Garum

Garum :  Liquamen ou Lymphata ou Muria

C'était une sauce très proche du Nuoc-mâm vietnamien tel qu'on le consomme de nos jours. Elle servait d'épices, alors inconnues à cette époque, pour relever les plats, elle était très épicée. Les Romains en raffolait et la mettait à peu près sur tous leurs aliments. Elle contenait à un haut niveau du glutamate, acide aminé, se trouvant dans tous les produits fermentés.
Apicius (contemporain de l'empereur Tibère) s'en servait pour toutes les recettes qu'il nous a laissées dans son livre de cuisine qui nous est parvenu " De Re Coquinaria ". Lui, l'obtenait en salant (le sel devait être présent au moins au stade de 50 %) des petits poissons et en faisant sécher au soleil les entrailles d'autres habitants des mers, plusieurs poissons pouvaient servir : le maquereau, le plus courant : le thon (en particulier le thon rouge) et le plus recherché : la murène. " Les habitants d’Antibes faisaient anciennement une saumure de thon fort estimée à Rome, mais qui, selon Martial, l’était moins que celle de maquereau "... Jean Pierre Papon, Voyage en Provence 1787

Même les esclaves en consommait sous forme de résidu de garum nommé allec ou allex, sauce de qualité inférieure qui était produite en le distillant.

Mais pourquoi avoir mis liquamen comme synonyme de garum ? Tout simplement parce qu'une des manières de préparer ce condiment en faisait un jus nommé ainsi, c'était celui qui était fait à partir de petits poissons (pisculi) qui était conservé entier.

 

Garum--- Mosaïque figurant un poisson destiné au "garum". Mosaïque de la maison d'Aulus Umbricius Scaurus, célèbre fabriquant de garum.
   

En Gaule romaine, on a retrouvé des vestiges d’une importante fabrique de garum à Douarnenez, comportant seize cuves de macération, effectivement les viscères des poissons rentrant dans la composition de ce condiment restaient à peu près deux mois dans de grands bassins, il était très important qu'elles soient chauffées au soleil, elles étaient mélangées à du sel et à des herbes aromatiques telles que le thym puis chauffées.   
Le garum le plus apprécié venait du maquereau de Carthagène (Espagne), plusieurs variétés étaient sur le marché, la meilleure qualité était appelée " flos flos " fleur de fleur.
Pline l'Ancien (Histoire Naturelle XXXI) nous a aussi laissé des éléments de sa fabrication :
« On nomme garum une autre espèce de liqueur fort recherchée. On le prépare avec des intestins de poissons et d’autres parties qu’autrement on jetterait ; on les fait macérer dans le sel de sorte que c’est le résultat de la putréfaction de ces ingrédients…Aujourd’hui le meilleur se fait avec le scombre, dans les poissonneries de Carthage Spartaria (Carthagène fabriquant le spart).On l’appelle le garum des alliés et des deux conges ne se payent guère moins de mille pièces d’argent. Il n’y a pour ainsi dire pas de substances, à l’exception des parfums, qui se payent aussi cher. Le garum fait même la réputation des pays d’où il vient. Les scombres se pêchent sur les côtes de la Mauritanie et sur celles de la Bétique…L’ alex, rebut du garum, est une lie grossière et mal filtrée : cependant on commence à le préparer séparément avec un tout petit poisson, du reste sans usage ; c’est l’apua des Latins, l’aphye des Grecs (anchois)…Les habitants de Forum Julii (Fréjus) font l’alex avec un poisson qu’ils nomment loup. » 

Recette donné par un des protagonistes du roman NEROPOLI de Hubert Monteihet.

" Au fond de la jarre, un tapis d'herbes odorantes, aneth, coriandre, fenouil, céleri, sarriette, sclarée, menthe, rue, livèche, pouliot, serpolet, origan, bétoine... J'en oublie une. Ah, oui : l'argémone. Très important, m'a-t-on dit, l'argémone. Puis une couche de poissons gras sortant de l'onde douce ou amère : anguilles, saumons, aloses, maquereaux ou sardines... Puis une épaisseur de deux doigts de sel. Et ainsi de suite jusqu'au sommet. On ferme et on attend sept jours, la semaine des astrologues en l'honneur des sept planètes qui régissent l'univers. Puis on touille cette pâtée vingt jours de suite. La sublime liqueur qui s'écoule alors de la jarre comme de l'huile, c'est le garum vierge, le premier jus. Tel était le " garum de la Société ", que notre père faisait venir de Carthagène. Mon cuisinier achetait son garum à 6 000 sesterces la petite amphore de deux congés."

sommaire