Domus Aurea 

 

Domus Aurea : - « Demeure digne d’un roi-dieu oriental qui manifeste son retournement complet par rapport aux valeurs civiques traditionnelles. » Nathalie de Chaisemartin, « Rome, paysage urbain et idéologie », Armand Colin.

-  « …domaine privé, situé au cœur de la capitale, …entraîne des modifications dans les rapports de l’empereur et de la ville. » Catherine Bustany, Noëlle Géroudet, « Rome, maîtrise de l’espace, maîtrise du pouvoir », Seli Arsan.

C’était le palais de l’empereur Néron après qu’il eut résidé dans la Domus Transitoria. Ce fut le coeur esthétique de son règne car ce palais fut conçu selon ses désirs.

 « Ce fut surtout dans ses constructions qu'il se montra dissipateur. Il étendit son palais depuis le mont Palatin jusqu'aux Esquilies. Il l'appela d'abord "le Passage". Mais, le feu l'ayant consumé, il le rebâtit, et l'appela "la Maison dorée". » « Non in alia re tamen damnosior quam in aedificando domum a Palatio Esquilias usque fecit, quam primo transitoriam, mox incendio absumptam restitutamque auream nominauit. De cuius spatio atque cultu suffecerit haec rettulisse. »  Suétone, Néron, 31, 1.

---> Gravure sur cuivre, Bartoli,1699.

C’était un immense édifice qu’il fit construire sur les ruines de Rome, détruite en grande partie par l’incendie de 64 après J.C.. Il s’étendait sur 50 hectares, il couvrait à peu près le tiers de la ville de Rome. Mais plus qu’un palais, la « maison dorée » était une série de bâtiments, reliés entre eux par des portiques, Néron avait voulu recréer une grande habitation campagnarde dans la ville. La résidence de l’empereur se trouvait sur le Mons Oppius, au sud du portique de Livie et le centre de la Domus Aurea était constitué par un lac artificiel qui, plus tard, après la destruction de cette maison incongrue (tous les auteurs antiques furent très ironiques sinon acerbes contre cet édifice, Tacite écrivit même qu’il (Néron) transgressait les lois sacrées de la nature en créant une campagne artificielle dans la ville) fut occupé, après son assèchement par le Colisée.

Deux architectes, Severus et Celer, dont on ne sait rien, peut-être étaient-ils esclaves, affranchis ou hommes libres, furent choisis pour diriger et ordonner les travaux, ils en firent surtout les plans ; tous deux créèrent un nouveau style architectural qui n’avait plus rien à voir avec l’art grec mais était typiquement romain, ils s’appuyèrent, en particulier, sur la notion d’arches. Néron fit élever de hautes arcades de chaque coté de la Via Sacra pour la transformer ainsi en avenue qui conduisait au vestibule de son palais.

« Pour en faire connaître l'étendue et la magnificence, il suffira de dire que, dans le vestibule, la statue colossale de Néron s'élevait de cent vingt pieds de haut; que les portiques à trois rangs de colonnes avaient un mille de longueur… » Suétone, Néron, 31.

 Les arches commençaient juste à l’Est de la basilique Emilia. La construction de ce vestibule obligea donc la Via Sacra a traversé la Velia. Dans son entée trônait la très haute statue de Néron  (37 mètres) que l’on retrouva plus tard devant le Colisée avec pour seul changement la tête qui fut remplacée par celle d’Apollon, cette immense statue, sculptée par le grec Zenodore se voulait être à l’imitation du Colosse de Rhodes. Au-delà, on pouvait découvrir un parc gigantesque dans lequel des animaux sauvages s’ébattaient librement, il était agrémenté d’un lac. C’est en ce lieu, comme il a été dit plus haut, que Vespasien fit construire le Colisée. A la place de ce vestibule, qu’Hadrien fit détruire, il fut élevé le temple de Vénus et de Rome.  Pour la décoration de la Domus Aurea, Néron fit venir du monde entier des centaines d’œuvres d’art.

« Plusieurs artistes ont représenté les combats d'Attale et d'Eumène contre les Gaulois : lsigone, Phyromaque, Stratonicus, Antigone, qui a composé des livres sur la statuaire. Boethus, quoique ayant mieux réussi dans la ciselure en argent, a faite un très bel enfant qui étrangle une oie. De toutes les figures dont j'ai parlé, les plus célèbres sont désormais dédiées par l'empereur Vespasien dans le temple de la Paix et dans les autres monuments qu'il a élevés: elles avaient été enlevées violemment par Néron, apportées à Rome, et disposées dans les boudoirs de sa maison dorée. » Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 84.

Donc, de nombreuses statues furent accaparées dont la célèbre vache de Myron qui fut par la suite exposée sur le forum pacis. Tous les objets présents étaient faits de matière précieuse. Le peintre Fabullus, qui ne travaillait que quelques heures par jour et toujours habillé d’une toge, décora de nombreuses pièces.

Le style des fresques, ornant les murs, donna naissances à un art délicat nommé « grotesques » et de nombreux artistes de la Renaissance (Raphaël en autres) s’en inspirèrent dans leurs œuvres.

Dans la résidence, elle-même, l’aile orientale servait pour les réceptions publiques tandis que l’aile occidentale était la partie d’habitation où logeait l’empereur, le maître mot de cette œuvre était raffinement. Cette aile EST racontait l'histoire de Troie, le siège troyen était profondément ancré dans l'imaginaire de l'empereur. La pièce principale était une salle de cérémonie qui servait de salle à manger et qui tournait sur elle-même pour imiter les révolutions de la Terre (des archéologues d'Aix en Provence ont découvert en automne 2009 le pilier qui la faisait tourner qui devait être mu par un système hydraulique). Son plafond, en ivoire, était décoré d’étoiles et se voulait être une imitation de la voûte céleste ; à travers lui pouvait pleuvoir sur les dîneurs  (grâce à des espèces de tuyaux qui le transperçaient) des aspersions de parfums ou des pluies de pétales de fleurs.

« Lorsque après l'avoir achevé, Néron inaugura son palais, tout l'éloge qu'il en fit se réduisit à ces mots: "Je commence enfin à être logé comme un homme." » Suétone, Néron, 31.

Au moment de la mort de Néron, la Domus Aurea n’était pas terminée. Othon attribua pour son achèvement une forte somme d’argent.

« Le premier usage qu'il fit de sa puissance fut de décréter l'emploi de cinquante millions de sesterces pour achever la Maison dorée. »  Suétone, Othon, 3.

Vespasien et ses successeurs mirent tout en œuvre pour rendre au public l’usage de cet endroit.

« Là où le radieux colosse voit les astres de près ; où s'élèvent, au milieu de la voie publique, de gigantesques machines, brillait l'odieux palais d'un farouche tyran, et ce palais, à lui seul, remplissait Rome entière : là où s'offre aux yeux la masse imposante d'un magnifique Amphithéâtre, étaient tes étangs de Néron ; là où nous admirons les Thermes, si promptement construits par la munificence de César, un parc fastueux avait usurpé la place des cabanes de quelques malheureux ; là où le portique de Claudius déploie un vaste abri contre le soleil, était l'extrémité du palais qui a disparu. Rome est rendue à elle-même ; et sous ton empire, César, les lieux qui avaient été les délices d'un tyran sont devenus les délices du peuple. » Martial, livre des spectacles, 2.

Les restes de ce palais furent attaqués par le feu de 104 après J.C. et recouvert par l’œuvre de construction de Trajan qui fit élever de vastes thermes par-dessus. Il est très difficile de nos jours d’en retrouver des restes car Mussolini fit faire d’importants travaux dans les quartiers qui le virent s’édifier.

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