait , ou que l'on examinait quelque affaire  et cettecharge étant un office très pénible , on ne la donnait ordinairement qu'à des affranchis , à qui l'on com­mandait presque comme à des escla­ves. Cicéron) dans la lettre à son frère Quintus ; Rosin , liv. 7, ch 48 Varron, liv . 4.
    Les officiers que l'on appelait  statores étaient  une sorte d'exempts ou de mes­sagers qui servaient à porter les ordres des magistrats à citer et ajourner les accusés et à arrêter les criminels ; ce mot vient de sistendis reis, Rosin , liv. 7, chap.48.
    Les interprètes étaient des officiers qui expliquaient les lettres que les peuples étrangers écrivaient aux premiers touchant les affaires de la république et qui interprétaient les discours des ambassadeurs étrangers. Les consuls, les gouverneurs de province, les ambassadeurs que le sénat envoyait les pays étrangers avaient avec eux des interprètes. Rosin, liv. 7, chap. 48.
    Les hérauts ou sergents crieurs, en latin praecones, étaient des officiers employés à différentes choses :
1) Ils criaient les biens et les meubles qui se vendaient à l’encan et les adjugeaient au plus offrant et dernier enchérisseur.
2) Lorsqu’on haranguait le peuple, ils faisaient faire silence.
3) Ils se trouvaient aux assemblées des magistrats pour y empêcher la confusion et pour avertir les tribus, lorsqu’il était temps de donner leurs suffrages.
4) Ils pu­bliaient les lois, et prononçaient à haute voix tout ce que l'on voulait faire savoir au peuple en général et en particulier.
5) Ils citaient les accusés, les accusa­teurs et les témoins, etc. Rosin, Ant. Rom. , liv. 7, chap. 48.
    Si nous en croyons Rosin, les officiers dont on vient de parler étaient tous compris sous le mot apparitores dé­rivé du verbe appareo, parce qu'ils étaient toujours, auprès des magistrats, pour recevoir et aller sur-le-champ exé­cuter leurs ordres et les différents noms qu’on leur a donnés, ne viennent, que des différentes choses auxquelles ou les employait. Rosint ibid.

ARTICLE  XXVI.
Des Dieux.
Dii,les dieux, fausses divinités que les païens adoraient : il y en avait de célestes, qui avaient leur domicile dans le ciel ; de terrestres, qui avaient soin des champs, des montagnes, des forêts etc. ; d'aquatiques, qui présidaient: à la mer,  aux fontaines, etc. ; d'infernaux, qui présidaient aux enfers et y punissaient les méchants.
    Les principales divinités des Romains étaient au nombre de vingt ; savoir : Jupiter, dieu du ciel et de la terre, père et souverain des autres dieux, et roi des hommes : ce mot de Jupiter vient de juvans pater ;la déesse Junon, déesse de l'air ; Neptune, dieu de la mer ; Pluton, dieu des enfers et des richesses ; Saturne, dieu du temps ; Cybèle, ou Tellus, déesse de la terre ; Cérès, déesse des blés ; Vesta, déesse du feu ; Janus,dieu du labourage ; Bacchus , ou Liber, dieu du vin; Vulcain, dieu du feu; Mars, dieu de la guerre ; Apollon, dieu; de la médecine et de la poésie ; Minerve, déesse de la sagesse et des arts ; Diane, déesse de la  chasse ; Mercure, dieu de l'éloquence ; Vénus, déesse de la beauté et des plaisirs ; Genius, dieu de la naissance ; le soleil etla lune sous le nom de Diane.
    Les Romains avaient encore d'autres divinités qui étaient dans un rang in­férieur, comme Bellone, Cupidon, les Grâces, les dieux pénates et lares, les Parques, les Furies,  la Fortune, la Victoire etc.
    Ils honoraient aussi d'autres dieux, qu'ils appelaient indigetes, c’est à dire des hommes mis au rang des dieux, à cause de leur mérite comme Esculape, Hercule, Castor et Pollux etc. et ils faisaient aussi des dieux de leurs héros et de leurs empereurs qui leur avaient fait du bien et rendu de grands services. Les Romains apportaient les dieux de toutes les nations qu'ils subjuguaient ; ils faisaient venir à Rome leurs statues ; ils leur faisaient bâtir des temples, et ils leur faisaient rendre un culte religieux afin qu’ils lotir  fussent favorables et qu'ils ne s'opposassent point à leurs conquêtes.
    Quoique le Panthéon fût dédié à Ju­piter le Vengeur, il portait ce nom à cause du grand nombre de statues des dieux qu'on y avait placées, et parce qu'il était bâti en forme de dôme.
    Les paysans avaient aussi; leurs divi­nités particulières et entre autres, ilshonoraient Pan qui présidait aux campagnes et aux pâturages ; Sylvanus aux bois et aux forêts ; Priapus aux jardins et aux semences ; Pales aux fourrages; Hyppomène aux vendanges ; la déesse Pomone aux fruits ; Flore aux fleurs ; Vertumne aux saisons; les Nymphes, etc.
    On peut dire que ce sont la crainte, l'intérêt et la reconnaissance qui ont porté les païens à inventer un si grand nombre de dieux; et Juvénal, se mo­quant de la pluralité des dieux,disait qu'Atlas gémissait sous le fardeau de tant de dieux qu'on avait placés au ciel.
    Il serait assez difficile de débrouiller les idées des païens sur leurs dieux ; elles sont très confuses et souvent con­tradictoires : ils  admettaient tant de dieux supérieurs et inférieurs qui par­tageaient l'empire du monde, que tout, était plein de dieux et on a compté jusqu'à cent cinquante divinités que les païens ont adorées. Mais les poètes qui étaient leurs théologiens, ont parlé souvent des dieux d'une manière qu'on dirait qu'ils ont eu plutôt dessein de les rendre ridicules et méprisables, que de les faire honorer : car ils leur ont attribué des défauts, des faiblesses et des passions si indignes et si horribles, qu'on aurait honte d'honorer des hommes qui en auraient de semblables.

ARTICLE   XXVII.
Des Ministres de la Religion.
    Comme on n'a pas dessein de faire un gros livre, on ne parlera que des principaux ministres de la religion, et surtout de ceux dont parlent les auteurs qu'on voit dans les classes.

ARTICLE XXVIII.
Des Pontifes.
Un pontife était une personne sacrée, qui avait chez les Romains juridiction, et autorité sur les choses de la religion. II y avait à Rome de grands et de petits pontifes et au-dessus de tous les pontifies, il y en avait un, qu'on appelait le souverain pontife et qui présidait au collèges des pontifes. La dignité des pontifes était dans une si grande vénération, qu'ils avaient le pas sur tous les autres magistrats, et qu'ils ne rendaient compte de leurs actions à personne ; ils étaient; juges de tous les différends qui regardaient la religion; ilsen expliquaient les mys­tères, et réglaient toutes les cérémonies. Le premier jour de chaque mois, ils avertissaient le peuple du jour au­quel les nones arrivaient et de ce qu'il y avait à faire pendant le cours du mois, tant pour les sacrifices et les fêtes, que pour les foires. Ils avaient inspection et autorité sur tous les prêtres et sur tous les officiers qui ser­vaient aux sacrifices et au culte des dieux ; de sorte qu'ils les mettaient en pénitence, quand ils négligeaient leurs devoirs et qu'ils faisaient des fautes. En un mot, les pontifes avaient l'in­tendance et la direction des choses sa­crées, des sacrifices et du culte de la religion.
    Ce fut Numa qui institua les pon­tifes : il en créa d'abord quatre de fa­mille patricienne ; mais l’an 454 de la fondation de Rome, on en créa quatre autres de famille plébéienne; et Sylla, étant dictateur, en ajouta sept l'an 673. Ainsi, il y avait alors 15 pontifes, dont les huit premiers furent appelés grands pontifes, et les sept nouveaux petits pontifes. Ces pontifes néanmoins ne composaient qu'un même collège, où les places vacantes étaient remplies par ceux que les pontifes choisissaient à la pluralité des voix. Mais environ l’an 654, il fut ordonné par la loi Domitia que le peuple assemblé par tribus éli­rait les pontifes. Quelques années après, Sylla, étant dictateur, abrogea cette loi. Labienus, tribun du peuple, la rétablit l'an 690. Enfin l'empereur Auguste, permit pendant quelque temps aux pontifes de recevoir dans leur collège ceux qu'ils en jugeaient dignes mais il se réserva le pouvoir de créer et de choisir les grands pontifes et tous les autres ministres de la religion.
    Jules César, Auguste et tous les empereurs prirent la qualité de souverains pontifes. Constantin, Constance, Valentinien et Valens, quoiqu'ils fussent chrétiens, souffrirent qu'on leur donnât cette qualité mais l'empereur Gratien défendit expressément, par un édit, qu'on lui donnât le titre de sou­verain pontife ; et Théodose, son suc­cesseur, fit confisquer tous les revenus des pontifes, et abolit entièrement leur collège, et tous les prêtres de l'ancienne superstition. Depuis ce temps-là le nom de pontife ne fut donné qu'aux évêques, et il n’y eut plus que les papes qui furent appelés souverains pontifes. Le nom de pontife vient de potis et de facere, qui a le pouvoir de sacrifier et d'exercer les fonctions ecclésiastiques  ou de pons et de facere.

ARTICLE XXVIX.
Des Augures
La dignité d’augure était une des plus importantes et des plus considérables de la république romaine. La fonction des augures n'était pas de considérée seulement le chant, le gazouillement ou le vol des oiseaux, leur manière de  boire ou de manger à la sortie de leur cage , comme le nom le ferait croire , avis garritos, augurium quasi avigerium , ab avium gestu, aut quid gerant aves; mais de  juger généralement   de toutes sortes de  présages,  soit qu'ils fussent tirés des oiseaux du ciel et des animaux de la terre , ou de tout ce qui arrive  d'extraordinaire  dans l'une et l'autre ou enfin de tout ce qui survient par hasard entre les hommes. Ainsi, une coupe ou une salière ren­versée, des cendres dispersées, du miel ou de l'huilé répandue, un chien noir qui entrait dans une maison étran­gère, la rencontre d'un lièvre, d'un serpent ou d'un loup qui passait de la gauche à la droiteou celle d'une be­lette,  un serpent qui serait tombé d'une gouttière, les cris d'une chouette,  heurter du pied contre quelque chose, s'accrocher à quelqu'autre par ses habits, parler d'incendie dans un festin, verser de l'eau sous la table où l'on man­geait, s'il arrivait que tous les conviés se tussent tous en même temps sans dessein et comme par hasard, que des rats rongeassent quelque chose de pré­cieux, si les pieds démangeaient, et mille autres choses aussi ordinaires qui étaient regardées comme desmau­vais présages, n'étaient pas moins l'ob­jet des augures, qu'un boeuf qui avait parlé que des pluies de sang ou de pierres, que des tonnerres en temps serein, et les plus bizarres effets de la foudre. Tite-live,. 27, 29, 30 et 4o ; Valere Maxime,I.1, chap. 4 ; Cicéron,  de la Divination ; Denis d'Halic.,  l. 2 ; Rosin, Ant. Rom.  l, 2 chap. 9 ; Plaute, dans la comédie qui a pour titre Stichus ; Plutarque, dans les vies de Demetrius , de Crassus et de Thémistocle ; Suétone, dans Néron chap, 19, et dans Auguste, chap.92.
    On fit à Rome une science du jugement qu'il fallait faire de ces événements, ou, pour mieux dire, de ces superstitions ; mais il est constant que cette science avait été connue des Chaldéens et des Grecs  quoique les Toscans prétendissent en être les inventeurs, parce qu'ils l'avaient beaucoup perfectionnée.
    Cet art consistait donc,  à connaître ce qui était présagé et ce qui ne l’était pas ; à discerner les bons présages d'avec les mauvais, à in­terpréter toutes sortes de songes, ora­cles, prodiges, monstres, et autres choses semblables, à déclarer s'ils marquaient du bien ou du mal, ou quel bien ou quel mal ils signifiaient. Mais comme ç'aurait été peu de chose de découvrir et de prédire le mal sans en donner le remède, cette science n'en demeurait point à la simple spé­culation, elle enseignait aussi à éluder ou à expier les présagea qu'elle décla­rait mauvais , et, à éviter les maux présagés, en détournant la colère des dieux ou en l’apaisant par des sacrifices, des processions ou d'autres cérémonies religieuses, dont les augures réglaient le temps, le lieu, les personnes, qui devaient y assister et généralement toutes les circonstances nécessaires pour faire une expiation bonne, sainte et parfaite.
    On ne consultait pas seulement les augures sur tout ce qui arrivait, mais même on n'entreprenait rien sans les consulter. Il ne se tenait point d'assemblée publique, on n'élisait point de magistrats, on ne faisait aucune loi, on ne partait pour quelque expédition que ce fut, sans demander auparavant aux augures s'il le fallait faire ; et s'ils ré­pondaient que non, tout était différé ou rompu, et on n'aurait osé passer outre contre leur sentiment ;ce qui fait voir clairement que les augures étaient à Rome maîtres de tout, et comme des directeurs en titre,d'office auxquels on recourait dans les moindres rencontres de la vie, aussi bien que dans les plus importantes, pour savoir, ce qu'on devait en penser, et ce qu'on avait à faire.
    La charge des augures était, en quelque manière, une science plutôt qu'une dignité ou pour mieux dire elle n'était dignité qu'à cause qu'elle était science, à peu près comme le doctorat parmi nous aussi supposait-on qu'ils fussent également purs et sains decorps et d'esprit; de sorte que s'il leur survenait quelque ulcère, ils ne pouvaient en faire les fonctions. Cependant cette dignité ne se perdait que par la mort naturelle, au lieu que toutes les autres dignités se perdaient par la mort civile car on en était censé dégradé dès qu'on était condamné pour crime et la place vacante était aussitôt donnée à un autre mais pour les augures, on ne pouvait leur faire leur procès, ni les dégrader car, comme en les recevant dans le collège des augu­res, on les engageait, par les serments les plus sacrés, à ne communiquer leur science à personne, et à en faire mys­tère toute leur vie , on appréhendait que s'ils venaient à. perdre leur dignité , ils ne se crussent délivrés de leurs serments, et ne révélassent les secrets. C'est pourquoi la dignité d'augure était la plus considérable de toutes les dignités à vie, et c'était avec grande raison, puis­que ceux qui en étaient revêtus avaient un empire presque absolu sur les cœurs et sur l'esprit, Plutar., prob. 73 ; Cic., I. 1  de la Divination ; Val. Max, I, 1, chap. 1; Rosin, I. 3, ch. 8.
    Le petit nombre de personnes dont le collège des augures était composé, faisait encore rechercher davantage cette dignité, et en relevait encore le prix ; car Romulus n'établit que trois augures qu'il tira de chacune des trois tribus, en quoi il avait partagé son peuple. Comme dans la suite ces tribus furent augmentées de trois à trente-cinq, les augures le furent aussi, mais non pas à proportion car il n'y en eut que neuf, dont quatre étaient de famille patricienne, et cinq de famille plébéienne, jusqu'à l'an 671, que Sylla en ajouta six au­tres. Ainsi,  le collège, des augures n'é­tait composé que de quinze personnes et c'était toujours le plus ancien des augures qui y présidait. Tite-Live, liv, 1,10 et 29 ; VaL Max., liv, I, chp. 6; Rosin, liv. 3, chap. 8.
    Il y a eu divers changements dans la manière d'élire les augures car le droit en fut transféré plusieurs fois du peuple au collège des augures, comme en l'an 671, et de ce collège au peuple, l'an 690 : mais quand le peuple les nommait, c'é­tait toujours au collège des augures à agréer ceux que le peuple choisissait. Cicéron, de la, Loi agraire ; Dion., 37 ; Rosin, ibid.
Les augures s'assemblaient une fois le mois, pour conférer entre eux sur ce qui regardait leurs fonctions et voici comment : ils prenaient les augures. Après avoir offert les sacrifices destinés à cette cérémonie, le sacrificateur mon­tait sur le haut du mont Tarpeius, ou du capitole. Là, il faisait les divisions du ciel, et les marquait avec un bâton courbe par le bout, nommé lituus : il se couvrait ensuite la tête,   se tournant vers l’Orient, et alors il observait les choses qui paraissaient dans les espaces qu'il avait désignés, et par-là il jugeait du succès de ce qu'on lui avait proposé. En un mot, on ne faisait rien de consi­dérable et d'important à Rome, qu'a­près avoir consulté les augures. L'élec­tion même des  magistrats n'était pas légitime, et ils étaient obligés de quitter leurs charges, quand on n'avait pas observé toutes les cérémonies prescrites par les lois et que les augures ne les avaient pas consacrés et confirmés.
    Le collège des augures subsista jusqu'au temps de Théodose le jeune. Ce fut l'empereur Constance qui défendit de consulter les augures, comme étant des imposteurs. Rosin, Ant, Rom., liv. 3,   chap. 8, 9, 10 et 11; Cicéron, liv. 2   des Lois et de la vieilesse.

ARTICLE XXX.
Des Aruspices.
   Le mot d’aruspice vient d’aruspex ou d’aruga, qui signifie les entrailles des victimes, et d’aspicere, considérer, examiner. Les aruspices, chez les Ro­mains, étaient des sacrificateurs qui examinaient d'abord la qualité et la dis­position des entrailles des victimes, comme du foie, du cœur, des pou­mons ; ensuite ils considéraient de quelle manière la flamme entourait et brûlait la victime, quelles étaient la fumée et l'odeur de l'encens et comment le sacrifice se terminait. Par-là, ils prétendaient découvrir la volonté des dieux, prédire l'avenir, et connaître les heureux succès qu'on devait espérer, ou les malheureux qu'on devait craindre. Les peuples d'Etrurie ou de Toscane inventèrent cette superstitieuse prédic­tion qui était souvent mêlée de magie. C'est pourquoi Annibal avait raison de se moquer du roi Prusias, de ce qu'il avait plus de soin de consulter les en­trailles d'un veau, que les plus habiles capitaines ; et Caton disait qu'il ne sa­vait concevoir comment des augures et des aruspices pouvaient se rencontrer et se regarder sans rire, connaissant la vanité de leur science.

ARTICLE XXXI.
Des Prêtres nommés Flamines.
    Il y avait à Rome quinze prêtres, ap­pelés famines, qui étaient destinés et consacrés au service de différentes divi­nités mais ils ne faisaient point de collège comme les autres prêtres, et ils n'avaient rien de commun entre eux. Il y en avait trois qui étaient plus con­sidérés et plus honorés que les autres parce qu'ils étaient consacrés, le pre­mier à Jupiter, le second à Mars, le troisième à Romulus, sous le nom de Quirinus, qui était le nom de divinité de ce fameux fondateur de Rome; ils devaient être tous trois de famille pa­tricienne, et quand ils voulaient, ils prenaient séance dans le collège des pon­tifes sans en être. Le prêtre de Jupiter s'appelait en latin Flamen dialis, celui de Mars Martialis, et celui de Romulus, Quirinalis. Ce fut Numa, second  roi de Rome, qui établit ces trois prê­tres : les douze autres leur furent asso­ciés dans la suite et tirés des familles plébéienne. Mais ce qu'il y a de singulier, c’est que leurs femmes s'appelaient aussi flaminiae, prêtresses,comme participant à leur sacerdoce; et le di­vorce leur était défendu pour cette rai­son. Cicéron,  liv. 2, des Lois t des rép. des Aruspices, dans l’Oraison contre Vatinius, et pour sa maison, Tite-Live, liv. I ; Rosin, Ant. Rom., liv. 3,  chap, 15.
    Le prêtre de Jupiter, en latin Flamen dialis, avait des privilèges que les autres n'avaient point; il avait la préséance sur les autres flamines, il était précédé d'un licteur, il avait droit de se faire porter dans une chaise d'i­voire ; ses habits étaient plus magnifi­ques que ceux des autres : quand tira criminel se réfugiait dans sa maison, ou qu'il le rencontrait lorsqu'on le con­duisait au supplice, il pouvait lui donner sa grâce. Il bénissait les armées. Son bonnet était fait de la. peau d'une brebis blanche, qu'il avait immolée à Jupiter : à la pointe de ce bonnet il y avait une petite branche d'olivier attachée avec un ruban, il était élu dans une assem­blée générale du peuple, et c'était le souverain pontife qui le consacrait mais il ne lui était permis de posséder aucune magistrature, afin que tout son temps fut consacré au culte de Jupiter, auquel il offrait un sacrifice le jour des ides de chaque mois, c'est-à-dire le 13 ou le 15 de certains mois et il ne pouvait, sans être irrégulier, toucher un corps mort, ni de la farine où il y eût du levain, ni manger des fèves, ni considérer une armée rangée en bataille, ni faire aucun serment, etc.
    Ces prêtres furent appelés flamines, comme qui dirait filamines parce qu'ils avaient une sorte de bonnet ou calotte de fil de laine : ces prêtres, qui avaient: été en grande vénération jusqu'aux guer­res civiles de Sylla et de Marius, furent abolis sous Théodose, Aulu-Gelle,I, 3. Chap.5 ; Rosin , Ant. Rom., I. 3chap. 15 et 16 ; Varron, I, 2.

ARTICLE XXXII.
Des Prêtres nommés Feciales.
Le roi Numa établit à Rome un ordre de prêtres ou de magistrats qu'on appelait feciale, et qui étaient dépositaires des lois de la guerre ; on ne faisait jamais de guerre sans les consulter, et après que la guerre était résolue par leurs avis, un d'eux allait la déclarer aux ennemis sur la frontière, en présence de quelques témoins, et ils jetaient sur leurs terres une flèche ou un javelot, ou une perche brûlée par le bout, et ensanglantée : cette cérémonie rendait la guerre juste et légitime et quand on ne l'observait point, la guerre passait pour être in­juste.
    Il subsistait encore quelque chose de cette coutume sous les anciens empereurs chrétiens ; et Grotius, livre 2, du Droit de la guerre et de la paix, chap. 23, dit qu'avant que d'entreprendre une guerre, on consultait les évêques pour savoir si on pouvait la faire en conscience.
C'étaient aussi ces feciales qui con­cluaient les traités de paix et les trêves ; en frappant d'anathème ou de malédic­tion un pourceau, et souhaitant que ceux qui rompraient les traités de paix fussent frappés de même.

ARTICLE XXXIII.
Des Vestales.
Les vestales étaient chez les Romains des filles vierges consacrées au culte de la déesse Vesta; ce fut Numa Pompilius qui en institua quatre. Plutarque rap­porte que Servius Tullius en ajouta deux autres; et Denys d'Halicarnasse dit que Tarquin l'Ancien fit la même chose. Dans la suite, le nombre des vestales s'augmenta jusqu'à vingt : elles furent d'abord choisies par les rois et ensuite par les pontifes ; et on les prenait depuis l’âge de six ans jusqu'à dix, mais il était nécessaire qu'elles fussent de condition libre et sans aucun défaut du corps. La principale fonction et occupation de ces prêtresses était de garder jour et nuit le temple de la déesse Vesta, d'y entretenir le feu sacré et de veilles tour à tour pour l'empêcher de s'éteindre : quand, par leur négligence, elles le laissaient éteindre, elles étaient punies très sévè­rement, et battues de verges par ordre du grand pontife, et il ne pouvait être allumé que par le feu du ciel, ou par les rayons du soleil. L'extinction de ce feu était regardée comme un mauvais présage. Les vestales faisaient voeu de virginité et lorsqu'elles le violaient, elles étaient traitées sans miséricorde on les enfermait dans une profonde caverne, où elles périssaient par la faimou on les enter­rait toutes vivantes ; et il n'était pas permis à Rome de traiter d'aucune affaire le jour de leur supplice et ceux qui les avaient corrompues étaient aussi punis de mort, après avoir été battus de verges dans la place publique. Les biens des vestales,  après leur mort, étaient mis dans le trésor public, et elles ne pouvaient hériter de celles qui mouraient sans faire de testaments. Quand elles passaient dans les rues, les magistrats leur cédaient le pas, et on accordait ordi­nairement la grâce aux criminels pour qui elles intercédaient ; elles servaient dans le temple de la déesse Vesta pendant trente ans. Les dix premières années étaient employées à faire leur noviciat et à apprendre les cérémonies et les rites, et tout ce qui regardait leur ministère : elles offraient les sacrifices pendant dix ans, et durant les dix autres années, elles enseignaient et formaient les jeunes vestales.

ARTICLE XXXIV.
Prêtres d'Hercule nommés Potitiens et Pinariens.
Les potitiens et les pinariens étaient deux familles illustres, dont les chefs avaient été choisis par Evandre, roi d'Italie, pour être les ministres des sa­crifices qu'il faisait à Hercule : on dit qu'au commencement les potitiens bu­vaient seuls des liqueurs qu'ils offraient en sacrifices et qu'ils mangeaient seuls des victimes qu'ils immolaient ; leur nom peut venir du mot grec noltfytv qui signi­fie boire, goûter; et comme les pinariens ne goûtaient point des liqueurs, et n'avaient point de part aux victimes qui étaient offertes en sacrifice à Hercule, l'on croit que leur nom vient appo tes peitenes,ou de peinalos ,affamé,ou qui a faim, qui ne mange point. Ces deux familles étant devenues très puissantes, méprisèrent cet emploi, et le donnèrent à des esclaves publics. D'autres disent qu'Appius Claudius, étant censeur, fit sup­primer ce sacerdoce, et qu'en punition de cette impiété , il fut frappé d’aveu­glement et toute sa famille fut entière­ment éteinte, quoiqu'elle fût divisée en douze branches. Tite-Live, I, 1 et 9 ; Festus ; Denys d'Halicar. , I. 1 ; Rosin ; Ant. Rom. , I, 3 , chap. 4.

ARTICLE XXXV.
Des Prêtres du dieu Pan, nommés en latin. Luperci.
Si on croit Tite-Live, Plutarque et Denys d'Halicarnasse, les fêtes appelées lupercales furent instituées par Evandre, en l'honneur de Pan ou de Sylvanus, dieu des forêts ; mais Valère Maxime assure que leur établissement est dû à Romulus et à Remus. Quoiqu'il en soit, Ovide rapporte que les Romains célé­braient cette fête pour perpétuer la mémoire de l'avantage que la louve leur avait procuré en allaitant leurs fonda­teurs, et qu'ils avaient fait bâtir un temple qu'ils nommaient lupercal. Lorsque les prêtres appelés luperci célébraient leurs fêtes et leurs mystères, ils cou­raient tout nus par la ville, tenant à la main un fouet fait de lanières de peau de bouc dont ils frappaient ceux qu'ils rencontraient; et le peuple était assez simple pour croire que les femmes, qui recevaient quelques coups de leur fouet, devenaient fécondes : cette infâme céré­monie se faisait le quinzième jour de février; et on immolait un chien, ou en l'honneur de Pan, dieu des bergers, ou à cause de la louve qui avait nourri Romulus et Remus : ce mot vient, ou de lucos qui signifie loup, ou de lupercal qui était, selon Servius, une caverne du mont Palatin, où on offrait des sacrifices, ou à Lycœo,  montagne d'Arcadie. Ces prêtres étaient divisés en deux bandes et ils avaient des noms différents, les uns s'appelaient fabiens, fabiani du nom d'un certain Fabius qui prit le parti de Romulus ; et les autres, quintiliens quintiliani on quintilii et ils por­taient le nom de Quintilius qui s'était déclaré pour Remus contre Romulus. Il s'en forma une troisième sorte en l'hon­neur de Jules César y et c'est pour cette raison qu'on les appelait en latin julian.

ARTICLE XXXVI.
Des Prêtres du dieu Mars, nommés Saliens.
Numa Pompilius institua en l'honneur du dieu Mars douze prêtres nommés saliens, sauter, danser,  parce qu'en certains jours de l'année, ils allaient en cadence dans la ville de Rome ou parce que ce fut un certain Salius deSamothrace ou de Mantinée, qui apporta cette danse en Italie. II y en a qui disent que c'est Tullus Hostilius qui les institua. Voici de quelle manière ils étaient habillés lorsqu'ils faisaient leur danse : ils avaient une robe brodée d'or, nommée trabea, un bonnet pointu, appelé apex, et un baudrier de cuivre, où pendait leur épée ; ils tenaient dans la main gauche une espèce de javelot, avec lequel ils frappaient en cadence sur un petit bouclier d'airain, à la thracienne, nommé ancile ou ancilium, qu’ils por­taient dans la main droite, et ils allaient dans cet équipage, dansant et chantant des motets en l'honneur de Mars, des hymnes et des cantiques qui finissaient toujours par le nom d'un certain Mamurius,  célèbre ouvrier,inventeur de leurs boucliers.
    Ces prêtres faisaient entre eux des festins magnifiques les jours de leurs fêtes et de leurs cérémonies, et ils pre­naient tous les plaisirs et tous les divertissements, qui accompagnent ordinai­rement les grands festins. Rosin, Ant. Rom. , l. 3, ch. 20 , et l. 4, ch.7 > Alex. ab Alex, , I. 1 , chp. 16.

ARTICLE   XXXVII.
Des Prêtres appelés Curions.
Curion était le nom que les Romains donnaient au  sacrificateur ou prêtre de chaque curie. Ce fut Romulus qui ayant divisé son peuple en trois tribus et en trente curies ordonna que chaque curie aurait son temple où elle ferait ses sacrifices et célébrerait ses fêtes, et que le ministre ou sacrificateurs serait nommé curion. Ainsi, il y avait trente curions : mais ils recevaient les ordres du grand curion, qui était élu par le peuple assemblé en curies pour être le chef de tous les autres

ARTICLE XXXVIII.
Des Prêtres appelés en latin Epulones.
Il y avait encore chez les Romains une sorte de prêtre appelés en latin epulones, d’epulari ou d'epalœ, festins, banquets , parce que les pontifes, ne
pouvant se trouver à tous les sacrifices, dont le nombre était fort grand, les avaient choisis pour présider aux fes­tins qui se faisaient, et qu'on offrait en l'honneur de Jupiter et des autres dieux. Il n'y en eut d'abord que trois qui furent institués l'an 553t dela fon­dation de Rome. Ensuite on en créa quatre autres,  enfin, César, étant dic­tateur, en ajouta trois. Ces dix prêtres qui formaient une espèce de collège, avaient soin de voir si toutes les cérémonies étaient exactement observées dans les festins sacrés et dans les sacrifices publics. Quand il s'y commettait quelque profanation, ou qu’il arrivait quelque désordre, ils en avertissaient les pontifes.

ARTICLE   XXXIX.
Du Roi des Sacrifices.
Les rois ayant été chassés de Rome, on choisit une personne de famille pa­tricienne, d'un mérite distingué, et d'une probité reconnue, pour présider aux sacrifices, et pour exercer dans les cé­rémonies de la religion les fonctions que les rois avaient coutume d'y faire, de peur que la religion ne diminuât et que le culte des dieux ne fût négligé, à cause du changement du gouvernement. Ce ministre s'appela en latin rex sacrorum  ou rex sacrificulus, et il ne lui était permis de se mêler d'aucune affaire séculière, ni d'exercer aucune magistrature, afin qu'il s'appli­quât tout entier aux choses qui regar­daient la religion.

ARTICLE XL.
Des Prêtres de Cybèle.
Les prêtres de Cybèle étaient appelés en latin galli , parce que cette déesse était particulièrement honorée en Phrygie où il y avait un fleuve nommé Gallus, dont les eaux rendaient comme furieux etfrénétiques ceux qui en bu­vaient, d'autres disent que leur nom vient d'un certain Gallus qui fut le pre­mier prêtre de Cybèle. Quoi qu'il en soit, ces prêtres étaient obligés de gar­der le célibat, et, pour se mieux garantir des mouvements de la concupiscence, ils se faisaient eunuques. Quand ils célébraient les fêtes de Cybèle, ils por­taient sa statue dans les rues, se frap­pant la poitrine, dansant au son des flûtes des cymbales et des tambours, et faisant des incisions sur leur corps ; ils s'agitaient si violemment, et fai­saient des contorsions si extraordinaires, qu'on les prenait pour des gens trans­portés d'une fureur divine. Rosin, liv. 3. chap. 27.
    Ils allaient aussi en pompe et en cérémonie, tous les ans, le 31 mars, baigner la statue de cette bonne déesse au confluent du fleuve Almon et du Tibre, parce qu'on croyait que quand les Romains firent venir de Phrygie à Rome la statue de Cybèle, le prêtre qui l'apporta la lava dans les eaux du fleuve Almon, à l'endroit où il se joint au Tibre. Rosin, Ant. Rom. Liv.4, Chajp.7.
  Au reste, il fallait que la cuisine de ces prêtres fût mal fondée, ou que la dévotion des peuples fût refroidie, puis qu'ils étaient contraints de mendier, et d'aller de porte en porte, de bourgade en bourgade, avec un âne, faire la quête, portant toujours avec eux la statue de la déesse Cybèle et ils étaient les seuls à qui il fût permis de mendier.
    Des confréries d'hommes furent instituées à Rome, lorsqu’on y fit venir la statue de la bonne déesse Cybèle, et qu'on y établit son culte mais les cérémonies des sacrifices que les dames romaines lui faisaient chez le préteur étaient secrètes ; et il était défendu aux hommes d'y assister, sous peine de bannissement. Cic., 4 Paradoxe et liv. de la Vieillesse, chap.13.

ARTICLE XLI.
Des Féries et des Fêtes des Romains.
Les gentils distinguaient autrefois le nom de férie, de celui de fête, en ce qu'aux jours de férie on interdisait au peuple la plaidoirie et tout acte judiciaire, le trafic, le négoce, le travail des artisans et des esclaves et l'ouver­ture des boutiques ; au lieu qu'aux jours de fêtes on permettait la plupart de tou­tes ces choses, à moins que la férie ne concourût avec la fête. Les féries étaient plus rares et tout autrement consacrées à la religion, que les fêtes qui étaient ordinairement des jours de spectacle et de jeux publics, de foires, de marchés et par conséquent de négoce mais les noms de férie et de fête se confondirent dans la suite, et se prirent l'un pour l'autre.
    Pour bien entendre ce qui regarde les  fêtes que les   Romains appelaient feriae, il faut savoir qu'il y avait parmi eux trois sortes de jours : les uns con­sacrés entièrement au culte des dieux et ces jours étaient appelés en  latin festi, fêtes ; les autres étaient appelés profosti, parce qu'on pouvait les em­ployer aux travaux et aux occupations ordinaires et ils étaient comme nos jours ouvriers ; enfin, il y en avait d’autres qu'on nommait intercisi parce qu'une partie de ces jours était destinée à quelques cérémonies de religion, et l'autre pouvait être employée au travail. Rosin, Ant. Rom. , liv. 4, chap, 3.
    Il y avait quatre sortes de jours de fêtes
1) ceux où l'on offrait aux dieux des sacrifices solennels, sacrifîcia
2) ceux où l'on célébrait des festins en leur hon­neur, epulœ
3)ceux où l’on re­présentait des jeux institués pour faire honorer quelque divinité, ludi
4) ceux qui étaient appelés feriae, et où il n'était pas permis de travailler, ni de vaquer à aucune affaire. Ainsi, ces quatre sor­tes de fêtes étaient distinguées par des sacrifices, par des festins, par des jeux et des spectacles ou par le repos et pas la cessation, du travail.
    Les fêtes qui étaient célébrées par tout le peuple, étaient appelées publiques celles qui n'étaient solennisées que par quelques familles, étaient appelées particulières. Par exemple, les familles des Claudiens, des Emiliens, etc., avaient leurs confréries et leurs fêtes particulières claudiae feruae, etc. Il y en avait encore de plus particulières comme le jour de la naissance, que chacun célé­brait chez soi.
    Les fêtes publiques étaient aussi de quatre sortes, et elles avaient des noms différents:
1) Les fêtes qui se célébraient toujours en un certain jour fixe de l’année, sans jamais changer, étaient appelées feriœ stativœ : telles étaient les Bacchanales ou fêtes de Bacchus, les agonales ou fêtes de Janus,   les lupercales ou fêtes du dieu Pan r les fê­tes de Carmenta, mère du roi Evandre.
2) Celles dont les jours n'étaient point fixés, et dont la solennité était avancée ou reculée selon que les magistrats ou les prêtres le jugeaient à propos , étaient appelées feriae conceptiuvae telles étaient les fêtes latines feriae latinaet qui n’avaient aucun temps déterminé dans l'année, mais qui duraient quatre jours, et elles furent instituées par Tarquin le Superbe pour entretenir l'alliance qu'il avait établie entre les peuples de Toscane et les Latins ; et cette solennité était commune à 47 peuples.
    Telles étaient aussi les fêtes qu'on célébrait pour avoir d'heureuses semail­les et une abondante récolte, feriae sementinœ : on y offrait des sacrifices à Cérés et à la terre.
3)  Les fêtes qui étaient ordonnées par le consul ou par le préteur, pour quelque événement con­sidérable comme le gain de quelque bataille ; on les nommait feriae imperativae ou indictivae
4) Les foires, nundinae, étaient la quatrième sorte de fêtes publiques ordonnées ou établies en faveur des gens de la campagne, afin que ces jours là ils pussent vendre leurs denrées et leurs marchandises, et y toutes acheter les choses dont ils avaient  besoin: elles étaient nommées nundinœ, à nono die parce qu'elles se tenaient ordinairement: le neuvième du mois.

ARTICLE  XLII.
De l'explication des mots de République et de Peuple.
Respublica, république, mot général, qui veut dire état libre, qui est gou­verné par les principaux du peuple pour le bien commun de l'état. Il y a eu plusieurs sortes de républiques : 1° la démocratie, c'est-à-dire gouvernement ou état populaire, où les charges se donnaient au sort ou par élection, où le peuple avait toute l'autorité, où la souveraineté résidait dans le peuple. La démocratie a été florissante dans les ré­publiques de Rome, et d'Athènes. Ce mot vient du  grec demos, peuple, xraatelps, commander, gouverner.
L'aristocratie était une espèce de gou­vernement où les plus sages, les plus honnêtes gens et les mieux instruits des lois etdes coutumes de l’Etat, gouver­nent. Ce mot vient du grec ptdïoç, qui veut dire plus excellent, et apks puissance, force.
    L’oligarchie vient du grec « petit nombre », et qui veut dire gouvernement de peu de personnes, mais des premiers de l’état.
Il y a plusieurs fameuses républiques en Europe, mais il n'y en a guère dont le gouvernement soit absolument populaire.
Les Vénitiens et les Génois appellent leurs états républiques, quoique leur gouvernement soit oligarchique.
Les Suisses sont gouvernés aristocratiquement et l'empire tient un milieu entre le gouvernement monarchique et aristocratique.
    Il y a bien de la différence entre ce que signifie populus,  et peuple en fran­çais. Le mot de peuple ne signifie d'or­dinaire parmi nous que ce que les Romains appelaient plebs, vulgus, pe­tit peuple y menu peuple, le commun du peuple et tout ce qu'il y a de gens qui ne sont pas de qualité ni bour­geois aisés ni ce qu'on appelle hon­nêtes gens ; au lieu que populus ren­ferme tous les habitants d'une ville sans distinction. Ainsi, ce mot peuple, en gé­néral, signifie une multitude de person­nes qui habitent dans un même lieu, en y comprenant les personnes nobles, Riches et autres, et il se prend dans un sens moins vague, pour dire tout le corps du peuple, sans y comprendre les gens de qualité, les personnes riches ou aisées, et ceux qui ont de l'esprit et de la politesse.
    Parmi les Romains, ceux du bas peuple qui recherchaient la protection des personnes de considération et d’autorité s'appelaient clients, en latin clien­tes. Ce mot vient du grec xlefu, j'honore ; où du latin colo, je fais la cour, j’honore parce que les clients faisaient la cour à leurs patrons : ils les accompagnaient, ils les favorisaient de leurs suffrage pour parvenir aux charges ; ils ne faisaient rien sans les consulter et ils avaient recours à eux dans tous leurs besoins, ce qui ne donnait pas peu d'occupation et d'embarras à leurs pa­trons. Ce fut Romulus qui, pour en­tretenir la correspondance entre le sénat et le peuple, établit que les plébéiens se choisiraient des patrons parmi les sénateurs.  

ARTICLE XLIII.
De la division du mois en calendes, nones et ides, et de la manière d'en les jours.
Le jour des calendes, le jour des nones et celui des ides étaient comme trois époques ou points fixes, d'où les Romains comptaient les jours des mois. Le premier de chaque mois était ap­pelé calendes, du mot grec xalelr, qui signifie appeler, parce que les petits pontifes avaient soin, le premier jour de chaque mois, de faire assembler le peuple au capitole, pour l'instruire de ce qu'il avait à faire pendant le cours du mois, tant pour les sacrifices et les fêtes, que pour les foires. Les Romains comptaient aussi les jours d'une époque à l'autre, non pas dans l'ordre naturel, mais eu rétrogradant. Ils appelaient, par exemple, la veille des calendes, ou le dernier jour de chaque mois, pridie calendas,  le jour d'avant la veille ou la surveille, III0. calendas, ou 3°. die ante calendas ;le jour qui précé­dait celui-ci, était appelé IV°. calen­das, le quatrième jour avant les calen­des et ensuite en rétrogradant jusqu'aux nones.
    Le jour des nones était exprimé par nonis dans leur calendrier; la veille des nones, pridie nonas,   en sous-entendant la préposition ante ; le jour qui précédait celui-ci, III°nonas, le troisième jour avant les nones, etc. en rétrogradant   jusqu'aux ides.   Les nones ont été appelées nonae  parce que de ce jour-là aux ides, il y avait toujours neuf jours. Le mot des ides ve­nait,  selon   Varron,  du vieux  mot iduo, iduare qui  signifiait diviser, partager parce que les ides divisaient les mois en deux parties presque égales.
    Le jour des ides était appelé idibus, le jour d'avant les ides, pridie idus, le jour d'avant celui-ci s'appelait III°idus, etc. en remontant jusqu'au, jour des calendes du mois suivant. Le len­demain des calendes, des nones et des ides était appelé postridie calendas, postridie nonas,  postridie idus.
    On voit, par cette disposition, que les jours qui sont entre les calendes etles nones portent le nom de nones; ceux qui sont entre les nones et les ides,  portent le nom des ides ceux enfin qui sont entre les ides d'un mois et les calendes du mois suivant portent le .nom des calendes de ce mois ; et comme il y a plus de jours qui portent le nom de calendes, qu'il n'y en a, qui portent le nom de nones ou des ides,  ils ont appelé calendrier la distribution de leurs mois.
    On voit encore par la même disposition, la raison pour laquelle il n'y a que quatre mois dans l’année romaine où les nones sont le 7 et les ides le 15.Ces quatre mois, savoir, mars, mai', quintile ou juillet, et octobre, étaient les quatre mois pleins (c'est-à-dire de 31 jours) du calendrier de Numa, dans lesquels les nones étaient le 7 et les ides le 15. Tous les autres mois étant caves, c'est-à-dire de 3o jours, avaient les nones le 5 et les ides le 13e du mois. Ainsi, quoiqu'on ait réformé plusieurs fois le calendrier et qu'on ait donné 31 jours à plusieurs mois caves de Numa, on n'a point changé les époques des nones et des ides et on les a laissées aux mêmes jours du mois où il les avait placées ce qui a donné lieu aux deux vers suivants :
Maius sex nonas, october,julius, et mars,
Quatuor at reliquis dabit idus quilibet oclo.'
A mars, juillet, octobre et mai
Six nones les gensont donné;
Aux autres mois quatre gardées,
Huit ides à tous accordées.
Le mot de six de nones veut dire qu'après le jour des calendes, il faut compter six jours pour avoir celui des nones, ou, ce qui est la même chose, que les nones arrivent le 7dans les mois de mars, mai, juillet et octobre et les ides le 15 : mais dans les autres mois qui n’ont que quatre jours, entre les calendes et les nones, elles arri­vent le 5, et par conséquent les ides sont le 13. Rosin, Ant. Rom, liv. 4 » ch.4.

 

JANUARIUS.
JANVIER.
Janvier tire son nom de Janus, qui a été roi de la campagne de Rome ou du pays latin, et, dont les Romains ont fait un dieu auquel ils donnaient deux visages, et de janua, porte,
    On dit que c'est Charles IX, roi de France, qui ordonna que l’année commencerait par le mois de janvier.

FEBRUARIUS.
FEVRIER.
Février, en latin februarius tire son nom et est formé de l'ancien verbe februare, purifier, expier, aferveo, parce que chez les Romains,ce mois étant le dernier de l'année, ils allumaient des torches et des feux autour des tombeaux de leurs parents et amis, et priaient les dieux pour le repos de leurs mânes.
    Macrobe et Isidore disent que comme on donnait le nom de Februus à Pluton, et qu'on lui faisait des sacrifices, c'est d'où ce mois a été nommé februarius,
On célébrait aussi, le 15 février, les fêtes appelées lupercales, qui se faisaient en l'honneur de Pan, dieu des bergers, pendant ces fêtes, les prêtres de ce dieu, courait la ville comme des insensés, frappaient avec une peau de bouc la paume des mains et le sein des femmes qui avaient la superstition de croire qu'elles deviendraient enceintes, et qu'elles accoucheraient avec moins de risque et de douleur, se croyant purifiées par cette cérémonie.        Suidas prétend donner une autre origine à ce mois et il rapporte que Camille ayant été obligé de se retirer à Rome à cause des brigues d'un certain Februarius, son collègue dans le consulat, après que ce grand homme eut délivré sa patrie par la défaite des Gaulois, il fit connaître au peuple les injustices de soncollègue,  qui,  dans le moment, fut chassé de la ville à coups de fouet, ayant pour vêtement une veste de jonc pour plus grande ignominie et comme il reçut ce traitement dans ce mois, appa­remment qu'on se fit dans la suite une coutume de dire qu'un nommé Februarius avait été puni dans ce mois.
    Quand le mois de février a 29 jours, et que l’année est bissextile, au lieu d'exprimer le 14 ème par XVI ou 16 Calendas Martias, il faut dire XVII ou 17 Cel. Mart., ou compter deux fois le 6 avant les calendes. Bis VI ou 6 Calendas Martias, pour le 25.

MARTIUS.
MARS.
Mars, ainsi nommé et consacré au dieu Mars par Romulus, fondateur et premier roi de Rome, qui par supposition se disait son fils.
    Ce mois était le premier mois de l'année martiale.

APRILIS.
AVRIL.
Avril, Aprilis, vient du mot aperire, qui veut dire ouvrir, parce que la terre semble ouvrir dans ce mois son sein pour produire tous ses biens.
    Ce mois était le second de l'année martiale.

MAJUS.
MAI.
Mai vient de majus ou de senibus. Cemois était dédié aux plus anciens citoyens romains, qu'on nommait ma­jores ;et il était le troisième mois de l'année martiale.

JUNIUS.
JUIN.
Juin, ce mot vient de juvenibus, aux jeunes gens, parce qu'il était dédié à a jeunesse romaine. Mais Ovide prétend que Junon l’a nommé Juin ; c'était le quatrième mois.

JULIUS ou QUINTILIS.
JUILLET.
On appelait d'abord ce mois Quintilis le cinquième mois ; mais Marc-Antoine lui a donné le nom de Juillet, Julius,à cause que Jules César, -le premier empereur des Romains, vint au monde dans ce mois.

AUGUSTUS ou SEXTILIS.
AOUT,
César Auguste étant venu au monde et ayant fait plusieurs  belles actions dans le sixième mois nommé Sextilis, on a donné à ce mois le nom d’Augustus, Août.

SEPTEMBER.
SEPTEMBRE.
Septembre est dérivé du nombre 7 que l’on exprimait en latin par le mot de september, et il était le septième mois de l'année martiale, avant l'édit de Charles IX, en 1564.

OCTOBER.
OCTOBRE.
Octobre tire son nom du nombre 8,  exprimé par le mot october :c'était le huitième mois de l'année martiale qui commençait par le mois de mars.

NOVEMBER.
NOVEMBRE.
Le mois de novembre était le neuvième mois de l'année martiale, ainsi, nommée, parce qu'elle commençait par le mois de mars et on l'exprimait par le mot de november,quiest tiré de novem, neuf.

DECEMBER.
DECEMBRE.
Décembre vient du nombre 10, ex-primé en latin par december : c'était le dixième mois de l'année martiale, ainsi nommée parce que le mois de mars était le premier mois de l’année. Les anciens comptaient l’enfance jus­qu'à 15 ans, la jeunesse jusqu'à 3o, l'âge viril jusqu'à 45 et la  vieillesse de là en avant.

ARTICLE XLIV.   
Du Calendrier romain et de l'Année civile.
L’année civile est celle qui a été ac­commodée à l'usage des peupleset à leur manière de compter.
     Il y en a eu de trois sortes parmi les Romains ; celle de Romulus, qui n'é­tait composée que de 3o4 jours divisés en dix mois et ne commençait qu'au mois de mars ; d'où vient que le dernier mois s'appelait december,  décembre.
    Voici l'ordre avec le nombre des jours de chaque mois, mars 31 jours, avril 3o, mai 3i, juin 3o, quintile 31, sextile 3o, septembre 3o, octobre 31,  novembre 3o, décembre 3o.
    Celle de Numa Pompilius,  second roi des Romains, qui ayant appris beau­coup de choses de Pythagore touchant l'astronomie, réforma le calendrier de Romulus et ajouta à l'année les mois de janvier et de février, la composant de 355 jours seulement, qui font douze mois lunaires, parce que ce nombre de 355 était un nombre impair,  et qu'il s'imaginait superstitieusement que les nombres pairs étaient malheureux : c'est de cette  superstition  qu'est  venu  ce proverbe latin, numero Deus impare gaudet.   .
    Jules César, qui, en qualité de sou­verain pontife avait une inspection par­ticulière sur le calendrier, fit corriger celui de Numa et pour fixer les saisons, on régla l'année sur le mouvement du soleil sous l'écliptique, dont la durée était environ de 365 jours et 6 heures , selon les observations astronomiques. Comme les six heures de différence fai­saient un jour entier au bout de quatre ans, on inséra un jour avant le sixième des calendes de mars ; en sorte que cette année-là on comptait deux fois le sixième des Calendes, bis sexto calendas,  d'où est venu le mot de bissexte et l'année alors avait 366 jours, et était appelée bissextile. C'est cette manière de compter l'année qui a été en .usage jus­qu'à présent, et qui, à cause de son auteur, est nommée Julienne. Et Marc Antoine, étant consul, pour conserver à la postérité la mémoire de Jules César, ordonna que le mois appelé Quintile, qui était le jour de la naissance de César, serait appelé julius, juillet. Or, les dix jours que l'on ajouta à l’année de Numa,  furent aussi distribués à janvier, août et décembre, deux à chacun, et un seu­lement à avril, juin, septembre et
no­vembre.
    Les pontifes, à qui on avait confié la soin du calendrier, tombèrent par ignorance dans une faute grossière, lors­qu'ils exécutèrent l'édit de l'empereur César ; car, au lieu de compter trois années communes pour faire la quatrième bissextile, ils comptaient deux années communes, et faisaient la troisième bissextile. Ce qui les fit tomber dans cette erreur, fut qu'ils comptaient à la vérité quatre années depuis un bissexte jus­qu'à l'autre, mais inclusivement : ainsi, ils ne mettaient que deux années com­munes entre deux bissextiles, au lieu qu'il fallait en mettre trois, et compter quatre années depuis une année bissex­tile exclusivement jusqu'à l'autre inclusivement,  il arriva donc qu'après 36 ans, ils avaient déjà fait douze années bissextiles au lieu de neuf.
    Auguste César, qui régna après Jules César, s'étant aperçu de cette erreur, y remédia aussitôt par l'ordonnance qu'il fit, que dans l'espace des douze années on omettrait un bissexte, c'est-à-dire que ces 12 années seraient de 365 jours seulement, afin d'absorber par ce moyen les trois jours superflus et de remettre les choses dans l'ordre de leur premier établissement, et que dans la suite ou compterait toujours trois années
com­munes entre deux bissextiles. Ce fut à l'occasion de cette réforme qu'on donna le nom d’auguste, ou août, au mois qu'on appelait sextile, pour honorer par-là la mémoire d'Au­guste, comme on avait fait celle de Jules César.
    Le nom de calendrier vient du mot grec xsalein assembler, parce que les pon­tifes assemblaient au capitole le peuple, le premier jour de chaque mois, pour lui apprendre quels devaient être les jours du mois destinés pour les céré­monies de la religion, pour les foires, pour rendre la justice, etc. ; comme nous venons de dire. C'est de là que les Romains ont appelé calendrier', cette disposition des mois distribués en parties, qui servent à marquer leurs fastes, etc. Rosin,  Ant.Rom, l. 4, ch. 1 et 2.

ARTICLE XLV.
Des Heures du jour et des Veilles de la nuit.
Les anciens commençaient le jour au lever du soleil, et ils le divisaient en douze parties égales mais les heures étaient inégales, selon que les jours étaient plus ou moins longs, c'est-à-dire que les heures étaient plus longues en été, et plus courtes en hiver. Quand ils comptaient, par exemple, la troi­sième, la quatrième, la cinquième et la sixième heure du jour, alors la troisième heure était le milieu de la matinée, et elle répondait à nos neuf heures du matin, la quatrième à .nos dix heures, la cinquième à onze heures, la sixième à midi, et ainsi des autres ; mais quand ils se servaient de la troi­sième, de la sixième et de la neuvième heure, pour marquer et comprendre tou­tes les heures du jour, ce qu'ils faisaient souvent, la troisième heure s'étendait alors depuis neuf heures jusqu'à midi, la sixième depuis midi jusqu'au milieu de l'après-midi, et la neuvième depuis le milieu del'après-midi jusqu'au soir. La troisième heure, la sixième et la neuvième étaient bien plus célèbres parmi les Juifs et parmi les premiers chrétiens, que les autres heures du jour, parce qu'elles étaient consacrées à la prière et quelquefois on ne nom­mait que ces heures, et alors chacune d'elles était prise pour trois ; ce qui peut faire voir la vraie heure de tierce, de sexte et de none : tierce étant la troisième heure du jour depuis le levé du soleil, c'est-à-dire le milieu de la ma­tinée, sexte étant la sixième heure du jour, c'est-à-dire le milieu de la jour­née ou midi et none la neuvième heure, c'est-à-dire le milieu de l'après-dînée.
    Les douze heures de la nuit se divisaient en quatre veilles, et chaque veille comprenait trois heures. De là vient qu'on  trouve souvent  dans   Cicéron, dans César et dans d'autres auteurs, prima vigilia,  secunda, vigilia.) tertia et quarta, vigilia, et la nuit commençait au soleil couchant. Ainsi, la première veille commençait avec la nuit, la seconde commençait trois heures après le soleil couché et finissait à minuit, et la troisième commençait à minuit, et la quatrième finissait au lever du soleil. Rosin, Ant. Rom. liv.4, chap. 3. Méthode française.

ARTICLE XLVI.
Des Lustres et des Lustrations.
Le lustre, en latin lustrum, était l'espace de cinq années, au lieu que l’olympiade était le cours de quatre ans entiers. Les Romains comptaient par lustres, et les censeurs faisaient, de cinq ans en cinq ans complets et révolus, la revue générale et le dénombrement de tous les citoyens et de leurs biens. Varron fait .venir le mot lustrum de luo,  qui signifie payer parce qu'au commencement de chaque cinquième année on payait le tribut qui avait été imposé par les censeurs dont la charge devait durer cinq ans suivant leur pre­mière institution mais depuis elle de­vint annuelle.
   Lustre, lustrum,  signifie quelque­fois la cérémonie ou le sacrifice que les censeurs faisaient après avoir fait le dé­nombrement du peuple, ce qui arrivait de cinq ans en cinq ans. Tite-Live, I, 1 et 3 ; Cic, I, 2, de l’Orateur. 
    La lustration était l'expiation, les sacrifices, les cérémonies par lesquelles les Romains purifiaient ou une ville, ou une armée, ou un champ, ou des per­sonnes souillées par quelque crime, ou par l'attouchement d'un cadavre, ou par quelque impureté. Il y avait des lustrations publiques et des lustrations particulières. Les lustrations publiques se faisaient de cinq ans en cinq ans : on conduisait trois fois la victime autour de la ville, du temple, ou des autres lieux que l'on voulait purifier, et l'on y brûlait d'excellents parfums. Les lustrationsou purifications d'un champ avant que d'en couper les grains, s'ap­pelaient en latin arbarcualia, et celles d'une armée, armilustria. Quand on purifiait une armée, des soldats choisis et couronnés de laurier conduisaient trois fois les victimes autour de l'armée rangée en bataille dans le Champ de Mars, et on les sacrifiait ensuite au dieu Mars, après avoir fait plusieurs impré­cations contre les ennemis de la
répu­blique. Ces victimes étaient une truie, un bouc, une brebis et un taureau. Rosin, Ant. Rom. liv.4, chap. 14 et 17.
    On purifiait les maisons particulières avec de l'eau et avec des parfums de laurier, de genièvre et d'olivier, etc. ; et lors­qu'on jugeait à propos d'immoler une vic­time, c'était ordinairement un cochon de lait. On ne pouvait se dispenser de faire cette cérémonie dans les temps de peste, après la mort de quelqu'un.
    Quand les bergers voulaient purifier leurs troupeaux, ils les arrosaient avec de l'eau pure ; ils brûlaient du laurier, de la sabine et du soufre ; et après avoir fait trois fois le tour de leurs parcs et de leurs bergeries, ils offraient en sacri­fice à Palès, déesse des pâturages, du lait, du vin cuit, du gâteau et du millet.
    Les lustrations que l’on faisait des personnes particulières étaient appelées expiations et la victime était nommée piacularis. Il y avait encore une sorte de lustration par laquelle on purifiait les enfants, savoir: les filles, le huitième jour après leur naissance et les garçons, le neuvième 5 et c'était ce jour-là, appelé lus­tricus dies y qu'on leur donnait un nom. Cette cérémonie se faisait avec de l’eau pure et de la sabine. Macrob., liv. I, ch. 16; Festus ;Aulu-Gelle. La déesse qui présidait à cette purification s'ap­pelait Nondina. Rosin, Ant. Rom., liv. 2 ; ch. 19 etPlutarq. quest. 102

ARTICLE XLVII.
Des noms des Romains.
Les Grecs n’avaient qu’un nom mais les Romains en avaient ordinairement trois ou quatre, en latin praenomen, Nomen, cognomen et quelquefois
agnomen. Le prénom, qui répondait en quelque manière à notre nom de baptê­me, servait à distinguer les frères d'a­vec les frères, et les sœurs d'avec les sœurs. Le prénom se donnait aux gar­çons lorsqu'ils prenaient la robe virile, et aux filles, lorsqu'elles se mariaient. Il n'y avait dans toute la langue latine que dix-huit noms propres qui fussent bien en usage. Comme ils étaient fort connus, étant en si petit nombre, en les écrivant, on ne les marquait presque jamais que par leurs premières lettres. A, par exemple, signifiait Aulus,  C.  Caïus ; D, Decimus ; K, Kaeso ; L, Lucius ; M, Marcus ;M ou M, Manius ; N, Nemerius; P, Publius ; Q, Quinctius ; T, Titus. Quelquefois, ils mettaient deux lettres aux noms pro­pres, comme Ap, pour Appius ; Cn, pour Cnaeus ; Op., pour Opiter; Sp., pour Spurius ; Ti, pour Tiberius. Quelquefois ils en mettaient trois, comme Mam., pour Mamercus ; Ser., pour Servius ; Sex., pour Sextus ; Tul. , pour Tullius,
    Le fils aîné portait toujours le même nom que son père ce qui cause souvent de la confusion dans l'histoire des familles, et l’on en donnait d'autres aux cadets pour les distinguer. Cicéron, par exemple qui était l’aîné de sa fa­mille, s'appelait Marcus, de même que son père et son aïeul, et son cadet s'ap­pelait Quintus.
Nomen, le second nom que les Romains portaient, était le nom de leur maison, comme parmi nous; et par con­séquent il était commun,
non seule­ment à toute une maison, mais encore à toutes les familles ou branches d'une même maison ; il se donnait aux gar­çons le 9 ème jour, et aux filles le 8 ème.
    C'était du nom de maison qu'on ap­pelait les filles, et elles n'en avaient point d'autres. Ainsi, les filles des Scipion s'appelaient Cornelie parce que le nom de leur maison était Cornélius. Outre ces deux noms, la plupart des personnes de considération en avaient encore un troisième pour distinguer les diverses branches d'une même maison entre elles, comme on se sert pour cela parmi nous des noms des terres et ce troisième nom, en latin cognomen,  surnom, était quelquefois donné à l'oc­casion de quelque qualité bonne ou mauvaise de l'esprit ou du corps, comme César, Scipion, Cicéron, etc.; ou bien on le donnait à ceux qui avaient rendu à la république quelque important ser­vice , comme à ceux qui avaient conquis quelque province, gagné .une grande bataille, ou pris quelque ville consi­dérable: par exemple, les deux Scipion furent surnommés Africains, parce que l'un rendit l'Afrique tributaire, et que l’autre détruisit Carthage. Paul Emile fut surnommé Macédonicus, pour avoir vaincu et fait prisonnier Persée, roi de Macédoine.
    L'usage ordinaire, à ce qui parait par les monuments, était d'ajouter, après ces trois noms, fils d'un tel, petit-fils d'un tel, pour marquer que celui dont il était parlé n'était pas d'une nais­sance obscure, puisqu'il se renommait de son père et de son grand - père. La lettre F seule faisait Filius ; N, nepos ; M, F, Marci filius ; M, N, Marci nepos ; comme P,C, fait patres conscripti,  R, P, respublica, ; P, R, populus romanus; S , P, Q, R, senatus, populusque romanus; SC, senatus consultum ; Cos., consul, Coss., consules.

ARTICLE XLVIII.
De la Milice romaine et des Officiers de guerre.
Lieutenant générai., en latin legatus. Ce mot latin signifie en général un of­ficier qui exerce une charge en la place d'un autre; mais en parlant d'armée, il veut dire un officier qui doit être vaillant, expérimenté, et capable de faire la charge de général dont il tient la place et dont il exécute les ordres.

ARTICLE XLIX
Du Général.
Le général, ou commandant des ar­mées romaines, était appelé en latin imperator du verbe imperare qui si­gnifie commander. Les soldats don­naient quelquefois le nom d'empereur à leur général, quand il avait remporté quelque illustre victoire mais afin que le sénat confirmât par  un décret ce titre glorieux, il fallait que ce
général eût conquis une province, ou pris quelque ville considérable, ou gagné une bataille dans laquelle il y eût eu dix mille hommes de tués du côté des ennemis.
    Le peuple romain donna le nom d’empereur, imperator, à César, pour mar­quer lasouveraine puissance qu'il avait dans l'empire romain; et c’est dans ce dernier sens qu'Auguste et ses successeurs ont été appelés empereurs. On ne laissait pas néanmoins de leur donner encore le nom d'empereur dans l’autre significa­tion; et Auguste même fut proclamé vingt fois empereur, parce qu'il avait remporté vingt célèbres batailles. Rosin, Ant. Rom,, I. 7,ch. 12, et l. 10, ch. 6.
    Les tribuns des soldats étaient, dans les troupes romaines, à peu près la même chose que les officiers que l'on appelle aujourd'hui parmi nous mestre de camp, brigadier et maréchal de camp : ils commandaient en chef un corps de troupes, comme une légion. Ils furent crées l'an 317 de la fondation de Rome, et on en nomma premièrement trois mais dans la suite le nombre en fut tellement augmenté, que le juriscon­sulte Pomponius assure qu'il y en avait eu vingt dans une même armée.
    C’étaient les tribuns des soldats qui posaient les sentinelles, qui leur don­naient le mot du guet, qui avaient soin des fortifications et faisaient faire l'exer­cice aux soldats. Pour être tribun des soldats, il fallait avoir servi cinq ans dans la cavalerie, et dix ans dans l’infanterie. Rosin, L 10 ch. 7.  Les tribuns des  chevau-légers, en latin   tribuni   celerum  étaient des officiers semblables à nos colonels de dragons et du temps des rois de Rome, ces cavaliers,  appelas celeres, étaient à peu près comme nos dragons et ils combattaient à pied et à cheval, selon les occasions. Il n’y en avait que trois cents, que Romulus tira des premières familles de Rome, et les divisa, en trois centuries de cent hommes chacune. Romulus avait aussi établi un tribun de la cavalerie qui était la même chose que le général, appelé magister equitum sous les dictateurs.
    Les tribuns des cohortes prétoriennes étaient les capitaines des gardes des officiers généraux ou des empereurs. Le centurion, en latin centurio était un capitaine de cent hommes: il y avait ordinairement deux centurions dans chaque centurie ou compagnie de cent hommes mais le second n'était que comme le lieutenant du premier, ou il y en avait un des deux qui n'était que capitaine en second.
    Le centurion de la première cohorte de chaque légion s'appelait primipilus ou primopilus, il n'obéissait qu'au tribun et commandait quatre centuries: c'était lui qui gardait l'étendard et l'aigle de la légion.
    La cavalerie romaine était divisée etrangée par décuries ou bandes de dix cavaliers, et l'officier qui commandait une décurie, était appelé décurion.
    Il y avait encore dans les armées ro­maines d'autres officiers qu'on appelait préfets, en latin prœfecti.
1°. L'offi­cier qui avait soin des armes, des habits, des chevaux et des vivres d'une légion et qui faisait observer une exacte disci­pline aux soldats et punir les coupables, était appelé prœfectus legionis et en, l'absence du lieutenant général, il avait l’autorité.   
2°. On appelait praefectus castrorum celui qui marquait les lieux les plus propres pour camper, qui formait et faisait fortifier ou retrancher le camp, qui avait soin qu'il n'y manquât rien de ce qui était nécessaire, qui avait la direction de l'hôpital de l'armée et qui faisait faire des tentes et des baraques aux soldats.
3°. Les charpentiers, les charrons, les serruriers, les armuriers, tous les autres ouvriers qui étaient chargés du soin de faire ou raccommoder les cha­riots, les tours et toutes les machines de guerre dont les Romains se servaient dans les sièges, soit pour l'attaque ou pour la défense, étaient commandés par unofficier qu'on appelait prœfectus fabrorum.
4°. Les troupes auxiliaires, que les alliés du peuple romain lui fournissaient, avaient aussi un officier qu'on appelait preefectus sociorum, parce qu'il en pre­nait soin et qu'il les commandait.

ARTICLE L.
De la Légion et des Troupes qui la composaient.
La légion, était un corps de gens de guerre. Du temps de Romulus, chaque légion était de trois mille homme» d'in­fanterie, qu'on divisait en trois corps, qui faisaient autant d'ordres de bataille. Chaque corps était composé de dix ma­nipules ou compagnies qu'on rangeait à quelque distance les unes des autres sur un même front. Chaque corps avait pour le commander deux officiers géné­raux que l'on appelait tribuns et cha­que manipule deux centurions.
    Sous les consuls, la légion était des quatre mille  hommes qui faisaient quatre corps commandés par un consulou par un de ses lieutenants généraux et chaque légion avait sa cavaleriequi était d'environ trois cents chevaux. En suite, et du temps de Marius, on réunit en un ces quatre petits corps de légion : on les augmenta, et on fit des cohortes de cinq à six cents hommes, chacune sous l'autorité d'un tribun ou mestre de camp. Chaque cohorte fut composée de trois compagnies ou manipules ; chaque manipule de deux centuries ou de deux cents hommes, et la légion par­tagée en dix cohortes, qui faisaient au­tant de bataillons séparés et qui se rangeaient sur trois lignes, de sorte qu'alors la légion était de cinq ou six mille hommes. Quand les dix cohortes étaient de cinq cents hommes chacune, la légion était de cinq mille hommes ;et quand elles étaient chacune de six cents hommes, la légion était de six mille hommes de pied et six cents che­vaux.
    Selon messieurs de l'Académie Française, la légion était de six mille cent nommes de pied et de sept cent vingt-six chevaux. Quoi qu'il en soit, les forces de larépublique romaine con­sistaient dans un grand nombre de légions mais les vieilles légions étaient les plus estimées, et celles qui étaient composées de citoyens romains, faisaient comme un corps séparé.

ARTICLE LI.
Des Armes des Soldais romains et des Etendards.
Dans les légions romaines, les gens de pied étaient armés différemment. Ceux qui étaient nommés vélites c'est-à-dire ceux qui étaient armés à la lé­gère se servaient d'une longue épée, d'une javeline de trois pieds de long, et de petits boucliers ronds appelés parma ; ils se couvraient la tête d'une espèce de bonnet nommé galea, qui était fait de cuir ou de la peau de quel­que animal. Ces bonnets ressemblaient à peu près à ceux dont se servent au­jourd'hui les Polonais, et n'étaient différents de ceux qu'ils appelaient cassis, que dans la matière, ceux-ci étant de métal. Ces vétites étaient des soldats les plus légers et les plus vites, que l'on choisissait parmi toutes les troupes, pour accompagner la cavalerie dans les expéditions et dans les entreprises les plus promptes et les plus périlleuses.
    Il faut remarquer que les Romains ne commencèrent à se servir de cette sorte de soldats, que dans la seconde guerre punique, ou contre les Cartha­ginois; et ils suivirent en cela l'exemple des Gaulois et des Allemands, qui avaient aussi des fantassins armés à la légère, pour suivre leur cavalerie, comme on le peut voir dans César et dans Tite Live. Rosin, Ant, Rom. I, 10, ch. 9. Juste-Lipse de la Milice romaine. On comprenait; parmi les vélites les ar­chers, les frondeurs, et ceux qui jetaient des dards. Rosin, ibid.
    Pour ceux que les Romains appelaient hastati,  principes, triarii, ils portaient un bouclier long de quatre pieds et large de deux ; leur épée était longue, à deux tranchants et ferme de la pointe ; leur casque était d'airain : ils avaient une sorte de bottes qui leur couvraient particulièrement le devant de la jambe. Ils portaient deux javelines, l'une plus grande, qui était ronde ou carrée, et l'autre plus petite : leurs corselets, qu'ils appelaient lorica, étaient; de différentes façons : les uns étaient de fer, et les autres de bronze ou d'airain ; il y en avait qui étaient faits de petites mailles, et par petites écailles, ce qu'on appelait lorica hamatu. Juste-Lipse, de la Milice romaine ; Rosin, Ant. Rom. liv, 10,.ch. 10.   
    Pour ce qui regarde la cavalerie, elle avait pour armes offensives un javelot et une épée et pour repousser les coups des ennemis, elle était couverte d'une cuirasse, d'un casque et d'un écu. Les porte-enseignes, appelés imaginiferi portaient l'image du prince. Ceux que l'on nommait aquiliferi portaient l'aigle au bout d'une espèce de pique: II y en avait d'autres qui portaient une main pour marque de concorde ; d'autres un dragon dont la tête était d'argent, et le reste de taffetas. Le labarum qui était l'enseigne particulière du général ou de l'empereur, ne paraissait que quand il était dans le camp : elle était de couleur de pourpre, brodée, avec une grande frange d'or et enrichie de pierreries. Les archers à cheval portaient un arc, un carquois et des flèches. Les officiers, que nous appelons cornettes
portaient une aigle au bout d'une pique et ils couvraient leur casque de la peau d'un lion, d'un ours ou de quelque autre bête sauvage ; c'est ce que faisaient aussi ceux qui portaient les enseignes dans l'infanterie. Rosin, Ant. Rom. , liv, 10 , ch. 5.
Il, y avait trois sortes de trompettes, les unes étaient toutes droites, les au­tres courbées, presque comme un cor de chasse et les autres n'étaient que de petits cornets.
    Les Romains cependant n'ont pas tou­jours été armés de cette sorte : ils ne portaient au commencement que de petites rondaches et peu de temps après ils imitèrent les Samniteset se servirent de ces grands boucliers carrés qui n'étaient d'abord que d'osier couvert de peau, qui étaient en usage non seulement parmi les Allemands et les Gau­lois, mais parmi les Perses et les Ma­cédoniens, avant qu'ils en eussent fait faire d'argent, après les grandes con­quêtes d'Alexandre. Les Romains por­taient autrefois leur épée au côté droit ; Josèphe  rapporte qu'ils en avaient deux, l’une longue du côté droit, et l'autre courte du côté gauche. Juste-Lipse,  de la Milice romaine.

ARTICLE LII.
Des Enrôlements des Soldats.
Parmi les Romains ou  ne recevait pas tout le monde indifféremment pour être soldat : il fallait en être jugé digne par le général, ou par celui qui recevait les enrôlements et les esclaves ne por­taient point les armes qu'on ne les eût auparavant mis en liberté. C'est ce que le sénat et le peuple romain firent après la bataille de Cannes. Cicéron, 6e. pa­radoxe ; Tite-Live.
    Dès que les soldats étaient enrôlés, ils faisaient serment d'obéir en toutes choses aux consuls et aux autres officiers ; de ne pas quitter l'armée sans congé ; de ne jamais porter les armes contre la république et contre leur patrieetpar ce serment ils acquéraient le droit de combattre contre  les  ennemis de la république; ce qu'ils ne pouvaient faire légitimement qu'ils ne l'eussent prêté) tant les Romains étaient religieux à observer les lois de la guerre.

ARTICLE LIII.
Du Triomphe.
Le mot de Triomphe vient du grec, et c'était un honneur solennel et public qu'on rendait aux gé­néraux d'armée qui avaient remporté quelque illustre victoire.
Il y avait chez les Romains deux sor­tes de triomphes: le grand, qu'ils ap­pelaient simplement triomphe, et le petit, qu'ils nommaient ovation, Les triomphe étaient aussi distingués en terrestre et en naval, selon que les batailles s'étaient données sur mer ou sur terre. Denys d'Halicanasse, liv. 2 et Va1ère Maxime, liv. 2, chap. 8.
    Le triomphe se faisait ordinairement par une entrée magnifique et accompa­gnée des acclamations publiques; mais on n'accordait cet honneur qu'à un dictateur, à un consul ou à un préteur ; et si on l'a accordé à quelques commandants qui n'étaient point revêtus de ces charges, c'était par un privilège particu­lier.
    Le général d'armée qui demandait; le triomphe, était obligé de quitter le commandement de l'armée, et de rester hors de la ville de Rome, jusqu'à ce que cet honneur lui eût été accordé. Pour l'obtenir, il écrivait au sénat une lettre, et lui envoyait la relation de la victoire qu'il avait remportée, ou des conquêtes qu'il avait faites. Le sénat s'assemblait dans le temple de Mars,où il faisait faire la lecture de la lettre et de la relation ; et quand les questeurs et les centurions  de l'armée qui avaient été témoins de ce qui s'était passé, assuraient, avec serment que la relation était fidèle et qu'il y avait eu au moins cinq mille hommes de tués du côté des ennemis , il faisait son dé­cret ; ensuite on assemblait le peuple, qui approuvait le triomphe, et rendait au général le commandement de l'armée.

ARTICLE LIV.
Des Cérémonies du Triomphe.
Celui qui triomphait, étant couronné de laurier, commençait par haranguer le peuple et les soldats assemblés, dans un même lieu, et par distribuer ses présents et une partie des dépouilles des ennemis ; ensuite on se mettait en ordre de marche dès la porte appelée Triomphale. Les trompettes marchaient à la tête ; les taureaux qui étaient destinés pour le sacrifice, suivaient couronnés de fleurs et ornés de rubans et quel­quefois ayant les cornes dorées. On voyait ensuite les dépouilles des enne­mis portées par de jeunes soldats, ou dans des chariots. On y portait aussi ( Cicéron  liv. 2, des Offices, chap. 8. ) les images des villes prises, des provinces conquises et des nations subjuguées et ces images étaient d'or ou d'argent, ou de bois doré, d'ivoire ou de cire puis marchaient les rois ou les capitai­nes captifs, chargés de chaînes de fer, d'or ou d'argent, et ayant la tête rasée pour marque de leur servitude ;ils étaient accompagnés de joueurs de flûtes et de harpes, et de plusieurs officiers de l'armée. Le dernier de cette pompe était un bouffon, qui insultait aux vain­cus, et qui relevait la gloire des Romains. Enfin celui qui triomphait, étant précédé du sénat et des troupes romaines, parais­sait élevé sur un char tiré par quatre chevaux blancs et attelés de front : mais il y a eu des empereurs qui ont fait tirer leur char de triomphe par des éléphants, par des tigres ou par des cerfs. Etant arrivé au capitole, il faisait un sa­crifice à Jupiter et donnait ensuite un festin magnifique puis il était reconduit à son palais. .
    Pendant la pompe autriomphe, un officier public qui était proche de celui qui triomphait, prononçait à haute voix ces paroles: Souvenez-vous que vous êtes homme et pensez à l’avenir  pour l'avertir de ne se pas laisser éblouir par l'éclat et par les honneurs du triom­phe.
     La couronne du triomphateur fut d'a­bord de laurier, puis d’or. On portait aussi devant lui plusieurs couronnes d'or, dont les provinces lui avaient fait pré­sent pour servir d'ornement à son triomphe. Sa robe était de pourpre, ornée de figures de palme en broderie d’or, il tenait dans la main droite une branche de laurier et dans la gauche un sceptre d'ivoire, au bout duquel était un petit aigle. La suite du triomphe était quel­quefois si nombreuse qu'on y employait plusieurs journées. Quelquefois les enfants de celui qui triomphait étaient avec lui dans son char de triomphe.
     On prétend que Bacchus a triomphé le premier dans les Indes, et Romulus à Rome et qu'on peut les regarder comme les inventeurs des triomphes ; mais les triomphes des Romains ont été les plus magnifiques.

ARTICLE LV.
De l’Ovation ou du petit Triomphe.
Le petit triomphe, qu'on appelait ova­tion s se faisait avec beaucoup moins de pompe. Celui à qui on accordait cet honneur faisait son entrée dans Rome à pied ou à cheval, au son des flûtes, et des hautbois, sans clairons ni trompet­tes. Il était accompagné des sénateurs et de son armée. Sa couronne n'était que de myrthe, et sa robe de pourpre.
    On obtenait l'honneur de ce triomphe : 1°. -lorsqu'on avait mis en fuite les en­nemis sans cependant leur avoir tué beaucoup de monde 2°. Lorsqu’on avait combattu contre des pirates ou contre des esclaves, quand même on ne les aurait pas entièrement défaits ; 3° lors­qu'on avait bien administré les affaires et les biens de la république romaine dans les provinces.
    Si on en croit Denys d'Halicarnasse et Festus, le petit triomphe s'appelait ovation, parce que l'on entendait par­tout l'exclamation O, qui était un cri de joie des soldats vainqueurs. Mais selon Plutarque, il n'était ainsi appelé que  parce que quand celui qui triom­phait était arrivé au capitole, on immolait une brebis, en latin ovis ; au lieu que dans le grand triomphe on sa­crifiait un taureau. Denys d'Halic, , liv. 5; Rosin, Ant. Rom., liv.10, chap. 28.

ARTICLE LVI.
De l'Adoption, des Esclaves et des Affranchis.
Adopter, c'est prendre un étranger pour son fils, le mettre dans sa famille et le destiner à sa succession.
    Les enfants adoptifs chez les Romains partageaient avec les enfants naturels, c'est pourquoi ils prenaient le nom et le surnom de celui qui les adoptait; mai» pour  marquer leur extraction et .leur naissance, ils ajoutaient le nom de la branche de la famille d'où ils étaient issus.
    Il y avait deux sortes d'adoptions : l’une qui se faisait devant le préteur, et l'autre dans l’assemblée du peuple romain, du temps de la république, et depuis par un rescrit des empereurs.
    La première regardait un fils de famille ; et alors on s'adressait au pré­teur, devant lequel le père naturel dé­clarait qu'il émancipait son fils, et qu'il consentait qu'il passât dans la famille de celui qui l'adoptait. La seconde re­gardait une personne libre, et cette espèce d'adoption s'appelait adrogation. ,
    Les enfants adoptifs n'étaient: pas dis­tingués des autres, et ils entraient dans tous les droits que la naissance donne aux enfants à l'égard de leurs pères adoptifs seulement ; car ils n'héritaient point des grands – pères, ni des oncles, etc., à moins qu'ils n'eussent consenti à l’adoption.
    L’adoption, était une imitation de la nature,inventée pour la consolation de ceux qui n’avaient point d'enfants. Cette imitation était si régulière, que les eunuques ne pouvaient pas adopter et il fallait que celui qui voulait adopter, eût dix –huit ans plus que l'enfant qu'il adoptait.
    L'empereur Adrien préférait les enfants adoptifs aux enfants naturels, parce qu'on choisissait, disait-il, les enfants adoptifs, et que le hasard donnait les enfants naturels.
    Servus, esclave qui est réduit sous la puissance d'un maître, soit par sa naissance ou par la guerre, soit par quelque autre disposition du droit civil.
    Il y avait plusieurs sortes d'esclaves : ceux qui avaient été pris en guerre étaient esclaves et pouvaient être ven­dus comme tels, en latin captivi ou bello capti, ceux qui étant nés libres, vendaient leur liberté ou qui avaient été vendus pour dettes, étaient esclaves et appelés mancipia. Les enfants des esclaves étaient esclaves par leur naissance ; ils appartenaient aux maîtres leurs pères et mères,et on les appelait en latin vernae.
    Les esclaves étaient le domaine et le bien propre de leurs maîtres, et ils n'a­vaient pour eux que les gratifications qu'on leur faisait, et ce qu'ils pouvaient épargner et retrancher sur leur nourri­ture ; ce qu'on appelait en latin peculium.
    Les Romains avaient droit de vie et de mort sur leurs esclaves mais cette "' sévérité fut modérée par les lois : et comme des maîtres emportés abusaient quelquefois de leur autorité, et tuaient sans sujet, l'empereur Adrien décerna la peine de mort contre ceux qui les tueraient sans raison ; et quand un maître maltraitait trop cruellement ses esclaves, on pouvait le contraindre de les vendre pour un prix raisonnable.
    On appelait affranchi un esclave mis en liberté, en latin libertus,  les enfants des affranchis, libertini. Les affranchis prenaient le nom et le surnom des maîtres qui les mettaient en liberté; et ils s'unissaient en quelque sorte à leur famille.
    Un maître qui voulait mettre son es­clave en liberté, allait chez le préteur déclarer le sujet qui le portait à lui don­ner la liberté: il mettait la main sur la tête de son esclave, ou il le tenait par le bras, en lui donnant un petit soufflet, il disait : Qu'il soit libre ou citoyen romain ; après quoi le préteur touchait l'esclave avec une verge appelée vindicta, et l’ayant déclaré libre, il faisait écrire son nom sur le catalogue des citoyens romains.
    Il y avait encore d'autres manières de mettre les esclaves en liberté, et les maîtres pouvaient le faire sans aller chez le préteur, ou en faisant asseoir leur es­clave à table avec eux, où en déclarant en présence de leurs amis, ou en mar­quant dans leurs testaments, qu'ils leur donnaient la liberté, ou en leur écrivant qu'on leur laissait la liberté de vivre comme ils voudraient etde faire tout ce qui leur plairait.
    Comme la liberté était la plus grande récompense qu'un maître pût donner à ses esclaves, les affranchis regardaient; et révéraient comme des dieux  ceux qui les avaient mis en liberté.

ARTICLE  LVII.
Des Jeux.
Il y avait à Rome plusieurs sortes de jeux : les apollinaires étaient célébrés par les Romains en l’honneur d'Apol­lon, pour être toujours victorieux de leurs ennemis : on y sacrifiait un bœuf et deux chèvres, et on faisait des festins devant les portée et dans les rues.
    Les capitolins, institués en l'honneur de Jupiter pour avoir conservé le capitole lorsqu'il fut assiégé par les Gaulois. Les jeux romains célébrés eu l’honneur de Jupiter, de Junon et de Minerve : on les appelait les grands jeux à cause de la magnificence avec laquelle ils se faisaient, ou parce qu'on y honorait les plus grands dieux.
    Les jeux céréaux, en l'honneur de la déesse Cérés : les Romains et les da­mes y assistaient en robe blanche. Les jeux du cirque, circences exercices et combats qui se faisaient dans le grand cirque de Rome, on y voyait des gens qui se battaient à coups de poings ou l'épée à la main, il y avait des courses et des luttes, et des combats contre des bêtes.
    Les jeux floraux, institués en l'hon­neur de la déesse Flore, et célébrés d'abord le 28 avril et ensuite le premier mai, Caton le Censeur fut cause qu'on sup­prima toutes les infamies qui s'y com­mettaient.
    Les jeux funèbres faits en l'honneur des défunts et pour apaiser leurs mânes.

ARTICLE LVIII.
Des nombres et des chiffres romains.
I   montre et désigne un et se peut ré­péter jusqu'à quatre fois.
V est pris pour cinq.
X signifie dix et se peut répéter jusqu’à quatre fois.
L signifie cinquante, et ne se peut ré­péter, sinon en cette façon, LXL, pour signifier quatre-vingt-dix.
C signifie cent, et se peut répéter jus­qu'à quatre fois.
D signifie cinq cents.       
M signifie mille.      
Lorsqu'il y a un petit nombre devant un plus grand, cela dénote qu'il faut la retrancher de la valeur de la dite let­tre : ce qui se fait au nombre IV, IX, XL, XC et autres.
    Pline remarque que les anciens n'a­vaient point de nombre  au-dessus de cent mille mais que pour compter au-dessus, ils mettaient deux ou trois fois ce nombre : d'où vient cette manière de compter, decies centena millia, et autres dont nous parlerons dans le cha­pitre des monnaies. 
    Manucée fait voir que toutes lesfigures des nombres romains sont venues de la première, parce que comme le V n'est que deux I unis par le bas, et que X n'est que deux I, croisés, ainsi L n'est que deux I, l'un droit et l'autre couché, et y en ajoutant un, troisième par le haut, ils marquaient le cent par cette figure. Mais les libraires ou les imprimeurs, pour une grande facilité et pour leur commodité, ont dans la suite changé un peu ces figures, pre­nant le C pour cent, le D pour les cinq cents, au lieu de Ic, et l'M simple, pour exprimer mille, au lieu de CIc; et de là il arrive qu'il n'y a proprement que sept lettres qui servent à ces sortes de nombres; savoir : C, D, I, L, M, V, X.

ARTICLE LIX.
Des Monnaies romaines.
Du temps des rois de Rome l'on ne savait encore ce que c'était que de bat­tre de la monnaie de métal, surtout en or et en argent. On ne commença à y battre de la monnaie d'argent qu'en 484 ou 485, et de la monnaie d'or que 546 ans après la fondation de cette ville.
    Cassiodore rapporte que les Romains nommèrent leur monnaie pecunia, du mot pecus qui signifie bétail, parce qu'alors on ne faisait que des échanges, et que les plus grandes richesses con­sistaient en bestiaux : on fit même im­primer leur figure ou celle de leur tête sur les premières monnaies qui furent fabriquées. César fut le premier qui fit graver sa tête sur les monnaies, par ordonnance du sénat. (Cassiodore, Varron,  Pline et Columelle. D'autres di­sent que ce mot pecunia vient de peculis corio, parce que les premières mon­naies étaient de cuir. Quoi qu'il en soit, les Latins avaient des monnaies dont la principale marque était une double tête d'un côté et un navire de l'autre, pour représenter Janus, le plus ancien roi d'Italie, et Saturne qui ayant abordé en Italie y fut reçu par Janus. Et du temps de ces princes, il n'y avait que des monnaies de cuivre; d’où est venue cette phrase latine aes alienum, pour dire une dette et cette formule per œs et librum ; is mihi emptus est hoc aere aeneaque libra, parce qu'on ne donnait ces monnaies qu'au poids. C'est aussi du mot d'aes que vient œrarium , qui signifiait trésor public, où il n'y avait que des monnaies de cuivre on d'ai­rain.
    Numa établit un corps ou une com­pagnie de batteurs d'airain, appelés aerarii, et qui étaient les monnayeurs de ce temps-là; et il fit fabriquer de la monnaie de cuivre dont les espèces n'étaient point marquées, mais taillées grossièrement en morceaux carrés ; et le poids en faisait la valeur.
    La plus considérable fut nommée as ou raudus, à cause de sa matière, et pondo ou  assipondium parce qu'elle pesait une livre ou douze onces. Pour partager cette pièce de monnaie appelée as, et pour la commodité du commerce, on en fabriqua ensuite de moindre poids, dont voici les noms romains et la valeur.
Semis, pour semias, la moitié de l'as ou sixonces.
Quadrans, pour quarta pars assis  le quart de l’as, ou trois onces.
Triens, pour tercia pars assis, le tiers de l’as ou quatre onces trois deniers.
Bes ou bessis pour bis triens  les deux tiers de l'as, ou huit onces six deniers.
Dodrans pour deest quadrans, les trois quarts de l’as, ou neuf onces sept deniers.
Uncia ou stip suncialis une once, ou la douzième partie de l’as.
Sextant, pour sexta pars assis, la sixième partie de l’as ou deux onces un denier.
Quincunx, de quinque et uncia, cinq onces quatre deniers.
Septunx, de septem et d’ uncia, sept onces cinq deniers.
Decunx ou dextans pour deest sextans, dix onces huit deniers.
Deunx pour deest uncia, onze onces huit deniers.
    On fit encore des espèces plus pe­santes que l’as, savoir : le dupondius qui valait deux as ; le sesterce qui en valait deux et demi ; le tressis, le quadrussis et jusqu'au decussis qui fut aussi nommé denarius, à causa qu'il valait dix as.
    Les premières pièces de monnaies que Numa fit battre, n'étaient point mar­quées, mais seulement taillées en mor­ceaux carrés, et le poids en faisait la valeur : c'est ce que l'on nommait aes rude ou grave. On dit que cette monnaie grossière et sans marque eut cours pendant environ cent quatre-vingts ans, mais que Servius Tullius VI, roi des Romains, voyant qu'il était très incom­mode d'avoir toujours la balance à la main, surtout pour des  menus paiements et pour acheter de viles denrées, fît changer la forme de cette monnaie et fit monnayer des pièces de cuivre,chacune pesant une livre ou as,ce qui n’empêcha pas les gros paiements ne se fissent encore en masse et au poids. Alors les pièces qui furent battues y étaient rondes et marquées des deux côtés de quelques figures de divinités d'hommes ou d'animaux : on y ajouta aussi des lettres pour faire connaîtra leur poids et leur valeur. Le dupondius par exemple, avait deux I I ou deux LL. Le sesterce avait deux I I joints par un trait, avec une S ainsi H S et servaient à montrer que le sesterce valait; deux as et un semis ou demi. Le denier avait pour marque un X., parce qu'il valait dix livres de cuivre ou dix fois un as, ou quatre sesterces, dont chacune valait deux livres et demie ; d'où  vient qu'il a été appelé denarius.
    Dans la suite du temps, c'est-à-dire quelques années avant la première guerre contre les Carthaginois, les Romains employèrent l'argent dans leurs monnaies et ils firent frapper le denier. Alors le denier d’argent était du poids juste d'une dragme et il avait d’un coté l'empreinte de Janus et de l'antre la figure du vaisseau qui avait porté Saturne en Italie. On voyait aussi sur les premiers revers de la monnaie de Rome Castor et Pollux, ou une Vic­toire poussant un chariot à deux ou à quatre chevaux ce qui fit appeler les deniers bigati on quadrati , selon les revers : on les avait nommés auparavant ratiti, à cause du vaisseau nommé ratis, qui était une des empreintes.
    L'argent étant devenu plus commun à Rome par les victoires sur divers peu­ples et par les conquêtes, les paiement et les comptes ne s'y faisaient plus qu'en argent, par deniers ou par ses­terces, quoique cependant l'ancienne manière d'exprimer les sommes considérables soit restée quelques temps en usage, le demi, pris pour dix livres de cuivre selon l'ancienne proportion mais l'as d'une livre ne subsistait plus et il n’était qu’en imagination et le nom d'as grave lui était appliqué, comme nous comptons par franc, quoiqu'il ne reste parmi nous aucune monnaie que nous concevons par ce nom franc.
    Les Romains donnèrent le nom de denier à leurs premières monnaies : ainsi une pièce de monnaie d'or était appelée denier d'or, et quand elle était d'ar­gent , on l'appelait denier d'argent ; et le denier d'or, en latin nummus aureus, valait dix deniers d'argent, com­me le denier d'argent valait dix as, ou dix livres de cuivre : ainsi, dans le temps que le denier d'argent était taillé de quarante à la livre d'argent, et le denier d'or aussi de quarante à la livre d'or , la livre d'or valait dix livres d'ar­gent. Mais la valeur des monnaies changea de temps en temps : l'as de cuivre, qui pesait une livre ou douze onces fut réduit à la taille de six à la livre et au poids de deux onces , puis au poids d’une once, ensuite d'une demi-once etenfin de deux dragmes. Le denier d'argent fut aussi affaibli et réduit à la taille de quinze à la livre, puis de vingt-quatre, de trente-six, de quarante, etc., et enfin de quatre-vingt-seize. Le denier d'or fut diminué jusqu'à la taille de quarante-cinq à la livre : chaque pièce pesant un peu plus que deux dragmes. Le denier courant d'argent, du temps de Jésus-Christ, valait environ huit sous, monnaie de France. Guill. Budée, de Asse, Gronovins,  de Pecunid veterum,  Joan. Seldemus,  M. de Bouteroud.

ARTICLE LX.
Des Sesterces et de la manière de les compter.             
Le sesterce était chez les Romains une monnaie d'argent valant environ la quatrième partie du denier romain ; car les Romains s'étant servis longtemps de monnaies  de cuivre ou d'airain qu'ils appelaient as, quasi aes, ou libra, ou pondo, parce qu'elle pesait une livre, commencèrent, par le denier, à battre des monnaies d'argent, l’an de la fondation de Rome 585. Ce denier était marqué d'un X , parce qu'il valait dix as, comme nous avons déjà dit, et il se divisait en deux quinaires mar­qués chacun d'un V, parce qu'ils valaient chacun cinq as ; et le quinaire se divisait encore en deux sesterces marqués de L L S, parce qu'ils valaient chacun deux as et demi, ou deux livres et demie mais enfin les imprimeurs, pour leur commodité , nous ont donné une H au lieu de deux LL qui faisaient livres, et ont toujours retenu l'S qui veut dire semi ; de sorte que sestertius , sesterce est mis pour semistertius , deux et demi, comme si on disait un demi ôté de trois.
    Budée a distingué deux sortes de sesterces, le petit appelé sestercius et qui, comme nous venons de dire, était une pièce de monnaie d'argent valant deux as et demi, et environ deux sous, monnaie de France et le grand, appelé sestertium, de genre neutre, qui n'était qu'un mot de compte valant mille petits sesterces, ou environ cent francs, monnaie de France.
    Il y a cependant des auteurs, com­me Agricole, qui veulent que sestertium soit le même que sestertius ; en sorte que sestertii deni et sestertia dena soient la moine chose mais que la différence est dans la manière de compter parce que quand on met par le génitif deni sestertium pour sestertiorum, il faut sous-entendre millia ainsi , sestertium ducenta, en sous-entendant millia, ou sestertia ducenta, en prenant le mot de sestetium neutre, pour mille petits sesterces etc., signifient la même chose, et cela revient toujours au même nombre. 
    Ceux, qui prétendent que sestertius  ou sestertium sont adjectifs, donnent pour substantifs as ou assis nummus à sestertius deux as et demi, et pondo à sestertium. As qui est masculin et pondo qui est neutre, n'étaient que la même chose parmi les Romains, parce que l'as était du poids d'une livre.
    Quand on trouve avec la marque du sesterce H S un nom de nombre qui se décline et qui est au masculin, il marque simplement la somme qu'il ex­prime. Par exemple, H S deni signifie dix petits sesterces. S'il est au neutre, comme H S dena, il marque dix mille petits sesterces, soit qu'on lise sestertia deneta selon Budée, ou sestertium dena, sup. millia, selon Agricole.
    Mais si avec la, marque du sesterce H S, on trouve un nom du nombre in­déclinable ou un nom qui, se déclinant, puisse être pris pour le masculin et pour le neutre, on ne peut juger de sa signi­fication que par la suite, par la matière, et par le sens, parce que l'expression peut convenir aux nombres simples ou aux mille.
    Quand on compte par un adverbe et que l'adverbe est joint à sestertium, on sous-entend toujours centena millia. Par exemple semel sestertium, etc. c'est la même chose que semel centena millia, sestertium et decies sestertium veut dire decies centena millia sestertium. Quel­quefois même on trouve l'adverbe seul, le mot as sestertium, ou de millia sestertium étant omis ou sous-entendu et alors il faut suppléer sestertium ou centena, millia sestertium. Par exemple, debet mihi decies, pour dire decies sestertium, ou decies centena millia sestertium, Quadragintorum milliares. On sous-entend sestertium. Vespasianus rhetoribus annua centena, constituit,  c'est-à-dire, centena  millia sestertium comme quand on dit mille nummum, mille talentum : c'est une construction de l’adjectif et du substantif au génitif gouverné par res, qui est sous-entendu.

ARTICLE LXI.
Du Talent.
Il est difficile de faire la juste estimation du talent et d'en réduire la valeur à la monnaie de France, parce que le talent était en usage parmi un grand nombre de peuples, dont les poids et la manière de compter et d'évaluer l'argent étaient fort différents. Outre cela, il y avait plusieurs sortes de talents, tant pour le poids que pour la. monnaie, et la valeur en augmentait selon que les espèces étaient plus ou moins fortes; ce qui tend cette matière obscure et fort embarrassée,comme on peut le remarquer dans le savant traité que Budée à com­posé de Asse et dans Gronovius, de Pecunid veterum. Chez les Romains les talents étaient de trois sortes. Le plus petit était de 84 livres pesant ; le second de 120 livres; le troisième de 125 livres; et si on en croit Hesychius, le talent va­lait une fois plus que le talent attique mais Gronovius prétend que les Romains n'avaient point de talent.
    Le talent attique d'argent est le plus commun chez les historiens. Il y en a de deux sortes, le grand et le petit. Le petit était de soixante livres, ou mines, à douze onces la livre, qui reviennent en­viron à 2600 livres ; et le grand talent était de 80 mines, valant environ 3250 livres, monnaie de France. Mais lorsqu’on parlait en général d'un talent, on entendait un talent commun ou petit. Un talent d'or valait environ trente-six mille livres, monnaie de France.
    Selon la supputation de Budée, le pe­tit talent attique valait mille livres et le grand treize cent trente-trois livres tournois, et le talent d'or quinze mille livres. II y avait à  Rome trois magistrats qui avaient inspection sur la fabrication des monnaies, et qu'on appelait en latin triumviri monetarii. Ces offi­ciers étaient fort considérables ; ils étaient tirés du corps des chevaliers et faisaient partie des centumvirs : ç'était dans le temple de Junon que l’on battait monnaie.
    Il faut que ceux qui voudront avoir une connaissance plus exacte et plus étendue des monnaies des anciens, se donnent la peine de lire les traités de Budée, de Asse ; de Gronovius, de Pecunid veterum ; de Jean Seldenus ; de M. de Bouteroue , et de M. Piénud, professeur royal de langue grecque.

ARTICLE LXII.
Des pas, des stades, des milles.
Pas, en lutin passus ; c'est une sorte de mesure de géographie. Le pas commun est de deux pieds et demi et le pas qu’on appelle géométrique, est de cinq pieds de roi. Le mille d'Italie est de mille pas géo­métriques; la lieue de France est de trois mille pas, et celle d'Allemagne de qua­tre mille pas.
    Stade était une mesure de 125 pas géométriques, ou de 625 pieds. Il faut huit stades pour faire un mille d'Italie et 20 stades font une lieue de France.
    Stade, stadium, signifiait aussi la carrière ou l'espace dans lequel les Grecs s'exerçaient à la course et qui était de 125 pas géométriques de lon­gueur : ce qui a fait donner le nom de stade à une longueur de chemin pareille à cette carrière.
    Quand il s'agit de marquer la distance des lieux, mille signifie une étendue de mille pas géométriques, ou de 5000 pieds. Les Romains faisaient dresser sur les grands chemins, à chaque mille pas, colonne de pierre où était marquée distance de la ville de Rome. Par exemple, ad tertium ab urbe lapidem, conseditt il s'arrêta à trois milles de Rome. Tite Live. C'est pourquoi on appelait colonne militaire la colonne de mar­bre qu'Auguste fit dresser à Rome au milieu du marché d'où oncommencerait à compter jusqu'aux autres colonnes militaires dressées de mille en mille sur les grands chemins, pour marquer la distance de chaque ville de l'empire à l'égard de Rome.

ARTICLE LXIII.
Des Sacrifices.
Sacrifice, culte que l'on rend à Dieu par l'oblation de quelque victime ou par quelque autre présent. Le sacrifice diffère de la simple oblation en ce que dans le sacrifice, il faut qu'il y ait réelle destruction ou changement dans la chose offerte, au lieu que l'oblation n'est qu’une simple offrande du don.
    On divise les sacrifices en sacrifices impetratoires qu'on fait pour obtenir de Dieu quelque grâce, ou pour l'en remercier et en propitiatoire qu'on offre pour la rémission de ses péchés.
    Les païens ont fait des sacrifices à leurs idoles et ils observaient des cé­rémonies dont quelques-unes paraissent avoir été empruntées des Hébreux, parce que selon toutes les apparences, ils avaient lu les livres de Moïse. Lorsque la victime était auprès de l'autel, le sacrificateur, chez les Romains, tenant la main sur l'autel, faisait de certaines prières qui commençaient par une invo­cation de Janus et de Vesta, auxquels on s'adressait d'abord dans tous les sa­crifices, comme à des divinités qui donnaient accès auprès des autres dieux puis il implorait le secours du dieu au­quel il sacrifiait. Ensuite il jetait de la farine cuite au four, mêlée avec du sel sur la tête de la victime, qu'il arrosais aussi de vin après en avoir goulu un peu et en avoir donné à goûter à ceux pour qui il offrait le sacrifice. La cérémonie de la farine s'appelait immolation, du mot latin mola, qui signifie farine, ou pâte salée; et celle du vin se nommait libation, du mot libare, qui veut dire goûter ou verser légèrement. Après, le sacrificateur arrachait dut poil d'entre les cornes de la victime et le jetait dans le feu qui était allumé sur l'autel, offrant cette victime à la divinité à la­quelle il sacrifiait ; puis il la livrait aux ministres du sacrifice, qui l’égorgeaient, recevant le sang dans des coupes et après l'avoir écorchée, la lavait pour la mettre entre les mains du sacrificateur pu du de­vin, que l'on appelait aruspex lequel dé­coupait les entrailles, comme le foie, le poumon, le coeur ou la raté, pour en tirer des augures par rapport à l'état où ces parties se trouvaient. Cette superstition étant achevée, les ministres coupaient un petit morceau de chaque membre et de chaque partie intérieure de la victime, qu'ils enveloppaient dans la farine de froment, et qu’ils apportaient dans de petits paniers au sacrificateur, lequel les jetait dans le feu de l'autel. L'offrande du dieu auquel on sacrifiait étant consu­mée, on faisait un festin du reste de la victime, avec d'autres mets. On y chan­tait les louanges de ce dieu et on dansait autour de l'autel au son des cymbales. Rosin, liv. 3, chap. 33.
Jean Saubert a traité des sacrifices des païens.

ARTICLE LXIV.
Du Mariage, des Cérémonies qui l'ac­compagnaient, et du Divorce.
Il y avait trois sortes de mariages chez les Romains, appelés usus, confarreatio et coemptio. Le premier mariage, par usucapion ou par usum, avait lieu lorsque la fille demeurait un an entier avec un homme, dans la vue de devenir épouse et au bord de l’année elle était réputée telle, ses enfants étaient légitimes, son état respectable devant la loi mais elle n'entrait point en com­munication de biens, n'avait que le titre d’uxor et non celui de mère de famille et n'était point dans la dépen­dance du mari.
    Le mariage par confarreation avait été institué par Romulus : les futurs époux se rendaient au temple, où l’on faisait un sacrifice en présence de dix témoins. Le prêtre offrait, entre autres cho­ses, un pain de froment, et en dispersait des morceaux sur la victime. Le but de cette cérémonie était de marquer que le pain, symbole de tous les autres biens, serait commun entre les deux époux. La femme, par ce mariage, était commune en biens avec son mari qui cependant en conservait
l'admi­nistration. Le mariage par coemption était le plus solennel et le plus honorable. Il s'appelait ainsi, parce que le mari re­mettait, pour la forme, quelques pièces de monnaie entre les mains de la femme, qui dès lors était dans sa dépendance. Celle qui était mariée de cette manière, s'appelait justa uxor, tota uxor,  mater-familias.
    Les Romains, qui étaient fort supers­titieux, commençaient par prendre les aus­pices avant le mariage; et ils évitaient soigneusement de se marier dans un de ces jours qu'ils tenaient pour malheureux comme les calendes, les ides, les nones, et tous les lendemains de ces jours-là. Le mariage se traitait ordinairement avec le père de la fille, à qui on la deman­dait. Quand le contrat était dressé, on le scellait du cachet des parents ; quel­quefois on consignait la dot entre les mains des augures qui avaient pris les auspices.
    L'époux, avant les noces,  envoyait à celle qui lui était destinée pour épouse, un anneau de fer sans chaton : la cérémonie des fiançailles. Le jour des noces, en coiffant la mariée, on observait de séparer ses cheveux avec le fer d'une javeline, que l’on appelait hasta celibaris, ou pour présager qu'elle en­fanterait des hommes forts ou courageux, ou parce que la pique était consacrée à Junon. On partageait ses cheveux à la manière des vestales, pour marquer qu'elle voulait vivre chastement avec son mari. On lui mettait sur la tête un chapeau de fleur de verveine, et d'autres plantes qu'elle avait cueillies elle-même, et par-dessus le chapeau un voile qui était quelquefois enrichi de pierreries, et que l'on nommait flammeum. On lui faisait prendre des sou­liers de la couleur du voile, et qui étaient extrêmement hauts, pour la faire paraître d'une plus grande taille. Il se faisait anciennement, chez les Latins, une autre cérémonie, qui consistait à mettre un joug sur le cou de ceux qui se fiançaient, pour marquer que le mariage est un véritable joug et c'est de là qu'il a pris en latin le nom de conjugium. La mariée était vêtue d'une longue robe tout unie telle que celle que Caïa Cœcilia (ou Tanaquil) avait tissue de ses propres mains et on la ceignait d'une ceinture de laine, que l'époux devait ôter : de là l'expression de zonam solvere. Ainsi parée, on l'arrachait des bras de sa mère, afin qu'elle ne parût pas courir elle - même au-devant d'un homme. Ceci avait lieu à la clarté de cinq flambeaux de bois de pin ou d'épine blanche car les noces se faisaient toujours le soir. Ces flambeaux étaient portés par de jeunes enfants que l'on nommait pueri lauti, parce qu'on avait soin de les laver et de les parfumer. Ce nombre de cinq était mystérieux comme tout le reste de la cérémonie : c'était en l'honneur des cinq divinités, dont on croyait que ceux qui se mariaient avaient besoin savoir : Jupiter, Junon, Vénus, Diane et la déesse de la Per­suasion.
La mariée était conduite à la maison de son époux par trois jeunes garçons, dont le père et la mère étaient encore vivants et que l'on appelait paranymphes. Un des trois marchait devant, tenant le flam­beau de l'hymen, que les amis des deux parties avaient coutume d'enlever, de peur que l'on ne s'en servît pour faire quel­que maléfice qui abrégeât la vie de l'un des deux. Les deux autres soutenaient l'épouse, après laquelle on portait une quenouille garnie de laine à filer, avec un fuseau, pour marquer l'ouvrage au­quel elle devait s'appliquer. Pendant la marche, chacun chantait : hymen ! hymenee ! On invoquait Thalassius, marié avec une de ces Sabines qui avaient été enlevées parles Romains et on jetait à la future de l'eau lustrale, afin qu'elle entrât purifiée dans la maison de son mari. Dès qu’elle arrivait à la porte qui était ornée de guirlandes de fleurs et de feuillages, on lui présentait le feu et l'eau pour lui faire entendre qu'elle devait avoir part à la fortune de son mari ; on lui demandait en même temps son nom et elle répondait à l'époux : Où vous serez Caïus, je serai Caïa ; c'est-à-dire où vous serez maître et père de famille, je serai maîtresse et mère de famille. Ensuite on l'enlevait de dessus le seuil de la porte, afin qu'elle parût entrer malgré elle dans la maison d'un homme ou bien parce que le seuil était consacré à Vesta, déesse de la virginité. Aussitôt on lui présentait les clefs pour l'avertir que c'était .sur elle que reposait le soin du ménage ;ensuite on la faisait mettre sur une peau de mouton qui avait encore sa laine, comme une marque qu'elle devait travailler.
    Lorsque le festin des noces était fini, on dressait le lit nuptial, ou genial, ainsi nommé, parce qu'il était dressé en l'honneur du génie du mari : la nouvelle épouse y était conduite par des matrones appelées pronubœ. Avant de se retirer, l’époux jetait des noix aux enfants : alors les assistants commençaient à chanter des vers fort libres, que l'on appelait fescennins.
    Le lendemain des noces, on recom­mençait le festin chez le nouveau marié et ce festin était appelé repotia. Les amis et les parents envoyaient des pré­sents à la mariée et le mari leur en faisait à son tour. Enfin la nouvelle épouse faisait un sacrifice dans la maison de son mari pour commence à agir avec la liberté qui convient à une femme. Les femmes mariées conservaient toujours leur nom de fille et ne prenaient point celui du mari.
    Le divorce fut permis chez les Ro­mains, d'abord par Romulus, qui en accorda la liberté seulement aux hommes : il pouvait se faire au cas que la femme eût empoisonné ses enfants, qu'elle en eût supposé à la place des siens, qu'elle eût commis un adultère, ou qu'elle eût bu du vin à l'insu de sonmari. Une loi des douze Tables autorisa cet usage, et prescrivit certaines céré­monies que l'on devait y observer ; mais elle assigna trois autres causes du
di­vorce : l'adultère, la mauvaise humeur et la stérilité. Quand la séparation se faisait pour le premier sujet, le mari retenait la dot de la femme et les présents qui avaient été faits avant les noces, s'il n'y avait point d'enfants ; mais pour les deux autres  causes,  on rendait à  la femme la dot tout entière ou bien on retenait la sixième partie pour chacun des enfants, jusqu'à la moitié de la dot. Le divorce se faisait par écrit, avec cette formule : Emportez ce: qui vous appartient et alors on ôtait à la femme les clefs qu'on lui avait présentées le jour du mariage,

ARTICLE LXV.
Des Funérailles.
Les Romains ont été, sans contredit, un des peuples les plus religieux et les plus exacts à rendre les derniers de­voirs à leurs parents et à leurs amis. Ils n'oubliaient rien de ce qui pouvait contribuer à honorer la mémoire du mort et prouver leurs regrets de l'avoir perdu. C'était pour eux, dit Pline, une cérémonie sacrée, laquelle commençait au moment que la personne rendait les derniers soupirs : on lui donnait alors le dernier baiser, comme pour en recevoir l'âme et on lui fermait les yeux ainsi que la bouche, pour lui donner un air moins effrayant. On l'appelait ensuite trois ou quatre fois par intervalle, pour connaître s'il était véritablement mort, ou s'il n'était que tombé en léthargie. On nommait cetusage condamnatio. On s'adressait en­suite aux libitinaires : c'étaient des gens qui vendaient et fournissaient tout ce qui était nécessaire pour la cérémonie des funérailles ; on les appelait ainsi parce qu'ils avaient leur magasin au temple de Vénus-Libitine. Les libitinaires avaient sous eux des gens qu'on nommait pollinctores. Ces derniers recevaient le cadavre, le lavaient dans l'eau chaude et l'embaumaient avec des parfums.
    Quand le corps était embaumé, on le revêtait d'un habit blanc ordinaire, c'est-à-dire de la toge : si cependant c'était une personne qui eût passé par les charges de la république, on lui mettait la robe de la plus haute dignité qu'il eût possédée, et on le gardait ainsi sept jours pendant lesquels on préparait tout ce qui était nécessaire pour la pompe des funérailles. On l'exposait sous le vesti­bule ou à l'entrée de sa maison, couché sur un lit de parade, les pieds tournés vers la porte où l'on mettait un? rameau de cyprès pour les riches et pour les pauvres seulement des branches de pins. Il restait toujours un homme auprès du corps pour empêcher qu'on ne volât ce qui était autour de lui : lorsque c'était une personne du premier rang, il y avait de jeunes garçons oc­cupés à en chasser les mouches.
    Les sept jours étant expiré, un héraut public annonçait le convoi en criant :
Exequias L. (tel)r L. filii,t quibus est commodum ire,) tempus est ; ollus (pour ille ) ex cedibm effertur. «. Que ceux qui veulent assister aux obsèques d'un tel, fils d'un tel, partent maintenant, on emporte le corps de sa maison. » Il n'y avait néanmoins que les parents et les amis qui y assistassent, à moins que le défunt n'eut rendu de grands services à la république alors le peuple s'y trouvait, et s’il avait commandé  une armée, les soldats s'y rendaient aussi portant leurs armes renversées le fer en bas ; les licteurs renversaient pareillement leurs faisceaux.
    Le corps était placé sur un petit lit,  ordinairement porté par les parents pour lui faire honneur, ou même par ses fils s'il en avait. Pour un empereur, le lit était porté par des sénateurs et pour un général, par des soldats. A l'égard des gens de commune condition, c’était dans une espèce de bière découverte qui était portée par quatre hommes qui gagnaient leur vie à ce métier : on les appelait vespillones parce que pendant un très long temps on observa de ne faire les convois que le soir.     Le défunt paraissait ayant sur la tête une couronne de fleurs et le visage découvert.
    Lorsque les rangs avaient été mar­qués par le maître de cérémonie, la marche commençait par une trompette et les joueurs de flûte qui jouaient d’une manière lugubre. Ils étaient suivis de plus ou moins de gens qui portaient des torches allumées. Auprès dulit était un archimime qui contrefaisait toutes les manières du défunt et on portait devant le lit toutes les dignités dont il avait été revêtu : on y portait en par­ticulier son buste représenté en cire, avec ceux de ses aïeux et de ses parents, montés sur des bois de javelines ou placés dans des chariots : cette dernière partie de la cérémonie ne s'observait que pour les personnes d'une ancienne et illustre famille.
    Les affranchis du  défunt  suivaient cette pompe, portant le bonnet, qui était la marque de leur liberté ; ensuite marchaient les enfants, les parents, les amis vêtus de noir. Les fils du défunt avaient un voile sur la tête; les filles, vêtues de blanc, avaient les cheveux épars, sans coiffure, et marchaient nu-pieds. Après ce cortège, venaient les pleureuses, prœficae, c'étaient des femmes dont le métier était de faire des lamentations sur le corps du défunt et en pleurant, elles chantaient ses louanges sur des airs lugubres et don­naient le ton à tous les autres.
    Lorsque le défunt était  un personnage illustre, on portait sou corps au rostra dans la place de Rome, où la pompe s'arrêtait pendant que quelques-uns de ses enfants ou de ses plus proches parents faisaient son oraison funèbre; c'est ce qu'on appelait laudare pro rostris. De cette place on allait au lieu où l'on devait enterrer ou brûler le corps, c'est-à-dire au Champ de Mars ; car il n'était point per­mis de faire cette cérémonie dans la ville. On avait eu soin d'avance de dresser un bûcher d'if, de pin, de mélèze, ou d'autres pièces de bois faciles à s'enflammer, arrangées les unes sur les autres, en forme d'autel sur lequel on posait le corps vêtu de sa robe ; on l'arrosait de liqueurs propres à répandre une bonne odeur; on lui coupait un doigt pour l'enterrer, avec une seconde cérémonie ; on lui tournait le visage vers le ciel, on lui rouvrait les yeux et on lui mettait dans la bouche une pièce d'argent qui était ordi­nairement une obole pour payer le droit de passage à Caron, le nocher des en­fers.  Tout le bûcher était entouré de cyprès : alors les plus proches parents, tournant le dos et pendant que le feu s'allumait, jetaient dans le bûcher les habits, les armes et  quelques effets du défunt, quelquefois même de l'or et de l'argent mais cela fut défendu par la loi des douze Tables. Aux funérailles de Jules César, les soldats vétérans je­tèrent leurs armes sur le bûcher pour lui faire honneur. On immolait aussi des boeufs, des taureaux et des mou­tons que l'on jetait pareillement sur le bûcher.
    On donnait tout auprès des combats de gladiateurs pour apaiser les mânes du défunt. On avait introduit l'usage de ces combats pour suppléer à la bar­bare coutume, anciennement pratiquée à la guerre, d'immoler les prisonniers auprès du bûcher de ceux qui étaient morts en combattant, comme pour le venger. Les combats des gladiateurs n'étaient pas le seul spectacle qu'on ydonnait; on faisait aussi quelquefois des courses de chariots autour du bû­cher; on y représentait même des piè­ces de théâtre et par un excès de somptuosité, on y a vu donner des fes­tins au peuple.
    Dès que le corps était brûlé, les parents en ramassaient les cendres et les ossements que le feu n'avait pas en­tièrement consumés, pour les placer dans le tombeau de la famille. On les renfermait dans une urne plus ou moins précieuse, suivant l'opulence ou la qua­lité du défunt ; les plus communes étaient de terre cuite. Enfin le sacrificateur, qui avait assisté à la cérémonie, jetait par trois fois sur les assistants, pour les purifier, de l'eau avec un aspersoir fait de branches d'olivier : usage qui s'est introduit dans le christianisme, mais seulement à l'égard du cadavre. La cérémonie étant achevée, une des pleureu­ses ou quelque autre, congédiait l'as­sistance par ce mot : ilicet, vous pou­vez vous en aller. Alors les parents et les amis du défunt lui disaient par trois fois : Vale, vale, vale ! nos te ordine quo natura voluerit sequemur. Adieu, adieu adieu ! Nous te suivrons quand la nature marquera notre tour. On portait l'urne où étaient les cendres, dans le sépulcre, devant lequel il y avait un petit autel où l'on brûlait de l’encens et d'autres parfums; cérémonie qui était renouvelée de temps en temps, de même que celle de jeter des fleurs sur la tombe. A l'égard de ceux dont on ne brûlait pas les corps, on les mettait ordinai­rement dans des bières de terre cuite, ou de marbre. On plaçait dans ce tom­beau une lampe dite perpétuelle et quelquefois de petites figures de divi­nités, avec des fioles qu'on appelait lacrymatoires qui renfermaient l’eau des larmes qu'on avait répandues à leurs funérailles : témoignage qu'ils avaient été fort regrettés.
    Cette triste cérémonie se terminait par un festin , qui était ordinairement un souper que l'on donnait aux parents et aux amis; quelquefois même on dis­tribuait de la viande au peuple et neuf jours après on faisait un autre festin qu'on appelait le grand souper,  la novandale, c'est-à-dire la neuvaine. On observait dans ce dernier repas de quit­ter les habits noirs et d'en prendre de blancs.

ARTICLE LXVI.
Des Repas, de la Table et des Aliments.
Dans les premiers temps de la république, les personnes les plus sobres ne faisaient qu'un repas dans toute la journée, à sept heures après-midi ; mais dans la suite on introduisit l'usage de déjeuner le matin, ensuite de dîner, puis de goûter et enfin de souper; et même ceux qui se piquaient de sensualité man­geaient encore après ce dernier repas.
    Le déjeuner jentaculum consistait, pour le plus grand nombre en un morceau de pain sec; quelquefois on y ajoutait des dattes, des raisins secs, des noix, du miel d'Attique, ou d'autres friandises. L'heure de ce repas était la troisième et la quatrième mais il n'y avait guère que les enfants et les vieillards qui fussent assujettis à cet usage.
Le dîner prandium était aussi un repas fort léger, qui avait lieu à la cin­quième heure, et où l’on ne mangeait, pour l'ordinaire, que des fruits de la saison. On n'y invitait jamais personne.
    C'était au souper (cœna) que l’on déployait tout le luxe de la table, et que l'on conviait les amis. Il avait lieu à la neuvième heure du jour en été, et à la dixième en hiver. C'était le seul temps que les Romains pouvaient don­ner aux plaisirs domestiques ; leurs af­faires tant publiques que particulières, les spectacles et les exercices du corps les occupaient hors de la maison, jus­qu'au temps de ce repas : aussi tâchaient-ils d'y rassembler tout ce qui pouvait les divertir et flatter les sens.
    Ils commençaient par prendre le bain immédiatement avant le repas, et au sortir, du bain ils se revêtaient de la robe appelée synthesis qui était plus courte que les autres. Dans les premiers temps de la république, le souper était fort simple ; il consistait, le plus souvent, en un plat de viande bouillie, avec du miel, du fromage des œufs, etc.; sou­vent ce n'était que des herbes; mais dans la suite ce repas fut meilleur et composé ordinairement de trois services que l'on augmentait jusqu'à sept par un surcroît de magnificence. Le premier service consistait en salades de laitues, en olives et autres choses qui pouvaient exciter l'appétit : on l'appelait ante coena, ante cœnium, promulsis. Venait ensuite le fond du repas, proprement dit, dont le principal mets était appelé caput cœnae et l'on y servait les viandes les plus ex­quises. Le troisième était composé de fruits et de pâtisserie.
    Avant que de commencer à manger, on tirait au sort, avec des dés, pour faire un roi du festin, auquel on obéissait pendant tout le repas ; c'était lui qui ré­glait le nombre des coupes que l'on vidait,
    La bonne chère n'était pas le seul plaisir des repas, la musique en faisait souvent partie. On y admettait des chanteuses et des joueurs d'instruments, ou bien les con­vives y suppléaient eux-mêmes ; on y appelait aussi des danseuses, des mimes qui exécutaient des scènes muettes, et d'autres sortes de gens dont le métier était de débiter des contes plaisants pour divertir la compagnie: on y lisait même des ouvrages d'esprit.
    Quand les mets étaient servis, on les divisait en parties égales, afin que chaque convive eût sa portion, qu'il pouvait donner à son esclave ou emporter chez lui. Les viandes étaient ordinairement découpées par des valets chargés de cette fonction et c'était pendant qu'ils les découpaient que l'on écoutait les joueurs d'instruments. La boisson ordinaire était le vin : ceux qui étaient sobres y mettaient de l'eau ; les plus voluptueux y mettaient des parfums et des aromates. .
    La table, mensa, était, dans l'origine, conforme à la simplicité des mœurs ; elle était faite de bois commun et l'en s’asseyait autour sur des bancs également de bois, pour prendre le repas.  Ce ne fut que depuis leur commerce avec les Grecs et les Asiatiques, que les Romains introduisirent, à la place des bancs et des sièges, l'usage des lits qu'ils fabriquèrent de citronnier et d'érable. On rechercha les plus beaux bois pour les tables ; on les enrichit d'or et d'argent, et même de pierres pré­cieuses. On les fit d'abord carrées, on leur donna ensuite la forme ronde, on laissait toujours un côté de ces tables, libre pour le service. Un lit était placé au milieu et les deux autres à chaque bout. Les anciens regardaient la table comme une chose sacrée quand ils faisaient quelques serments, ils avaient coutume de la toucher comme une es­pèce d'autel ; ils mettaient même dessus, ou tout auprès, de petites statues des dieux. D'abord on ne couvrit point les tables de nappes ; on se contentait, entre les services, de les nettoyer avec une éponge mouillée ; ce ne fut que sous les empereurs que l'on commençait se servir de linge ; on apportait les tables toutes servies dans la salle à manger.

ARTICLE LXVII.
Des Vêtements.    
Les vêtements sont comme un thermomètre qui montre à quel degré est le luxe d'une nation. Les Romains, dans les anciens temps, privés de richesses et sans industrie, n'avaient que des habits formés de peaux de bêtes, auxquels ils firent succéder de grosses étoffes de laine, qu'on perfectionna et qu'on rendit plus fines dans la suite. Avec ces étoffes de laine ils se firent d'abord des tuniques amples ayant des manches larges et si courtes qu'elles descendaient à peine aux coudes. Cette mode dura longtemps et ce ne fut guère que vers le siècle de Constantin que l'on amena ces manches jusque sur le poignet. On assujettissait cette am­ple tunique avec une ceinture et l'on mettait par-dessus une robe sans man­ches, comme une espèce de manteau large, ouvert par devant, qu'on appelait toge ; on en faisait passer un des bouts par-dessus l’épaule gauche, afin d'avoir le bras droit plus libre ; et lorsqu'on voulait agir avec cet habillement, on le retroussait en le tournant autour du corps ; il était pour l'ordinaire de laine blanche.
    Dans l'origine, la toge était un habit d'honneur défendu au petit peuple, qui n'allait par la ville qu'avec la simple tunique; il était pareillement défendu à ceux qu'on envoyait en exil et on le quittait ordinairement à la campagne, afin d'être plus à son aise. Par la suite, tout le monde le porta, et il fut com­mun aux deux sexes jusque vers le déclin dé la république. Quelques femmes riches firent alors usage de la robe appelée stola.
     La prétexte avait beaucoup de res­semblance avec la toge ; c'était la robe que l’on faisait porter aux enfants des nobles ; ils la prenaient à l’âge de douze ans. Les  sénateurs portaient tous la prétexte une robe  appelée  laticlave  faite d'une  étoffe à larges bandes  ou raies de pourpre. Les enfants des sénateurs et des magistrats curules ne por­taient la tunique qu'après avoir pris la robe virile : jusqu'à  ce temps-là ils n'avaient point   d'autres  marques de distinction, outre la robe prétexte, que ce que l'on nommait bulla,  qui était un petit cœur qui leur pendait sur la poitrine. Ils avaient encore le droit de porter la robe qu'on appelait traeboae qui ressemblait   assez à la toge et qui était rayée de blanc, d'or et de pourpre.
Ce que l’on nommait lacerne était un manteau pour le mauvais temps et qui se mettait par-dessus la toge ; dans les commencements on ne s'en servait qu'à la guerre. La lacerne s'attachait par devant avec une boucle et l'on y adaptait un capuchon (cucullus) qu'on ôtait à volonté.
    La synthèse était une autre espèce de manteau fort large, que les Romains mettaient pour manger, comme un habillement plus commode pour être à table, couchés sur des lits. La couleur en était ordinairement blanche.
    La pullata vestis de couleur noire ou brune, était un habit de deuil en usage pour le petit peuple.
    L'habit militaire se composait d'une tunique juste au corps, qui descendait jusqu'à la moitié des cuisses, et par­dessus laquelle, on endossait la cuirasse. Les soldats couvraient le tout par la saie, sagum espèce de casaque. Les officiers, au lieu de saie, portaient le paludamentum, manteau qui s'attachait avec une boucle sur l'épaule droite, afin que les mouvements du bras eussent plus de liberté.         
    Outre ces différents vêtements, les Ro­mains, hommes et femmes, portaient ordinairement deux tuniques : la plus fine, qu'on mettait sur la peau, tenait lieu de chemise, celle des hommes était très juste, sans manches, et ne des­cendait qu'à mi-jambes ; celle des fem­mes était plus longue, plus ample, et avait des manches qui venaient jusqu'aux coudes. L'autre tunique, qui était fort large, se mettait immédiatement sous la robe. Les dames se servaient d'une ceinture, zona, qui maintenait agréa­blement les plis de la robe et la tenait un peu relevée.

ARTICLE LXVIII.
Des Habitations.
Les Romains, dans leurs commencements, n'habitaient que des chau­mières et jusqu'au temps où Rome fut brûlée par les Gaulois, la ville ne fut qu'un amas de cabanes. Cet incendie lui fut avantageux ; on la rebâtit d'une manière plus commode et plus solide. On remarque cependant que jusqu'à l'ar­rivée de Pyrrhus en Italie, les maisons ne furent couvertes que de planches. On employait, pour les construire, la bri­que plus communément que la pierre  et l'on faisait avec une certaine terre rouge, un mortier qui surpassait la pierre même en dureté. C'est sous le règne d'Auguste que la ville commença à prendre un aspect vraiment magni­fique, et que l'on vit des édifices ornés de tout ce que l'architecture peut pré­senter de plus élégant et la matière de plus riche. L'incendie de Néron fut aussi utile que l'ancien à la beauté de Rome ; on la reconstruisit sur un plan mieux entendu,  on y compta bientôt jusqu'à quarante-huit mille maisons isolées, faisant autant d'îles, insulœ, parce que l'empereur avait ordonné qu'elles fus­sent séparées les unes des autres.
    La distribution des maisons des principaux personnages était telle, que la porte formait en dehors une espèce de portique soutenu par des colonnes et destiné à mettre à l'abri des injures du temps les clients qui venaient dès le matin faire leur cour à leurs patrons. La cour était ordinairement entourée de plusieurs corps de logis avec des portiques au rez-de-chaussée. On  trouvait d'abord, une grande salle ou  plutôt une galerie ornée de statues en cire, en argent ou en marbre, des aïeux du maître de la maison avec un petit récit de leurs plus belles actions. C'est dans ce lieu qu'on attendait le maître du logis jus­qu'à ce qu'il fût visible. Cette cour, qui formait la douzième partie de la maison, dont le portique était la première, s'ap­pelait  cavum aedium ou cavœdium la seconde partie se nommait  atrium interius, ce qui signifie généralement tout le dedans de la maison.
    Toutes les maisons avaient deux étages sans y comprendre l'entresol qui était sousle premier. Dans celui-ci étaient des salles d'audience et les chambres où l'on couchait ; au second, celles où l'on mangeait et les apparte­ments des femmes. Il y avait de plus des appartements de réserve pour les étrangers qui survenaient, les Romains se faisant honneur d'exercer l'hospita­lité ; des bibliothèques, des bains qu'on plaçait toujours près des salles à man­ger, de grandes galeries enrichies de colonnes, des jardins très recherchés, des portiques pour se promener à l'om­bre; de sorte que la maison seule d'un particulier avait l'air d'une petite ville. Le foyer chez les anciens était un lieu sacré : on en voit un exemple frap­pant dans la vie de Coriolan qui se ré­fugia auprès du foyer d'un habitant d'Antium, et qui y trouva sûreté.. On ne sait pas très bien comment les Romains éta­blissaient le feu dans leurs appartements, s'ils avaient des cheminées comme nous ou de simples tuyaux par où s'élevait la fumée, ou s'ils la laissaient, s'échap­per par les fenêtres; il est tout aussi incertain si le foyer  était au milieu de la chambre, ou le long de la muraille, si l'on faisait le feu dans des vases de cuivre ou de fer, ou à même le plan­cher, comme nous le faisons. Les an­ciens auteurs, qui ont dit quelque, chose de la construction des demeures, n'ont point parlé des cheminées, ou n'en ont parlé que d'une manière vague. Ils n'ont point dit non plus qu'il y eût dans les maisons des fosses pour les néces­sités de la nature : on  sait seulement qu'il y avait des latrines publiques en divers lieux de la ville, et que les par­ticuliers avaient chez eux des vases que les esclaves allaient vider dans les cloaques.

ARTICLE LXIX.
De la Politesse et de l'Hospitalité.
Les Romains, en certaines occasions, embrassaient et recevaient; des embras­sades : pour saluer, applaudir ou ado­rer, ils portaient la main sur la bouche, et l'avançaient vers la personne ou vers la divinité. Ils avaient presque toujours la tête découverte et plus particulièrement en présence de leurs supérieurs, ou lorsqu'ils s'adressaient aux dieux. Ils marquaient leur respect envers quelqu'un en lui baisant la main. En donnant ces marques de politesse,  on ne s'inclinait pas, on ne fléchissait point le genou : cet usage n'eut lieu que longtemps après la ruine de la république. .
    Les clients, en toge blanche, venaient le matin saluer leur patron ; s'il paraissait en public, ils lui formaient un cortège et se faisaient un honneur d'être près de lui et d'écarter la foule.
    Les inférieurs se levaient lorsqu'un grand passait ou arrivait ; ils lui laissaient la place du milieu, lui donnaient la droite en marchant, s'arrêtaient à sa ren­contre et laissaient le haut du pavé li­bre, si c'était dans les rues.
    Ainsi que la plupart des peuples de l'antiquité, les Romains exerçaient l'hos­pitalité, même envers des inconnus : c'était souvent une obligation réciproque par laquelle deux personnes, quelquefois éloignées, promettaient de s'accueillir à perpétuité, elles et leurs, familles. Cette alliance seconsommait en se faisant des présents mutuels, ou en divisant une pièce de monnaie, une baguette d'ivoire dont chacun retenait une partie ; c'était la preuve et le gage d'hospitalité ; les famil­les les gardaient soigneusement : deux hôtes, quoique de nation ennemie, se rencontrant dans la mêlée, se respec­taient mutuellement.

ARTICLE LXX.
Des Voitures.
Voici les principales voitures en usage chez les Romains :
Carpentum voiture à deux roues, traînée par deux mules et destinée aux dames.
Carruca, char pour la campagne; il était à quatre roues et conduit ordinai­rement par quatre mules ou mulets ; les gens de qualité en avaient qui étaient ornés d'argent.
 Petaritum, autre char à quatre roues, dont se servaient les femmes.  
Rheda, voiture à quatre roues, traînée par huit ou dix mules, mulets ou che­vaux, deux à deux.
Bennat fourgon garni d'osier.
Soracum, voiture roulante des Gaulois
Cisium, char léger à quatre roues traîné par des mules ; dedans était un siège : cette voiture n'était point à l'usage des femmes.
Pilentum, essedum,  espèce de li­tière dans laquelle on pouvait se tenir assis, et se faire porter par des esclaves ou des mules. On donnait aussi le nom d’essedum à un chariot de guerre tiré par deux mules ou chevaux, non de front, mais l'un derrière l'autre. Les Romains et les Gaulois s'en servaient dans les cour­ses publiques.
Thensa, char de triomphe, et notam­ment ceux où l'on portait les images des dieux.
Les Romains faisaient aussi usage d'une voiture assez semblable à nos cabriolets découverts, et traînée par un cheval.
Epirrhedium, arcerra, petits chariots couverts, qui servaient à porter les vieil­lards et les malades couchés; ils étaient faits avec des planches sur lesquelles on étendait des étoffes et des habits.
Octophorum, litière portée  sur épaules par huit esclaves.
    Ce fut, dit-on,  Marius qui inventa les crochets qu'on met aux mulets pour les charger de part et d'autre.

ARTICLE LXXI
Des Peines et Supplices.
Assez ordinairement les Romains ne condamnaient les coupables qu'à une amende ; si ce délit était grave, ils in­terdisaient l'eau et le feu : c'était la formule dont on se servait pour envoyer en exil. Quant aux supplices, on se con­tentait quelquefois de battre le coupa­ble avec les verges ; si le crime était capital et que ce fût un homme libre les licteurs, après l'avoir battu de verges, lui tranchaient la tête avec la hache. Souvent, pour abréger, sous les empe­reurs, on se servait du cimeterre ; quel­quefois on précipitait le criminel du haut du roc Tarpéien. Les parricides étaient en fermés dans un sac bien cousu, avec un coq, un chien, une vipère etun singe, après quoi on les jetait dans la rivière ou dans la mer. Lorsque l'on en était trop éloigné, le coupable était brûlé vif ou exposé aux bêtes. Les exé­cutions publiques à mort ne se faisaient que de jour et hors de Rome.
    Les actes des martyrs nous appren­nent que sous les empereurs, les Romains avaient d'autres supplices : ainsi queles Grecs, ils étalaient dans les prisons divers instruments pour la tor­ture de ceux dont les crimes n'étaient pas capitaux. Outre les entravés de différentes espèces pour forcer le con­damné à garder la même attitude, qui toujours était des plus gênantes, on y voyait des potences où l'on donnait les deux estrapades, supplices encore assez; en usage dans certains pays : l’ordinaire consiste à élevé le patient par les mains liées dans le dos ; dans l’extraordinaire on le laisse tomber tout à coup qu'il puisse toucher terre ; souvent on attache des poids très lourds à ses pieds. On faisait quelquefois étendre le patient sur un chevalet,on lui arra­chait les entrailles en les dévidant sur un rouleau. On crucifiait les esclaves. La forme de la crois: était celle de la lettre T. La flagellation qui précédait ce supplice ajoutait à son ignominie. Souvent les fouets étaient armés d’osselets et de balles de plomb, ou de pointes de fer ; le patient quelquefois expirait sous les coups. Plutarque nous  apprend que l'usage exigeait que le condamné portât sa croix. On la dressait ordinairement avant de placer le crimi­nel ; quelquefois on l'y attachait avec des cordesou on l'y clouait par les pieds et par les mains. La croix avait un appui vers le milieu ; le crucifié pouvait un peu s'y soulager. Le malheureux restait en croix jusqu'à la mort ;quelquefois on lançait contre lui des lions qui le déchiraient ; souvent on plaçait des brasiers au bas de la croix, et il était brûlé à petit feu. Sénèque nous apprend que de son temps on em­palait des criminels en leur introduisant par le fondement un pieu qui sortait par la bouche.;
    Si les anciens pendaient des crimi­nels, c'était ordinairement à des arbres, onleur voilait la face, quelquefois, au lieu de les pendre par le cou, c’était par un pied ; quelquefois aussi on leur attachait des pierres au cou ; d'autres étaient .pendus par les bras, ceux-ci étaient déchirés à coups de fouets. L'ar­bre qui avait servi pour un pareil sup­plice était regardé comme maudit. Un supplice des plus ignominieux  était d'étrangler le patient ; la loi défendait d'accorder la sépulture à quiconque avait péri par ce genre de supplice.
    Les criminels étaient quelquefois tenaillés avec des tenailles rougies au feu. II y avait des malheureux que l'on sciait par le milieu du corps ; quelques étaient brûlés d'autres  plongés dans des chaudières d'eau, d'huile ou de poix bouillante. Mais c'est assez reposer l'imagination de nos lecteurs sur ces affreuses images ; ceux qui désireront en savoir davantage sur cette matière, pourront consulter l’ouvrage de H. F. Salomon de Officiis vita Rom.
                                                                                                 

Fin

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