Britannicus : Tiberies Claudius Germanicus ; 41 après J.C. à 55 après J.C.

C'est le fils de Claude et de Messaline, il était le second enfant et le seul garçon du couple. Avec la réputation de nymphomanie de sa mère, il est d'ailleurs curieux que son père n'ait jamais douté un instant de sa paternité.

Ce surnom de Britannicus lui fut transmis par son père, l'empereur Claude, qui l'avait reçu du Sénat pour les nombreuses victoires de ses généraux et légats en Grande Bretagne (c'est sous son règne que Britannia rentra dans l'empire), il était, d'ailleurs, venu en personne se pavaner pour célébrer un succès : sans combat et sans effusion de sang, il reçut en très peu de jours la soumission de l'île, revint à Rome six mois après son départ, et triompha avec le plus grand appareil. Suétone, Claude, 17.

Il eut une sœur, Octavie (Claudia Octavia), qui fut la première épouse de Néron et il avait comme aïeul immédiat Marc Antoine. Il n'avait que 14 ans lors de sa mort qui intervint seulement 4 mois après celle de son père. Dans son enfance, il avait été l'ami du futur empereur Titus, les deux enfants furent éduqués ensemble au palais impérial : «  Élevé à la cour avec Britannicus, il eut la même éducation et les mêmes maîtres.  On assure qu'à cette époque, Narcisse, affranchi de Claude, avait fait venir un devin pour tirer l'horoscope de Britannicus par l'inspection des traits du visage, et que le devin avait constamment affirmé que jamais ce jeune régnerait, mais que Titus, qui était alors auprès de lui, serait certainement élevé à l'empire….Plein de ces souvenirs, quand il fut empereur, Titus lui érigea une statue d'or dans son palais, et lui consacra une statue équestre en ivoire, que l'on promène encore aujourd'hui dans les cérémonies du cirque. »  Suétone, Titus, 2.

Il avait un an de plus que lui ; Titus était son voisin de table lorsqu'un incident lui fut fatal, il avait mangé le même plat que lui et on raconte qu'il en resta malade de longues années.

Déjà du vivant de son père, la plèbe avait manifesté sa préférence pour Néron ; en 47 après JC, lors des fêtes séculaires, alors qu'ils s'affrontaient dans une course de vitesse à cheval (calvacade troyenne), le peuple avait soutenu de la voix le futur empereur. Vu le peu d'intérêt que lui manifestait son père, on peut se demander, comme le font quelques historiens modernes, s'il avait quelque affection pour lui ?

Venons en sa disparition qui est le premier évènement pour lequel il est connu et peut-être le premier crime de Néron, le deuxième étant sa filiation avec un empereur romain et son épouse très connue : Claude et Messaline. Tout d'abord, il est bon de savoir que les historiens ne sont d'accord entre eux pour dire s'il périt assassiné ou suite à une maladie qui le terrassait souvent : l'épilepsie, elle aurait déclanché cette fois une rupture d'anévrisme. Les seuls mémorialistes qui en parlent sont Tacite et Suétone qui écrirent une cinquantaine d'années après l'évènement. Tacite a décrit en détails le meurtre :  «  C'était l'usage que les fils des princes mangeassent assis avec les autres nobles de leur âge, sous les yeux de leurs parents, à une table séparée et plus frugale. Britannicus était à l'une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n'eût été goûté par un esclave de confiance, et qu'on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni déceler le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu'on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l'esclave, fut servi à Britannicus ; mais la liqueur était trop chaude, et il ne put la boire. Avec l'eau dont on la rafraîchit, on y versa le poison, qui circula si rapidement dans ses veines qu'il lui ravit en même temps la parole et la vie. Tout se trouble autour de lui : les moins prudents s'enfuient ; ceux dont la vue pénètre plus avant demeurent immobiles, les yeux attachés sur Néron. Le prince, toujours penché sur son lit et feignant de ne rien savoir, dit que c'était un événement ordinaire, causé par l'épilepsie dont Britannicus était attaqué depuis l'enfance ; que peu à peu la vue et le sentiment lui reviendraient. Pour Agrippine, elle composait inutilement son visage : la frayeur et le trouble de son âme éclatèrent si visiblement qu'on la jugea aussi étrangère à ce crime que l'était Octavie, sueur de Britannicus : et en effet, elle voyait dans cette mort la chute de son dernier appui et l'exemple du parricide. Octavie aussi, dans un âge si jeune, avait appris à cacher sa douleur, sa tendresse, tous les mouvements de son âme. Ainsi, après un moment de silence, la gaieté du festin recommença. »  Tacite, Annales, 13, 16.

Selon Suétone, il aurait été intoxiqué par Locuste, sorcière et empoisonneuse, qui avait été graciée par Néron, il l'aurait remerciée de ce geste en lui octroyant de grands domaines.

«  Il empoisonna Britannicus parce qu'il avait la voix plus belle que la sienne, et qu'il craignait que le souvenir de son père ne lui donnât un jour de l'ascendant sur l'esprit du peuple.) La potion que lui avait administrée la célèbre empoisonneuse Locuste étant trop lente à son gré et n'ayant occasionné à Britannicus qu'une simple diarrhée, Néron appela cette femme et la frappa de sa main, l'accusant de ne lui avoir fait prendre qu'une médecine au lieu de poison. Comme elle s'excusait sur le dessein qu'elle avait eu de cacher un crime si odieux: "Crois-tu donc, lui dit-il, que je craigne la loi Julia?", et il l'obligea de composer devant lui le poison le plus prompt et le plus actif qu'il lui serait possible. Il l'essaya sur un chevreau qui n'expira que cinq heures après. Il le fit recuire à plusieurs reprises, et le donna à un marcassin qui mourut sur-le-champ. Sur l'ordre de Néron, on l'apporta dans la salle à manger et on le servit à Britannicus qui soupait avec lui. Le jeune prince tomba dès qu'il l'eut goûté. Néron dit alors aux convives que c'était une épilepsie à laquelle il était sujet. Le lendemain, par une pluie battante, il le fit ensevelir à la hâte et sans aucune pompe. Pour prix de ses services, Locuste reçut l'impunité, des terres considérables et même des disciples.  » Suétone, Néron, 33.

Il faut quand même noter qu'une mort aussi brutale n'aurait pu être provoquée à cette époque. Les toxicologues sont unanimes pour dire que l'on ne connut un poison qui entraînait un décès très rapide, le cyanure, qu'en 1782 et durant l'Antiquité, rien de foudroyant n'existait.

Mais les partisans de l'assassinat ont un argument de poids outre les récits d'historiens antiques : son corps fut brûlé (ce qui est normal pour un Romain) très rapidement ce qui fut interprété comme une dissimulation de preuves, le corps aurait porté des traces noirâtres laissées par le poison. 

La thèse officielle fut qu'il périt victime d'une crise d'épilepsie, maladie qui le rongeait ; Sénèque s'y rallia, lui qui avait tout intérêt à voir Néron, son élève régner. Agrippine ( la Jeune ) fit ce qu'il fallait pour que son fils soit élevé à la dignité suprême au décès de son époux, l'empereur Claude. (Mais, avant, en bonne opportuniste qu'elle était, elle pensa rejoindre les rangs des partisans de Britannicus.) Elle retint Britannicus au palais pour que son fils puisse aller vers les prétoriens et se faire acclamer empereur. On voit ainsi un affrontement entre deux femmes qui ont leur fils à porter au pouvoir, Messaline avait essayé en premier lieu en voulant étrangler Néron : «  Le crédit et la puissance de sa mère, lorsqu'elle fut rappelée à Rome, l'élevèrent si haut que le bruit courut que Messaline, femme de Claude, jalouse de ce qu'il était devenu le rival de Britannicus, avait aposté des gens pour l'étrangler pendant qu'il ferait sa méridienne. » Suétone, Néron, 6. Il avait violé Britannicus deux fois : une première fois, dit-on, réellement et la deuxième fois en lui prenant le trône qui lui revenait. Il a, sans doute, été le rival le plus dangereux de Néron, il avait ses propres partisans et se considérait, aux dires de Tacite, comme un prince privé de ses droits : «  Britannicus, sans se déconcerter, chanta des vers dont le sens rappelait qu'il avait été précipité du rang suprême et du trône paternel. On s'attendrit, et l'émotion fut d'autant plus visible que la nuit et la licence avaient banni la feinte. Néron comprit cette censure, et sa haine redoubla. » Annales, XIII, 15.

De son histoire tragique, Racine en fit une pièce qui fut représentée pur la première fois en 1669.

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