DES ORATEURS PARFAITS

CICERON

C, L. F. PANCKOUCKE, ÉDITEUR

TRADUCTION NOUVELLE PAR M. E. GRESLOU.

1839

INTRODUCTION.

Cicéron avait traduit les deux célèbres plaidoyers qu'Eschine et Démosthène prononcèrent l'un contre l'autre dans l'affaire de la Couronne. Cette traduction, à laquelle le morceau suivant servait de préface, ne nous est point parvenue. Son but, en traduisant ces deux discours, était de réfuter, par l'exemple des deux premiers orateurs attiques, les ennemis de son mérite et de son éloquence, à l'occasion de cette querelle sur l'atticisme, dont parle Quintilien, liv. XII , ch. 10.
Après tout ce que Cicérûn a écrit sur l'art oratoire, ce morceau serait à peu près sans intérêt, sans le passage qui nous fait connaître la manière de traduire qu'il avait adoptée. La traduction est un objet d'étude beaucoup plus important pour nous qu'il ne devait l'être pour les Latins. Pour eux, c'était plutôt un objet d'utilité que de nécessité. Nous, au contraire, avant d'y chercher un exercice propre à cultiver et à étendre l'esprit par une étude plus approfondie des modèles, nous avons à surmonter les difficultés que présente l'interprétation d'une langue que les hommes ont cessé de parler. Pline le Jeune recommande la traduction, mais comme um moyen propre à ouvrir l'esprit et à former le goût. « L'une des meilleures manières d'étudier, dit-il, et c'est l'avis de beaucoup de personnes, c'est de traduire du grec en latin. Par-là vous acquérez la justesse et la beauté de l'expression, la richesse des figures, l'abondance des développements ; et dans cette imitation des orateurs les plus excellents, vous vous appropriez l'habitude de tours et de pensées semblables aux leurs. Mille choses qui échappent à un homme qui lit, n'échappent point à'un homme qui traduit. » « Utile imprimis, etmulti prxcipiunt, ex graîco in latinum vertere : quo génère exercilationis proprietas splendorque verboruni, copia figurarum, vis explicandi, praeterea imitatione optimorum simïlia inveniendi facilitas paratur; simul quae legentem fefellissent, transferentem fugere non possunt. » (PLIN. JUN , lib. VII , epist. 9.) Mais ce n'est pas tout que de connaître les avantages de la traduction, il faut encore savoir quelles sont les règles qui doivent guider le traducteur dans les difficultés qu'elle présente, considérée non seulement comme exercice classique, mais encore comme interprétation exacte et fidèle. Que se propose-t-on en traduisant un auteur grec ou latin? de reproduire les pensées, les expressions, les images, le sentiment, en un mot, le style de l'original, sans rien ajouter, ni retrancher, ni déplacer. Il est évident qu'il faut, sinon autant de génie, du moins autant de goût pour bien traduire que pour bien composer : « Peut-être même en faut-il davantage, dit Batteux ; l'auteur qui compose, conduit par son esprit ou par son génie, et par sa matière, qui lui présente des idées qu'il peut accepter ou rejeter à son gré, est maître absolu de ses pensées et de ses expressions. Si la pensée ne lui convient pas, ou si l'expression ne convient pas à.la pensée, il peut rejeter l'une et l'autre :........ .Et quaed esperat tractata nitescere posse, relinquit.
Il abandonne tout ce que l'art ne peut présenter heureusement. Le traducteur n'est maître de rien ; il est obligé de suivre partout son auteur, et de se plier à toutes ses variations avec une souplesse infinie. »
Voilà les difficultés; quelles seront les règles? Cicéron nous dit, dans le morceau suivant : " J'ai traduit Démosthène et Eschine, non en interprète, mais en orateur. En conservant le fond de leurs pensées, je me suis appliqué:à leur donner une forme et une physionomie plus en rapport avec nos habitudes. Je ne me suis point cru obligé de rendre mot pour mot; j'ai voulu seulement reproduire le caractère, et la force des expressions : car ce n'est point le nombre des mots que je dois au lecteur, mais leur valeur réelle. " Ce passage a été cité par la plupart des rhéteurs modernes qui ont donné des préceptes sur la traduction. Quelque grande que soit l'autorité de Cicéron en pareille matière, il ne nous paraît pas avoir compris dans toute son étendue le devoir d'un traducteur : «J'ai traduit, dit-il, non en interprète, mais en orateur. » Dans ce cas, il ne traduit pas, il imite. Or, de deux choses l'une : ou la pensée de l'original ne peut être reproduite avec fidélité et élégance dans la langue du traducteur, ou elle peut l'être. Dans le premier cas, il est incontestable que, faute de mieux, il y a lieu de recourir à des équivalens ; dans le second, il faut s'asservir à la pensée de l'original, et la reproduire, comme un peintre reproduit un tableau. La difficulté consiste donc à être purement et simplement interprète: car, l'éloquence n'étant jamais dans les mots , mais dans la pensée , l'interprétation sera nécessairement éloquente si la pensée traduite est éloquente en elle-même, et si les mots qui l'expriment peuvent la porter. Enfin, la traduction suppose que le lecteur ne connaît pas la langue de l'écrivain dont il lit les ouvrages dans une traduction. L'interprétation littérale est donc le moyen le plus sûr de lui transmettre la pensée de l'original. Mais, dira-t-on, une traduction littérale ne rendra jamais les beautés d'Homère et de Virgile. Les personnes qui disent cela raisonnent fort mal. Sont-elles plus sûres et plus capables de rendre les beautés de ces grands écrivains en y substituant des beautés de leur invention ? Vous avez imité au lieu de traduire, parce qu'il ne vous a pas été possible de mieux reproduire votre original. Cela ne prouve qu'une chose : c'est qu'il est difficile d'être à la fois élégant et fidèle. Mais en cela même le sort de la traduction n'est que celui de tout ce qui demande un certain effort et une certaine science : il faut l'accepter avec ses conditions : où n'y a-t-il pas des règles à suivre et des difficultés à vaincre? Qu'on examine un moment la question d'une vue arrêtée, et les obscurités qu'on y trouve se dissiperont comme un léger brouillard.

I. On dit que l'éloquence a ses genres comme la poésie (1), c'est une erreur; la poésie admet plusieurs divisions : la tragédie, la comédie, le poëme épique, l'ode et le dithyrambe plus cultivé chez nous (2), sont des genres parfaitement distincts. Le comique ne va point à la tragédie, et le tragique fait tache dans la comédie; les autres genres aussi ont chacun le langage qui leur est propre, et comme un son de voix facile à reconnaître pour les habiles. Mais distinguer dans l'éloquence plusieurs genres, parce qu'on trouve dans certains orateurs plus d'élévation, plus de force, plus d'abondance, chez d'autres, plus de simplicité, de finesse, de concision, chez quelques autres enfin, le mélange et comme le juste milieu de ces qualités, c'est distinguer les hommes, et non diviser l'art lui-même. Dans l'examen de l'art on recherche le beau absolu; dans les hommes, leurs qualités relatives. On peut, si l'on veut, mettre Ennius au premier rang des poètes épiques, assigner le même honneur à Pacuvius dans la tragédie, et peut-être à Cécilius dans la comédie (3) : mais je n'admets pas ce partage dans l'éloquence; c'est la perfection que je cherche; or, la perfection est une; et, dans ceux qui s'en éloignent, il n'y a point différence de genre, comme entre Térence Attius (4), mais inégalité dans un même genre.

(1) La proposition de Cicéron repose sur une distinction tout-à-fait fausse. Il veut opposer l' orateur au poète, et par conséquent l'art de l'orateur à l'art du poète. Or, si l'art du poète est divisible, l'art de l'orateur est susceptible des mêmes divisions ; car si la tragédie, la comédie, l'épopée, l'ode, etc., sont des genres distincts de poésie, les panégyriques, les satires, les harangues politiques, les discours judiciaires, etc. , doivent être, par la même raison, considérés comme des genres distincts. De plus, cette distinction qu'il établit pour la poésie est précisément la même que tous les rhéteurs anciens, et Cicéron lui-même, ont établie pour l'éloquence, en la divisant en démonstrative, délibérative et judiciaire. Dans tous les cas, ce qu'il dit de l'orateur ne peut s'appliquer au poète, puisqu'il considère l'éloquence sous un rapport et la poésie sous un autre, ou plutôt qu'il considère la poésie en général, tandis qu'il ne traite que d'une éloquence particulière, celle de l'orateur du forum.

(2) Il nous paraît évident que le texte est altéré dans cet endroit, et nous serions tout disposés à admettre la conjecture de Muret, qui propose de refaire ainsi la phrase : « Dithyramhici quod magis est tractatum a Graecis quam a Latinis. » Mais ces sortes de restitutions sont assez inutiles et presque toujours hasardées. D'après ce que nous savons de la littérature latine, Cicéron se trompe quand il dit que la poésie dithyrambique a été plus cultivée dans son pays que dans la Grèce : cette assertion nous paraît contraire à la vérité, surtout au temps où il écrivait. Nous croyons même qu'au siècle d'Auguste, Rome était inférieure, sous ce rapport, à la pairie de Sapho, d'Anacréon, de Pindare, de Stésichore et d'Alcée. On sait assez qu'Horace est le seul grand lyrique des Latins, et qu'il a toujours invoqué la musé grecque.

(3) Q. Ennius avait composé en vers héroïques les Annales de Rome; il avait aussi célébré les victoires du premier Scipion l'Africain. Ce poète était né dans la Calabre, l'an 514 ou 516 de Rome, et mourut âgé de soixante-dix ans. Voyez AURELIUS VICTOR , Hommes illustres, ch. XLVII; AULU-GELLE , liv.XVII, ch. 21; CICÉRON , de la Vieillesse, ch.XII; pour le poète Archias, ch. XXII; HORACE, Odes, liv. IV, ode 8 ; QUiNTILIEN , Instit. oral., liv. X. Cecilius et Pacuvius vécurent du temps d'Ennius, plus jeunes pourtant que lui. Le premier, né, selon quelques-uns, à Milan, était un poète comique. Le second, neveu d'Ennius, était de Brindes. Il fut en même temps peintre et poète. Il se distingua particulièrement dans la tragédie. Voyez EUSÈBE, Chronique ;
CICÉRON, Brutus, ch. CCLVIII; de l'amitié, ch.XXIV.

(4) L. Attius ou Accius était fils d'un affranchi. Il fît représenter quelques tragédies du vivant de Pacuvius, quoiqu'il fût plus jeune que lui de cinquante ans. Ce poète était l'ami de D. Junius Brùtus, qui le premier porta les armes romaines en Espagne jusqu'à l'Océan. Attius composa en son honneur des vers, dont ce général orna le vestibule du temple qu'il fit bâtir comme monument de ses victoires. Voyez EUSÈBE , Chronique ; ALU-GELLE , liv I. ch. 13; VALÈRE IMAXIME, hv. VIII, ch. 14.

Le parfait orateur est celui dont la parole plaît, instruit et touche (1). Instruire est obligatoire, plaire est glorieux, toucher nécessaire. Que certains orateurs soient en cela plus forts que d'autres, j'en conviens; mais la différence est dans le degré, non dans le genre. La perfection est une, et le meilleur, après elle, est ce qui s'en rapproche le plus : d'où il résulte évidemment que le pire est ce qui s'écarte le plus de la perfection.

(1) Fénelon, dans ses Dialogues sur l'éloquence, enseigne que l'orateur doit prouver, peindre et toucher. Pour prouver, il veut que son orateur soit un philosophe qui sache éclairer l'esprit, tandis qu'il touche le coeur et agit sur toute l'âme, non seulement en lui montrant la vérité pour la faire admirer, mais encore en remuant tous ses ressorts pour la faire aimer ; en un mot, qu'il soit rempli de vérités pures et lumineuses et de sentimens nobles et élevés. Pour peindre, il veut bien qu'un orateur ait de l'enthousiasme comme les poètes, qu'il emploie des figures ornées, des images vives et des traits hardis, lorsque le sujet le demande; mais il veut que partout l'art se cache, ou du moins paraisse si naturel, qu'il ne soit qu'une expression vive de la nature. Il rejette, par conséquent, tous ces faux omernents qui n'ont pour but que de flatter l'oreille par des sons harmonieiîx, et l'imagination par des idées plus brillantes que solides. Il condamne non seulement tous les jeux de mots, mais encore tous les jeux de pensées qui ne tendent qu'à faire admirer le bel esprit de l'orateur. Pour toucher, il veut qu'on mette chaque vérité dans sa place, et qu'on les enchaîne tellement, que les premières préparent les secondes, que les secondes contiennent les premières, et que le discours aille toujours en croissant, jusqu'à ce que l'auditeur sente le poids et la force de la vérité : alors il faut déployer les images vives, et mettre dans les paroles et l'action du corps, tous les mouvements propres à exprimer les passions qu!on veut exciter.

II. Car, puisque les mots et les pensées font l'éloquence (1), nous devons, après la correction et la pureté du langage, chercher encore l'élégance dans les expressions propres ou figurées. Pour les mots propres, il faut choisir les plus convenables; pour les mots figurés, suivre l'analogie, faire un sage emploi des métaphores. Quant aux pensées, on les partage en autant de genres que nous avons assigné de qualités à l'orateur: pour instruire, elles seront vives; pour plaire, piquantes; pour toucher, graves et fortes. Il y a de plus un heureux arrangement de mots qui produit deux choses, l'harmonie et la douceur; de même, il est pour les pensées une disposition favorable et un certain ordre propre à la persuasion. Mais l'édifice tout entier a pour fondement la mémoire, et pour lumière l'action, Ces conditions, réunies au plus haut degré, constituent l'orateur parfait; à un degré moyen, l'orateur médiocre; au plus bas degré possible, le mauvais orateur : ce qui n'empêchera pas de leur laisser à tous le même nom, comme on appelle peintres même les plus mauvais; et ce ne sera pas le genre, mais le talent qui fera leur différence.

(1) «L'homme, dit M. de Bonald, est esprit et corps;.le style,considéré comme expression, sera donc idées et images : idées, qui sont la représentation d'objets intellectuels ; images, qui sont la représentation ou la figure d'objets sensibles et corporels. Un bon style consiste dans un heureux mélangé de ces deux objets de nos pensées, comme l'homme lui-même, dans toute la perfection de son être, est formé de l'union des deux substances, et réunit à une intelligence étendue des organes capables de la servir. Mais,1'homme n'est pas seulement intelligence et imagination, il est encore doué de la faculté d'éprouver des sentimens. Bossuet,
par exemple, est presque toujours orateur par la pensée, poète par le sentiment peintre par l'image. Ainsi, idées, sentiment, images, voilà tout le style. »

Il n'est point d'orateur qui ne veuille ressembler à Démosthène; mais Ménandre n'a jamais souhaité de ressembler à Homère; son genre était différent. Il n'en est pas de même pour les orateurs ; ou du moins, si quelques-uns, dédaignant la simplicité, n'aiment que la grandeur et la pompe, tandis que d'autres cherchent plutôt la finesse que l'éclat, quoiqu'ils puissent avoir assez de mérite dans leur genre, ils sont loin pourtant de la perfection, puisque la perfection réunit tous les genres de qualités.

III. Je n'ai point donné sans doute à cette idée le développement qu'elle mérite ; mais l'objet que je me propose n'en demandait pas davantage. Il n'y a qu'une seule éloquence, avons-nous dit; quelle est-elle donc'? C'est celle qu'on a vue fleurir à Athènes. Depuis, la gloire des orateurs attiques est bien connue, mais non pas leur génie. On a pu remarquer assez généralement, d'un côté, qu'ils étaient sans défaut; mais, de l'autre, bien peu de gens ont compris tout ce qu'ils avaient de belles qualités. Pour la pensée, les défauts sont l'inconséquence, la disparate, la trivialité, la sottise; pour l'expression, la grossièreté, la bassesse, l'impropriété, la dureté, le manque de naturel. Aucun de ces défauts ne se rencontre dans les orateurs attiques, ni dans ceux qui les prennent pour modèles. Si c'est là tout leur mérite, il faut les regarder comme des athlètes, sains de corps et bien portans, plus propres toutefois à s'exercer dans un gymnase qu'à disputer la couronne aux jeux Olympiques. Mais ceux qui, exempts de défauts, n'ont pas assez d'un tempérament sain, et veulent y joindre la force, la vigueur, l'énergie du sang, et le doux coloris d'une vie puissante, voilà nos modèles; si nous ne pouvons les égaler, du moins devons-nous essayer d'acquérir cette santé parfaite qui est le propre caractère des attiques, plutôt que l'embonpoint vicieux qui se rencontre généralement chez les orateturs d'Asie. Arrivés là, si toutefois nous pouvons atteindre ce mérite déjà fort grand, nous imiterons, s'il se peut, Lysias (1), surtout dans sa simplicité; car il s'élève en beaucoup d'endroits ; mais, comme la plus grande partie de ses plaidoyers ont été écrits pour d'autres, et ne roulent que sur des intérêts privés et de faible importance, on lui trouve peu d'élévation, par la raison que lui-même a volontairement mis son talent à la mesure de ces petites causes.

(1) Lysias était, originairede Syracuse , mais né à Athènes. A l'âge de quinze aîis, il passa à Thurium, en Italie, avec deux de ses frères, dans la nouvelle Colonie qui allait s'y établir. Il y demeura jusqu'à la défaite des Atliéniens devant Syracuse, et il retourna alors à Athènes, âgé de quarante-huit ans. Il est regardé comme le plus élégant, et le plus gracieux des orateurs grecs. Il s'est exercé sur des sujets bien peu favorables à l'éloquence. Il ne plaidait pas lui-même, mais composait des plaidoyers pour les particuliers qui avaient des procès, et ces plaidoyers roulent presque tous sur de très-petites causes. Un des principaux avantages qu'on puisse retirer aujourd'hui de ses discours, c'est la connaissance des moeurs et des usages des Athéniens. Il mourut dans un âge fort avancé, l'an 374 avant J.-G. Nous avons de lui trente-quatre harangues.

IV. Celui qui sera parvenu à l'imiter, sans pouvoir toutefois se donner plus de vigueur au besoin, ne laissera pas d'être compté parmi les orateurs, mais parmi ceux du second ordre. Un grand orateur est souvent obligé de parler comme Lysias dans les causes pareilles à celles qu'il a traitées : Démosthène, sans nul doute, peut descendre jusqu'à la simplicité; il sera peut-être impossible à Lysias de s'élever jusqu'au sublime. Mais croire qu'en présence d'une armée occupant la place publique et les degrés de tous les temples qui l'entourent, il fallait plaider la cause de Milon comme une affaire particulière devant un seul juge, c'est prendre la mesure de l'éloquence dans son talent, et non point en elle-même. J'entends beaucoup de gens qui disent," Nous sommes attiques" et d'autres qui soutiennent qu'il n'est pas donné à un Romain de l'être; je laisse de côté les premiers, suffisamment réfutés par le fait même , puisque personne ne les emploie, ou que si le contraire arrive, ils ne provoquent jamais qu'un rire moqueur, au lieu de ce sourire d'approbation qu'exciterait une éloquence attique. Quant à ceux qui soutiennent que nous ne pouvons pas prétendre à l'atticisme (1) et ne se donnent pas eux-mêmes pour orateurs, s'ils ont de l'oreille et du goût, prenons-les pour juges, comme on consulte, sur le mérite d'une peinture, des gens qui, sans savoir faire un tableau, ne manquent pas du tact nécessaire pour apprécier une oeuvre d'art.

(1) Quintilien nous met au courant de cette grande discussion sur l'atticisme, ch. 10 du liv. XII de l'Institution oratoire . «Il est vrai, dit-il, que ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on dislingue deux sortes de style, l'asiatique et l'attique : celui-ci serré, pur et sain; celui-là, au contraire, enflé, mais vide : l'un n'ayant rien de superflu ; l'autre manquant souvent de justesse, et né gardant ni bornes ni mesures , etc. » Il paraît, d'après ce que dit Quintilièn au même endroit, que l'envie reprochait à Cicéron un style ampoulé, un style asiatique, trop diffus et plein de répétitions. « Vous eussiez dit, ajoute Quintilièn, une secte de gens initiés à certains mystères, qui regardaient Cicéron comme un étranger imbu des superstitions de son pays, et qui ne pouvait pas s'en départir. C'est pourquoi encore aujourd'hui, ces froids orateurs dont la composition n'a ni substance, ni forcé , ni nourriture (car ce sont eux qui traitent la maigreur de santé, quoique ce soit tout le contraire), encore à présent, dis-je, ces orateurs, que la vive lumière de l'éloquence de Cicéron éblouit, comme celle du soleil, s'érigent en zélés défenseurs
del'atticisme , croyant se sauver à la faveur de ce grand mot. »

Si, au contraire, leur goût ne consiste qu'à refuser de nous entendre, si une haute et sublime éloquence n'a pour eux aucun charme, qu'ils nous disent alors que la correction et la simplicité leur plaisent mieux que la richesse et l'élévation du style; mais qu'ils cessent de prétendre que la simplicité seule fait l'atticisme, qui ne serait alors que la justesse et la pureté : car à cette pureté les attiques joignent encore l'élévation, la pompe, la plénitude. Quoi donc? nos orateurs seraient-ils en doute de savoir s'ils doivent se rendre seulement supportables, ou viser même à l'admiration? car il ne s'agit plus de l'atticisme, mais de la perfection dans l'éloquence. Or, l'on comprend très bien que si, parmi les orateurs de la Grèce, les plus grands sont ceux d'Athènes, et que, de ces derniers, Démosthène soit sans contredit le plus admirable (1), ceux qui sauront l'imiter atteindront véritablement l'atticisme, et, par conséquent, la perfection, puisque nous savons que, les orateurs attiques étant nos modèles, la perfection n'est pas autre chose que l'atticisme.

(1) On a souvent comparé Démosthène et Cicéron; mais personne n'a su mieux apprécier ces deux orateurs que Fénelon dans sa Lettre sur l'éloquence : « Je ne crains pas d'avancer, dit-il, que Démosthèneme paraît supérieur à Cicéron. Je proteste que personne n'admire plus Çiçéron que je ne fais ; il embellit tout ce qu'il touche : il fait honneur à la parole ; il fait des mots ce qu'un autre n'en saurait faire ; il a je ne sais combien de sortes d'esprit; il est même court et véhément toutes les fois qu'il veut l'être contre Verres, contre Catilina, contre Antoine. Mais on remarque quelque parure dans son discours; l'art y est merveilleux, mais on l'entrevoit; l'orateur, en pensant au salut de la république, ne s'oublie pas et ne selaisse point-oublier. Démosthène paraît sortir de soi et ne voir que la patrie. Il ne cherche point le beau; il le fait sans y .penser; il est au dessus de l'admiration. Il se sert de la parole comme un homme modeste se sert de son vêtement pour se couvrir. Il tonne, il foudroie; c'est un torrent qui entraîne tout. On ne peut le critiquer, parce qu'on est saisi ; on pense aux choses qu'il dit, et non à ses paroles. On le perd de vue; on n'est occupé que de Philippe, qui envahit tout. Je suis charmé de ces deux orateurs ; mais j'avoue que je suis moins touché de l'art infini et de la magnifique éloquence de Cicéron que de la rapide simplicité de Démosthène. L'art se décrédite lui-même, il se trahit en se montrant. »

V. Mais, comme on connaît fort peu la nature de cette éloquence, j'ai cru devoir entreprendre, dans l'intérêt de ceux qui s'y adonnent, un travail sans utilité pour moi même. J'ai traduit les célèbres plaidoyers que les deux princes de l'éloquence attique, Eschine et Démosthène, ont prononcés l'un contre l'autre. Ce n'est pas l'oeuvre d'un interprète, mais d'un orateur. En conservant le fond de leurs pensées, je me suis appliqué à leur donner une forme et une physionomie plus en rapport avec nos habitudes. Je ne me suis pas cru obligé de rendre mot pour mot, j'ai voulu seulement, reproduire le caractère et la force des expressions; car ce n'est point le nombre des mots que je dois au lecteur, mais leur valeur réelle. Le résultat de ce travail sera de faire connaître aux Romains les conditions qu'ils doivent exiger de ceux qui prétendent à l'atticisme, et de leur montrer le type d'éloquence auquel ils doivent sans cesse les rappeler. Mais ou me parlera de Thucydide; car il est des gens qui admirent son éloquence. Je les approuve beaucoup en cela; mais Thucydide n'a rien à faire dans la question qui nous occupe. Car autre chose est de raconter des faits, autre chose d'accuser ou de défendre dans une plaidoirie ; autre chose est d'intéresser le lecteur dans un récit, et d'exciter ses passions. Mais, dira-t-on, il écrit bien. Ecrit-il mieux que Platon? Toujours est-il vrai que la perfection n'existe, pour l'orateur dont nous cherchons le modèle, qu'à la condition d'instruire, de plaire et de toucher dans ses plaidoiries.

VI. Un orateur qui aurait la prétention d'employer au forum le style de Thucydide prouverait, par-là, qu'il ne se doute même pas du genre d'éloquence qui convient à la tribune et au barreau (1). Je suis, autant qu'un autre admirateur de Thucydide; mais Isocrate même, dont le divin Platon, qui fut presque son contemporain, fait un si magnifique éloge dans son Phèdre, par la bouche de Socrate, et que tous les savans regardent comme un très grand orateur, ne me paraît pas même digne de ce nom.

(1) Démosthène se forma pourtant sur le style de Thucydide, dont il copia huit fois l'histoire, et sur les écrits de Platon, dont il fit une étude particulière. Voyez, au reste, avec quel mépris notre auteur parle des Thucydidiens, au livre de l'Orateur, ch. IX : « Mais, dit-il, en voici d'autres qui font profession d'appartenir à l'école de Thucydide, nouvelle secte d'ignorans jusqu'à ce jour inconnus. Les partisans de Lysias ont du moins cet avantage, qu'ils prennent pour maître un avocat qui, sans jamais atteindre au sublime, a du reste assez d'élégance et de grâce pour soutenir l'épreuve du barreau. Mais Thucydide, avec ses récits de guerres et de batailles, malgré sa gravité et sa noblesse, ne peut nullement nous servir dans les débats judiciaires. Qu'on me cite enfin un rhéteur grec qui ait pris un seul exemple dans Thucydide ? Cependant tous l'ont loué. Oui , mais comme un politique profond, judicieux, exact, plus fait pour être l'historien d'une guerre que l'avocat d'une cause. Est-ce la force de ses pensées et de son expression qu'on imite aujourd'hui? Non : il suffit à ces copistes de quelques phrases tronquées et rudes, qu'ils écriraient sans maîtres, pour se croire de vrais Thucydides.

Ce n'est point l'homme de la lutte et des champs de bataille ; son style n'est qu'une arme de parade et de simple escrime (1). Pour moi, je veux, s'il est permis de comparer les petites choses aux grandes, mettre en scène les deux plus célèbres gladiateurs connus.

(1) Voyez, sur Isocrate, un jugement plus complet et plus développé, au livre de l'Orateur, ch. XIII. Là, Cicéron se montre plus favorable à Isocrate ; il cite en sa faveur l'imposant témoin gnage de Platon (voyez le Phèdre) ; cependant il finit par dire, comme ici, que son éloquence est plus propre au genre démonstratif qu'au judiciaire , à la représentation qu'à l'action, aux déclamations du sophiste qu'aux plaidoiries de l'avocat. Démosthène était élève d'Isée, orateur plus mâle et plus vigoureux qu'Isocrate; mais il admirait les heureuses qualités de ce dernier, sa pureté, sa grâce, sa molle et douce élégance ; il fit même beaucoup d'efforts pour se les approprier. Hermippus, cité par Plutarque, prétend, sur l'autorité de Ctésihius, que Démosthène avait eu secrètement, par Callias de Syracuse, et par d'autres , communication des préceptes d'Isocrate sur la rhétorique, et qu'il les avait lus avec fruit. Denys d'Halicarnasse a porté sur Isocrate un jugement qui peut sembler sévère. Philostrate, dans sa Vie des sophistes, nous paraît l'avoir mieux apprécié.

C'est Eschine, qui, comme l'Eserninus de Lucile,

«Rival non vulgaire, mais, au contraire, plein d'adresse et de vigueur, va se mesurer avec Pacideianus (1), le premier des hommes.... »

Car je neconnais rien de comparable à ce Pacideianus de l'éloquence. On peut me faire sur ce travail deux objections : la première, que ces discours valent mieux en grec. Sur quoi je demanderai si les auteurs mêmes pourraient mieux faire en latin. La seconde, pourquoi, dira-t-on, lirai-je plutôt la traduction que le grec même ? Ceux qui diront cela lisent l'Andrienne et les Synéphèbes, Térence et Cécilius, aussi bien que Méuandre (2). Il leur faut donc rejeter aussi l'Androtnaque, l'Antiope, les Epigones, écrits en latin? Mais puisqu'ils lisent Ennius, et Pacuvius et Attius, plus volontiers qu'Euripide et Sophocle, pourquoi des discours traduits du grec leur plairaient-ils moins que des vers traduits de la même langue?

(1) Il s'agit de deux gladiateurs célèbres par les vers d'un poète latin nommé Lucilius ou Lucile. Cicéron ( Tusculanes, liv. IV, ch 21) une lettre à son frère Quintus (Lettres famil., liv. m , lett. 4).

(2) (On peut voir dans Rollin, Histoire ancienne, t. v, tout ce qui regarde l'ancienne, la moyenne et la nouvelle comédie.) Au jugement de Quintilien, ce poète a effacé tous ceux qui ont écrit avant lui dans le même genre: « Ille quidem omnibus ejusdem operis auctoribus abstulit nomen, et fulgore quodam suoe claritatis tenebras obduxit. » (QUINTIL. , lib. II, c. 23.) Térenee n'a presque fait que copier ses pièces. Aulu-Gelle nous a conservé quelques endroits de Ménandre imités par Cécilius. A la première lecture, il avait trouvé les vers de celui-ci fort beaux ; mais il avoue que, dès qu'il les eut comparés avec ceux du poète grec , toute leur beauté disparut, et qu'ils lui parurent pitoyables. De ces pièces, tragédies ou comédies, dont Cicéron cite en cet endroit les titres, il nous reste l'Andrienne et les Synéphèbes. Mais l'Andromaque, l'Antiope et les Epigones ont subi le sort de l'ancienne tragédie latine, qui est toute perdue, sauf quelques légers fragmens. On appelait guerre des Epigones ou des descendans, la guerre que les enfans des sept chefs morts devant Thèbes entreprirent après le premier siège de cette ville par Polynice, fils d'OEdipe.

VII. Mais, pour arriver au but de notre entreprise, exposons d'abord la matière de ce grand procès. Une loi d'Athènes défendait de porter devant le peuple la proposition de décerner une couronne à un magistrat qui n'aurait pas encore rendu ses comptes ; une autre loi voulait que les couronnes accordées par le peuple fussent décernées en assemblée publique, et que celles décernées par le sénat le fussent dans le sénat même. Démosthène, chargé de relever les murs d'Athènes, avait fait faire ce travail à ses frais. Avant qu'il eût rendu ses comptes, Clésiphon proposa un décret (1) tendant à ce qu'une couronne d'or lui fût décernée au théâtre, devant le peuple réuni, quoique ce ne fût pas le lieu d'assemblée désigné par la loi; et, de plus, il voulait faire proclamer que Démosthène recevait cette couronne pour prix de sa vertu et de l'amour qu'il portait au peuple athénien. Eschine intenta un procès à Ctésiphon pour avoir voulu, par un décret illégal, faire décerner une couronne à un magistrat qui n'avait pas rendu ses comptes, et la lui faire décerner au théâtre ; et de plus, pour avoir faussement exalté sa vertu et son patriotisme, puisque Démosthène n'était ni un honnête homme, ni un bon citoyen. Cette cause n'a que peu de rapport avec nos habitudes, mais elle est grande et imposante. Elle offre de chaque côté une riche matière à l'interprétation des lois, et une discussion brillante sur les services rendus à l'état. Le but d'Eschine, à qui Démosthène avait intenté précédemment un procès capital pour prévarication dans son ambassade (2), était de s'en venger, en mettant en jugement, sous le nom de Ctésiphon, toute la conduite et la réputation de sou rival.

(1) Suivant l'auteur des Viesdes dix orateurs, qui se trouvent dans les Oeuvres morales de Plutarque, Démosthène fut couronné plusieurs fois, la première sur la proposition de Démonicles, fils d'Aristonicus, fils d'Hypéride, et la seconde sur le décret de Ctésiphon. Suivant le même auteur, Démosthène avait dépensé cent mines d'argent de son bien dans la réparation des murailles; mais il n'avait point fait tout l'ouvrage à ses frais, comme le dit ici l'orateur romain. Il avait employé d'abord la partie des revenus publics destinée à cet effet, et les contributions des alliés qu'il avait lui-même recueillies dans chaque ville. Il avait, à la suite de son commissariat, dépensé une bien plus forte somme pour les spectacles et les jeux.

(2) Nous avons le discours de Démosthène sur la fausse ambassade et la réponse d'Eschine : mais il n'est pas sûr que ce procès ait été poussé jusqu'au jugement, ni que les deux discours aient été prononcés. Quant au fait qui leur aurait donné lieu, les historiens ne sont pas d'accord : Plutarque, dans la Vie de Démosthène, prétend que Philippe ne répondit qu'au discours de cet orateur qui était venu, lui dixième, en ambassade auprès de lui, mais qu'il ne lui témoigna pas la même bienveillance qu'à ses collègues, et qu'il réserva pour Eschine et pour Philocrate les plus grandes marques de son affection. De là, dit le même biographe , le dépit et la jalousie qui porta Démosthène à intenter à Eschine un procès en trahison. Mais cette manière de présenter le fait est contestable ; car Eschine dit de lui-même, dans son discours sur la fausse Ambassade, ce que Plutarque a rapporté de Démosthène : « Philippe, dit Eschine, s'arrêta long-temps sur mon discours, et avec justice, parce que je n'avais rien omis de ce que demandait le sujet que je traitais : aussi m'adressa-t-il plusieurs fois la parole. Pour Démosthène, le roi ne lui dit pas un seul mot, ce qui fut pour cet orateur la cause du plus vif chagrin. » Au reste, on ne sait rien de positif sur l'issue de cette affaire ; et puisque, dès le temps de Plutarque, on était dans la même ignorance à cet égard, il serait inutile de chercher à décider la question. Le procès, du reste, a dû être plaidé la deuxième année de la 109 ième olympiade, si tant est qu'il ait été plaidé; Démosthène avait alors trente-neuf ans.

Aussi s'attacha-t-il moins à la non-reddition des comptes qu'aux honneurs accordés à la vertu d'un homme qu'il regardait, lui, comme un mauvais citoyen. Ce procès fut intenté par Eschine à Ctésiphon quatre ans avant la mort de Philippe de Macédoine (1); mais il ne fut jugé que plusieurs années après, et lorsque Alexandre était déjà maître de l'Asie.

(1) Il avait commencé, dit Plutarque, peu de temps avant la bataille de Chéronée, sous l'archontat de Charondas, la troisième année de la 110 ième olympiade :
il fut jugé, non pas dix ans, comme le prétend le même auteur, mais huit ans après, la troisième année de la 112 ième olympiade,
sous l'archontat d'Aristophon, suivant le calcul du P. Corsini, qui explique l'erreur de Plutarque (voyez Fastes attiques, t. ïv, p. 3g et 44)- Démosthène avait alors environ cinquante-deux ans.

On dit que la Grèce entière était accourue pour y assister (1). Quoi de plus solennel, en effet, et quel plus grand objet pour les yeux et pour les oreilles, que cette lutte des deux plus admirâbles orateurs, dans une affaire de cette importance, où chacun d'eux apportait des armes si bien préparées et une haine si puissante?Si, comme je l'espère, je suis parvenu à rendre leurs discours sans en altérer les beautés (2), c'est-à-dire en conservant la forme et la suite des idées, ne m'attachant aux expressions qu'autant qu'elles ne sont point contraires à nos habitudes, et cherchant à remplacer par des équivalens celles que je n'ai pas traduites, les amateurs de l'éloquence attique auront du moins un modèle à imiter dans leurs propres compositions. Mais c'est assez parler de moi ; il est temps d'entendre Eschine lui-même s'exprimer en notre langue.

(1) Cicéron oublie une des plus remarquables circonstances de ce procès, le courage des juges qui parut dans le jugement même qu'ils rendirent : « Jamais cause publique n'eut plus de célébrité, dit Plutarque , tant par la réputation des orateurs que par le courage des juges. Quoique les accusateurs de Démosthène, soutenus de tout le crédit des Macédoniens, eussent le plus grand pouvoir, les juges, loin de donner leurs suffrages contre lui prononcèrent si généreusement son absolution, qu'Eschine n'eut pas pour lui le cinquième des voix. Honteux de sa défaite, il sortit aussitôt de la ville après le jugement, et passa le reste de ses jours à Bliodes et dans ITonie, où il donna des leçons d'éloquence. »

(2) C'est ce dont il nous est impossible de juger aujourd'hui. Les deux discours originaux nous restent; mais la traduction paraît perdue depuis bien des siècles.
Elle exisiait encore au temps de saint Jérôme. Quant à la date où elle fut composée, il n'est point facile de la fixer exactement. Il est certain , comme on l'a dit, que le discours qui lui servait de préface, et que nous donnons ici, n'a pu être composé qu'après le procès de Milon, puisque notre auteur le rappelle. Il est assez naturel de croire que la traduction et la préface ont été composées à l'occasion de cette discussion sur l'atticisme dont parle Quintilièn (lnstit. orat., liv. xn , ch. 10), c'est-à-dire vers l'an-707 ou 708. Plusieurs ouvrages de Cicéron, écrits à la même époque, sont remplis de ces mêmes disputes sur le meilleur genre d'éloquence. Il s'était formé une nouvelle école d'orateurs qui affectaient beaucoup de mépris pour Cicéron, et le rangeaient parmi les orateurs d'Asie, en se donnant à eux-mêmes le nom d'attiques. Ce grand homme avait ainsi à défendre tout à la fois l'éloquence et sa propre gloire contre ces novateurs, dont l'audace et les tristes progrès sont justement flétris dans les ouvrages de Quintilien et dans le "Dialogue sur les orateurs illustres".

FIN DE L'OUVRAGE

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