Quelques observations sur l'Aulularia de Plaute

par

Paul Le Breton, ancien élève de l'École pratique des Hautes Études

PARIS 1898

Le texte de la pièce est.... là.....

 

I GÉNÉRALITÉS SUR LE THÉÂTRE A ROME

Durant toute cette étude, nous nous placerons dans la position des acteurs regardant le public. Aujourd'hui dans le langage théâtral, on appelle côté cour la gauche de l'acteur et côté jardin sa droite. Les anciens avaient une dénomination beaucoup plus logique. L'acteur qui entrait à gauche venait a foro; quand il entrait à droite, il venait a peregre (portus ou rus suivant les cas).
A l'époque de Plaute, la scène était beaucoup plus simple qu'à l'époque postérieure, étant donné l'instabilité des théâtres : mais elle comprenait au moins dans ses grandes lignes les parties de la distribution qui va suivre. Dans les théâtres romains, la scène était tout aussi large que la scène des théâtres grecs : elle comportait un développement en conformité avec la grandeur, et la forme du théâtre lui-même. En outre, cette scène était un peu plus profonde que la scène grecque, à cause du plus grand nombre d'acteurs qui figuraient. Elle comprenait trois parties :
.1° La scaena ou la scène proprement dite;
2° Le proscenium ou avant-scène;
3° Le postcenium ou arrière-scène ;

Le postcenium était l'endroit spécialement réservé aux acteurs. La scaena était bâtie en pierre et ne bougeait jamais : elle formait une bande relativement étroite par rapport à l'ensemble de la scène et de ses dépendances. La proscenium au contraire était très large et mobile : il était construit en planches et s'appuyait sur la scaena. C'est là que se trouvaient les trappes par où apparaissaient ou disparaissaient brusquement les Furies ou autres génies fantastiques.
La partie la plus avancée du proscenium s'appelait pulpitum (peut-être mème que le plancher du proscenium
portait ce nom). Il était assez vaste pour que le choeur pût y faire ses évolutions dans les tragédies. C'était là que parlaient les acteurs, l'orchestre n'était pas de plain-pied avec la scène proprement dite. Il y avait deux escaliers pour descendre du pulpitum dans l'orchestre. Entre les deux escaliers, il y avait une niche pour mettre le tibucen et les musiciens.
Pour la décoration générale de la scène, il y avait le plus souvent une construction architecturale en pierre, qui par conséquent ne changeait jamais, elle représentait un palais avec des colonnes et des statues ; ce décor servait pour les tragédies. Au fond, il y avait trois entrées : au milieu, la ualua regia ; droite et à gauche, les ualuae hospitales, la première destinée aux entrées et sorties des protagonistes, et les deux autres aux entrées et sorties des deutéragonistes. Pour les comédies, il y avait des décors : mais à Rome comme en Grèce, on n'était pas trop réaliste. Il n'y avait que fort peu de trucs et fort peu de machines : le tout consistait, à la différence des théâtres modernes qui veulent produire l'illusion la plus complète, en un dispositif général, destiné à donner aux spectateurs un coup d'oeil d'ensemble sur la situation générale de la scène et à leur faire comprendre la pièce. Les décors comprenaient trois parties :
1° De chaque côté de la scène se trouvaient trois prismes triangulaires mobiles sur des pivots (trigones). Une face présentait l'architecture d'un palais pour la tragédie, la deuxième des édifices privés pour la comédie, la troisième des arbres et des rochers pour les pastorales et les drames satiriques.
2° Les uersurae étaient de simples châssis que l'on glissait de chàque côté pour indiquer le côté forum ou le côté peregre et pour dissimuler l'intérieur des coulisses.
3° La scaena ductilis ou uersilis servait à cacher l'architecture de la scène ou simplement le postcenium. Elle équivalait à nos fermes ou à nos toiles de fond.
D'après cette disposition générale; il est facile de voir qu'il y avait trois issues au moins : une a foro, l'autre a peregre, la troisième par le fond.
Dans l'Aulularia, il n'y en a que deux qui soient bien indiquées : celle a foro (105sqq., 264, 273, 284, 373, 473) et celle du côté rus (674). La troisième n'est pas clairement marquée (cf. scènes avant les uu. 120 et 682). Dans le Rudens, au contraire ces trois issues sont nettement déterminées : seulement les noms changent à cause du changement de paysage. La vue de la scène était, durant les entr'actes, cachée aux spectateurs par un rideau (aulaeum). Vitruve ne nous en dit rien. Quelques passages d'auteurs latins permettent d'en avoir une idée. La toile se baissait au lieu de se lever (mittere) au commencement de la pièce, et se levait quand la pièce était terminée (tolli) : une trappe devait se rabattre sur le rideau, quand il était descendu sous le pulpitum, afin de permettre aux acteurs de s 'avancer jusqu'au bord du pulpitum proscaenii.

II DES INDICATIONS SCÉNIQUES DANS LES PIÈCES DE PLAUTE

Dans les pièces modernes, nous avons les petits caractères et les notes au bas des pages pour indiquer les changements de place, les gestes des interlocuteurs, les plus menus détails de mise en scène, les a parte. Les Anciens n'avaient que le texte et pas autre chose. (1) Ils avaient cependant une autre ressource pour indiquer à leurs personnages la place qu'ils devaient occuper.

(1) On peut objecter deux passades de Plaute. On trouve la mention Lena restitit dans l'en-tête de scène avant le u 120 de la Cistellaria : mais, comme on le verra plus loin, les en-tètes sont fortement supects d'être corrompus. L'autre passade est Aul. u. 60 hoc secum loquitur. Ce ne doit être qu'une explication interlinéaire ajoutée par des glossateurs du ix° siècle. A part ces deux passages, ni l'Ambr. de Plaute, ni le Bemb. de Térence, qui font autorité, ne portent d'indications semblables.

"Dans tout Plaute, comme dans tout Térence, le choix des démonstratifs mérite l'attention la plus scrupuleuse. C'est ce qui nous fait connaître la position de chaque
interlocuteur." (L. Havet, Revue de Philologie, 1888, p. 108).
Les pronoms en latin, principalement à l'époque archaïque et classique (beaucoup moins à l'époque impériale) ont une propriété et une force qui n'existent pas dans les langues modernes. Nous dirons tout aussi bien en parlant d'un homme, celui-ci ou celui-là, sans que nous impliquions une idée de rapprochement ou d'éloignement. Les Latins, au contraire, attribuaient au sens dle leurs pronoms la plus grande force et la plus grande justesse possible. Chez les écrivains latins, mais surtout chez les comiques et chez les tragiques, les démonstratifs ont deux emplois qui semblent entièrement différents, mais qui, au fond, reposent sur un même principe, la distinction des personnes. Il y a d'abord l'emploi purement démonstratif. Les pronoms indiquent si celui qui parle est de la première, de la deuxième et de la troisième personne. C'est le pronom hic, il est à la fois le possessif et le démonstratif personnel qui correspond au pronom ego ou nos. L'acteur parle de personnes ou de choses le concernant.
Iste correspond à tu ou à nos : un acteur parle à un autre de ce que cet autre vient de lui dire ou de quelque chose qui concerne cet autre. Il le correspond à la troisième personne : un acteur parle d'une chose ou d une personne étrangère à ce qui se passe à côté de lui, ou bien qui est en dehors de la scène. De là les sens dérivés de proximité ou d'éloignement.
Hic marque l'endroit où nous sommes ou bien la personne qui est tout proche ou à côté de nous, et ille un endroit, une personne ou une chose quelconques, plus ou moins éloignés de celui qui parle, généralement en dehors de la scène ou que celui qui parle croit en dehors de la scène. Quand il y a à la fois une certaine distance entre deux interlocuteurs sur la scène et un éloignement moral (c'est-à-dire a parte), on emploie également ille. Hic s'emploie très bien aussi pour désigner quelqu'un ou quelque chose qui est en dehors de la scène, mais à la condition expresse que ce qui est en question soit à proximité immédiate de celui qui parle. Il faut remarquer que is et iste ne marquent jamais la position des personnages. Iste ne pourra jamais indiquer l'a parte : mais indiquera toujours nettement que
l'on s'adresse directement à la personne à qui l'on parle.
Ces principes étant posés, nous allons essayer de les justifier par l'examen de la mise en scène, les changements de place, les gestes d'interlocuteurs dans l'Aulularia.

III DE LA DISTRIBUTION EN ACTES DE l'Aulularia.

Plaute, pas plus que les autres comiques ou tragiques latins, n'a connu les coupes en actes : tout ce que nous trouvons à ce sujet dans les éditions modernes de Plaute est l'oeuvre d'humanistes de la Renaissance et, partant, fortement arbitraire. Si encore elles avaient été bien faites ! Pour l'Aulularia surtout, on a distribué les actes au hasard. La proportion au point de vue de la longueur ne laisse pas trop à désirer, il est vrai : le prologue et l'acte 1 ont ensemble 119 vers, l'acte II en a : 285, l'acte III, 182, l'acte IV, 220. Mais les coupures ont été faites sans aucun souci de la vraisemblance dramatique.
La séparation entre l'acte 1 et l'acte. II est la seule qui soit réellement à sa place : la scène est vide, on peut supposer un arrêt dans l'action, puisque d'autres personnages viennent de parler de choses tout autres que celles dites précédemment.
La séparation entre l'actè II et l'acte III est des plus malheureuses : pendant la scène 8 de l'acte précédent, Euclio, qui entend du bruit dans sa maison, s'y précipite pour en chasser les intrus et commence à frapper les coci. Anthrax, qui sort à ce moment de chez Megadorus pour aller demanderun ustensile à son camarade Congrio, entend le tapage que fait Euclio et les coups dont l'avare gratifie les cuisiniers : il prend la fuite. On s'attendait à voir sortir Congrio battu. Pas du tout, on baisse (ou plutôt on lève) le rideau : Congrio ne paraît en hurlant de douleur qu'après l'entr'acte; pendant ce temps, il a dû recevoir une fameuse volée.
La coupure de l'acte IV n'est guère meilleure : Euclio vient de quitter Megadorus, il entre pour cacher son trésor dans le temple de la bonne Foi qu'il a l'air de connaître dans tous les coins. Rideau. Strobilus arrive après l'entr'acte et dit les uu. 587-607. Euclio sort à ce moment. Le spectateur pourra se dire : « Au moins l'avare a mis le temps à trouver une cachette dans un endroit où d'ordinaire on ne va pas voler et qu'il connaît comme tel. Son trésor y sera en sûreté : ce n'est pas là qu'on ira le chercher. »
La coupure de l'acte V vaut les deux précédentes : aux uu. 805 sqq., Lyconides déclare qu'il va attendre son esclave: le rideau se lève, puis se baisse et Lyconides attend encore. Cette patience n'est pas, à en croire les écrivains latins, le fait des propriétaires d'esclaves dans l'ancienne Rome. D'ailleurs Lyconides n'est pas homme à attendre. L'absurdité est flagrante C'est pourquoi je m'emploierai pas la terminogie usitée d'ordinaire. Quand il s'agira de citer une scène ou bien un en-tête de scène, je dirai, par exemple au lieu de acte III, scène 2, « scène qui commence au u. 415 » — en-tête de scène qui se trouve avant le u. 415.

IV STROBILUS ET PYTHODICUS

La rédaction des en-têtes de scène et la distribution des noms de personnages dans le dialogue ne sont pas les mêmes dans les comédies latines que dans les pièces modernes. Nous répétons les noms de nos interlocuteurs chaque fois que c'est leur tour de parler. Les Anciens avaient un moyen d'économiser et leur temps et leur papyrus. Si on considère la façon dont sont transcrites leurs pièces dans le Bembinus de Térence et l'Ambrosianus de Plaute, les noms écrits d'après nos principes se seraient confondus avec le dialogue proprement dit. Il fallait quelque chose qui frappât de suite les yeux. Ils remplacèrent les noms par une lettre grecque, qui servait à désigner le même acteur durant toute la pièce (ou quelquefois seulement pour une, scène). Tel personnage s'appelait A, un autre B, un troisième R et ainsi de suite. Ce moyen très simple et très net (la lettre était en rouge) indiquait clairement les changements d'interlocuteurs.
Le Bembinus de Térence nous a conservé une reproduction exacte de cet usage antique. La résolution de la clef et la nature du rôle étaient indiqués avec le nom dans l'en-tête qui précédait chaque scène ; par exemple Phormio, sc. avant le u. 179.
Le Bembinus donne :
1° Le nom de l'acteur (Geta, Antipho, Phaedria).
2° Le rôle qu'il joue (seruos, adulescens).
3°La lettre grecque qui sert à le désigner durant la scène (AB U)
4° Les expressions DV (= deuerbium) indiquait que c'était du dialogue parlé ; C (= canticum) indiquait le dialogue chanté.
Quant à la Renaissance, on recopia les manuscrits de Plaute, ce moyen fut, sans doute, trouvé peu pratique pour les lecteurs contemporains. On laissa en blanc l'espace réservé aux sigles grecs, ainsi que les en-têtes de scène, afin qu'un rubricator pût les remplacer à l'encre rouge par le nom équivalent. Malheureusement pour le manuscrit archétype grâce auquel Plaute nous est parvenu, l'oeuvre du rubricator n'a pas toujours été faite (1).

(1) Pour 16 pièces au moins. Quatre doivent être écartées : deux dont les noms représentent peut-être une tradition, puisqu'elles conservent les lettres grecques, le Trinummus et le Poenulus, et deux qui n'ont ces lettres que dans quelques scènes, la Mostellaria, (se. avant les uu. 532 et 783) et le Truculentus (se. avant les uu. 256. 711, 775) : et encore, pour ces deux dernières, l'authenticité des lettres me semble singulièrement compromise par la multiplicité des fautes qui se produisent aux endroits où elles se trouvent.

Là où nous trouvons des noms et les en-têtes, c'est une restitution souvent faite de chic par les copistes sans aucun texte sous les yeux. Les confusions, les omissions, les interversions n'en s'ont qu'une preuve trop évidente. C'est ce que nous allons essayer de montrer.
Nous laissons de côté les manuscrits E J 0 qui présentent des traces de remaniements (cf. Gotz, Ann. Plautina, p. 73) et à plus forte raison FZ. BCD, bien que dérivant d'un même archétype, ne subissent pas toujours le même traitement. Très souvent, ils ne donnent rien du tout : par exemple pour le Stichus, le Persa et la plus grande partie du Rudens (B 100-1423 : CD 100-335, 382, 417-417, 497-518, 525, 534-584, 654- 687,702,706-821,727,795, 820-863,877-885et 986-1265. sauf une dizaine de vers où ils sont conservés dans D.
Il y a d'abord une remarque très importante à faire. La répartition des interlocuteurs n'est en général bien faite que dans les scènes où il n'y a en présence que deux acteurs et encore ce n'est pas toujours sans quelques omissions (1).

(1) C'est sans doute la simplicité du dialogue presque toujours deux acteurs seulement sur le théâtre, excepté aux se. avant les uu. 280, 350. 682, où mes critiques trouvent leur pleine confirmation qui fait que la distribution est assez exacte dans l'Aulularia. Même observation pour l'Amphitrion.

(Amph., se. avant le u. 153, cf. 153, 176, 180, 185, 186, 317, 318, 319, 323, 324, 302, 31)3, 304. —
Aul., se. avant le11. 120, cf. 170, 171, 172. —Capt., se. avant le u. 781, cf. 817-818, 867-868, 885-886. — Pseud., se. avant le 11. 3, cf. IG, 18, 29, 31, 32, 30, 37, 47, 00, 81, 88, 131. — Mil., se. avant le u. 917, cf. 957-958, 965-966, 909, 980, 987, etc.). Quand il y en a trois, et, à plus forte raison quatre ou cinq, si les noms ne sont pas omis (Aul., omis par BID du u. 415 au u. 580: les noms sont rétablis par B2. —Mil., uu. 1137- 1191), ou bien les attributions sont simplifiées (Aul.2 uu. 280-339), ou bien le désordre le plus complet y règne3. (Mil., se. avant le u. 1394, cf. 1398, 1400, 1401, 1405, 1400, 1407, 1109, 1418, 1420, l422, 1424, 1125, 1429, 1431, 1435, 1 437. — Pseud., se. avant le u. 230, cf. 237, 239, 240, 254, 208, 269, 273, 279, 283, 296, 321, 320, 329, 330, 331, 335 : je laisse de côté 336-338, où il y aurait une interversion à discuter : 340, 348, 354, 357, 359, 302 : 357-370 seraient à revoir de près pour la distribution : 380, 393. — Capl.. se. avant le 11. 251, cf. 253, 255, 266, 209, 271, 272, 274, 277, 284-287, 334, 335, 358, 359, 385, 393, 394, 397- 400, 428, 429, 430, 447). C'est surtout au commencement des pièces que les trois sources BCD donnent conjointement les noms d'interlocuteurs : mais il arrive également qu'ils soient donnés pour toute la pièce (par exemple Pseud.)
Cependant les omissions sont nombreuses : voici les principaux cas :
Quand B donne les noms d'interlocuteurs, CD les omettent (Mil., uu. ,187-255, 313-330, 337, 340, 439, 520-586, 829, 830, 848, 852, 874, 878, 881,958, 987, 1214, 1314-1319, 1324, 1342. - Pseud., uu. 33, 38, 159, 238, 295, 354, 427, 453, 457-478, 481-501, 504, 560, 609, 1166, 1231.
Quand CD donnent les noms, B les omet (Mil., uu. 272, 481, 496, 787, 789, 790, 900, 909, 945. Rua., uu. 1205-1418. — Ps., uu. 18, 37, 47, 88, 547, 595. 610, 623, 658, 712, 952, 992, 1011, 1015,1016. : D donne seul les noms d'interlocuteurs : ils sont omis dans BC ou dans l'un des deux seulement (voir les exemples du Rudens, cités plus haut, excepté uu. 1205 à 1265. — Aul, uu. 587 à 831. — Capt.,uu. 240-4981. - Pseud., 242, 279, 326. - Mil., u. 979), ou il les omet seul quand ils sont dans BC (Mil., uu. 616, 930 1027, 1036, 1217. C omet les noms quand ils sont dans BD ou l'un des deux seulement (JIil., uu. 52-78, 171-186, 196, 219, 232, 241, 255-260, 961. — Pseud., uu. 89, 99,196, 321, 345, 348, 380, 453, 479, 502, 507-523, 1154. — Rud., uu. 323, 336-380, 414-416, 485-494, 519-523, 527, 533, 688-694, 725, 728, 745, 761, 780-786, 792-794, 866- 871.
Quand les trois sources donnent les noms, elles sont loin d être d 'accord : pour l'Aulularia, on n'en peut dresser une liste, puisque Bl ou B1 entrent seuls en ligne de compté pour plus de 600 vers (cf. Mil., uu. 444, 496, 672, 774, 782, 936, 957, 966, 1078, 1313, 1373. — Pseud., uu. -16, 18, 240, 335, 843, 892, 914, 953, 956, 989, 1196, 13002).
Un exemple, qui nous montre bien comment se faisaient ces restitutions arbitraires, se trouve dans le Rudens se. avant le u. 89. Le copiste, croyant n'avoir que deux interlocuteurs (Pleusidippus et Sceparnio), quand il y en avait trois (les mêmes et Daemones), s'est mis à l'oeuvre. Arrivé au u. 100, il s'est aperçu des absurdités qu'il commettait et s'est arrêté. Il y a, dans les mss. 97 S., 97 P., 98 S., 98 P. au lieu de P, D, S, D : les noms d'ailleurs manquent dans presque toute la scène excepté dans D.
Les en-têtes de scène ont eu à subir, outre les traitements du même genre, dont la liste serait longue, des mutilations d'une autre nature. Je vais prendre pour exemple l'Aulularia où ils sont relativement bien conservés ; mais il est des pièces où la fantaisie des copistes se donne une plus libre carrière (1).

(1) Chaque pièce a un mode différent de traiter les en-tètes de scène.

D'abord, plus de lettres grecques, ni de mention DV et C. L indication du rôle et du nom de l'acteur nous est parvenue sous les formes suivantes:
1° Le rôle et le nom sont conservés mais placés à côté l'un de l'autre, le rôle tantôt avant, tantôt après le nom, jamais au-dessous : se. avant les uu. 40, 79, 120; 268, 280 1, 363, 406, 415, 449, 537; 608, 682, 701, 8082.
2° Le nom seul est conservé : se. avant les uu., 628.
3° Le rôle est conservé : uu. 398, 587.
4° L'en-tète est incomplet : uu. 350, 371.
5° Il n'est pas à sa place : uu. 327, 460, 713.
6° Il n'y est pas du tout : uu. 67, 726.
Quant aux noms eux-mêmes, ils sont assez souvent « écorchés ». Staphiln au lieu de-yla, en-têtes avant les uu. 40, 79, 268, 350, Stribolus pour Strobilus, en tête avant le u. 280, Gongrio pour Con-, uu. 280, 406,.415, Arcthax pour Anthrax, u. 280, Liconides pour Lyc-, uu. 682, 808, Phrusium pour Phrugia, Exflesium pour Eleusium u. 280, puis deux noms douteux Fitodicus (u. 363) et Fedria (u. 682).
Donc onze en-têtes corrompus contre quatorze assez bien conservés et dix-huit fautes dans la graphie de ces en-têtes nous les rendent fortement suspects de n'être qu une addition postérieure, surtout si on remarque que les noms qui ne paraissent qu'une fois sont sensiblement fautifs. Voilà pour le détail : les fautes d'ensemble, oublis
ou transpositions, sont plus rares (5 contre 20).
Les en-têtes sont donc moins fautifs que les noms des interlocuteurs dans le dialogue. Cela se comprend : un espace d'au moins un vers, sinon de deux, était laissé en blanc : ce qui prêtait moins à la confusion que l'espace d\m mot. De plus, les personnages marquent souvent leur entrée ou leur sortie réciproques par des interjections ou des apostrophes (eccurn, ecce, ualeo, abeo). Rien que dans l'Aulularia, la difficulté était réelle pour celui qui restituait, à cause des fausses sorties d'Euclio (uu. 67, 3271, 449, etc.). Dans le Rudens, nous avons l'indication d'un en-tête
de scène avant le u. 89, mais il y en avait sûrement un autre avant le u. 95. Un renseignement précieux à recueillir existe dans le Stichus, pour lequel nous avons deux sources différentes : A et B C D. Dans l'en-tête de scène avant eu. 1, conservé dans les Palatins, la restitution, à coup sûr, n'est pas authentique.Pamphila, ainsi nommée par A, s'appelle Pinacium dans B D : le copiste n'avait pas le texte sous les yeux pour faire sa restitution (nous reviendrons plus loin sur cette question) : il a pris un nom à terminaison féminine et l'a appliqué à la femme, restée anonyme dans son texte.
Quand il y a des personnages de second ordre qui n'ont pas de nom dans le dialogue, les manuscrits ne leur en donnent jamais dans les en-têtes et dans les désignations d'interlocuteurs : il n'y a que le rôle (Capt. scènes avant les uu. 110, 195, 659, 909 : Pseud. scène avant le u. 133 : Mil. scène avant leu. 1378). Souvent même le rôle n'est pas mentionné (Pseud. uu. 767, 790 : Amph. u. 633). Quand un personnage muet est.sur la scène, il n'y a aucune mention dans les en-têtes (Capt. en-tête avant le-u. 498, Rud. avant les uu. 89, 615, 780, 1045, Ps. avant le u. 133, Mil. avant les uu. 1,1394).
Les noms des interlocuteurs pour la plupart peuvent remonter à Plaute. lui-même : mais leur restitution dans les en-têtes a été faite le plus souvent d'après les désignations dans le dialogue. Quand elles manquaient, l'entrepreneur de représentations donnait un nom en conformité avec le caractère de la personne. En effet, quand la tradition nous est arrivée par deux sources différentes, nous avons parfois, pour ces interlocuteurs, deux noms différents : par exemple, dans l'Eunuque (scène avant le u.971), Demea ou Laches, dans le Stichus (scène avant le u. 1), Philumena ou Panegyris. Une aventure du même genre est arrivée à une comédie de Molière (Sganarelle ou le Cocu imaginaire,
1660). Cette pièce eut 40 représentations : un spectateur, nommé Neuf-Villenaine, l'apprit, par coeur à force de l'entendre, la publia avec privilège de cinq ans à son profit et défense à « tous autres de la faire imprimer. » Cet éditeur original n'exceptait pas l'auteur. Comme dans le dialogue la femme de Sganarelle, un parent decette femme et une suivante n'ont pas de nom, l'éditeur ne leur en donna point : il mit dans la liste des personnages: la femme de Sganarelle ; un parent de la femme de Sganarelle; la suivante de Célie. Molière ne songea pas non plus à leur en donner un dans les éditions postérieures et on a scrupuleusement conservé son oubli. Les conclusions à tirer seront les suivantes :
1° Les noms d'interlocuteurs, indiquant le commencement des répliques dans le dialogue, n'ont rien d 'authentique,
puisqu'ils n'existaient pas dans les manuscrits en capitales.
2° Les en-têtes de scène et les noms d'interlocuteurs ont été remis après coup, à l'époque de Charlemagne,
d'après l'aspect général du manuscrit (espaces blancs et vides), à l'aide des noms donnés aux personnages dans les répliques elles-mêmes.
3° Quand on voit une désignation insolite, non mentionnée dans le texte même, c'est qu'elle provient probablement d'un endroit disparu dans nos manuscrits actuels (1).

(1) Deux noms, dans l'Aulularia, mentionnés nulle part ailleurs, se trouvent dans les en-têtes (se. avant le u. 363 Fitodicus et avant le u. 682 Fedria). D'où peuvent-ils venir? On pourrait supposer que le second au moins était dans la partie perdue de la pièce : tel que nous l'avons, il est corrompu; il a une terminaison masculine. Il faut lire soit la leçon Phraedra, soit Phnedrium (cf. la faute inverse pour Phrugia, attesté dans le dialogue au u. 332, écrit Phrusium dans l'entête avant le u. 280\. — Un phénomène analogue se produit dans le Miles pour le Puer qui parait dans la scène commençantau u. 813 : dans l'en-tête, on lit Lycrio dans B, LUCHRIO dans D, dans le texte, il se trouve peut-être une fois au u. 81.3, sous une forme extraordinaire nocio B C uocio D. Lequel des deux est la bonne leçon?

Cette discussion, peut-être un peu longue, était absolument nécessaire pour montrer le peu de confiance que nous devons avoir dans les noms d'interlocuteurs et les en-têtes de scène, conservés pour l'Aulularia. Ce qui a souvent arrêté les critiques, c'est le double emploi du rôle de Strobilus, servant à désigner, d'une part, l'esclave de Megadorus et, d'autre part, l'esclave de Lyconides.
Il y a là une impossibilité, dont il est fort difficile de se tirer, à moins d'une correction; mais ce n'est pas la seule qui existe dans Plaute. Le Stichus, nous l'avons vu, présentait, avant la découverte du palimpseste, une difficulté du même genre pour Pamphila et Pinacium. Dans le peu de renseignements fournis à ce sujet par les Palatins, une mulier et un puer s'appelaient Pinacium. Se basant sur la confusion, faite par les auteurs de la recension caroline, les premiers éditeurs de la Vulgate avaient essayé une distinction absolument artificielle. Ils avaient pris pour point de départ une faute de copiste qui se renouvelait plusieurs fois dans le dialogue : ils avaient appelé le puer Dinacium (conservé dans C D sous cette forme aux uu. 270, 281, 288, 330 et sous la forme Pinacius aux mêmes endroits par B et par tous les manuscrits aux uu. 284, 334, 39(;) et la mulier Pinacium. La découverte de A a démoli cette hypothèse, puisque, dans l'en-tête avant le u. 1, cette mulier s'appelle Pamphila. Pour l'Aulularia, la difficulté se complique; dans le Stichus, le nom de Pamphila ne se trouvait pas dans le dialogue : impossible, par conséquent, au copiste de le restituer avec certitude dans les en-têtes de scène et aux espaces blancs, destinés aux noms des interlocuteurs. Dans l'Aulularia, nous trouvons sept fois le nom de Strobilus dans les répliques de personnages : quatre fois pour Strobilus, esclave de Megadorus (uu. 264, 334, 351, 354), et trois fois pour Strobilus, esclave de Lyconides (uu. 697, 804, 814). Mais ce qui est à noter, c'est qu'aux trois endroits concernant l'esclave de Lyconides,
le nom est corrompu ou suspect dans les manuscrits, tandis que dans les quatre autres il est absolument intact. Ce n'est peut-être qu'une rencontre fortuite, mais ce pourrait bien être aussi la trace d'un remaniement ou d'une retouche.
Il y également un autre fait qui semble connexe à cette confusion de la part du copiste ou du remanieur. A l'en-tête de scène placé avant le u. 363, nous voyons un personnage, dont il ne sera plus fait mention dans le cours de la pièce, paraître et disparaître presque aussitôt, sans que ce qu'il dit puisse se rattacher facilement à ce qui précède ou à ce qui suit. Nous ne serions pas éloignés de croire que ce nom n'est pas à sa place dans les manuscrits et qu'il doit s'appliquer précisément à l'esclave de Lyconides, Strobilus ayant beaucoup de chances de n'être pas authentique, étant donné le doute qui subsiste sur ce nom aux endroits où on pourrait le soupçonner d'être le moins corrompu.
Le nom de Pythodicus aura d'abord été évincé dans les en-têtes et les désignations d'interlocuteurs : un lecteur se serait aperçu de la contradiction qui existait entre l'indication des répliques et le texte lui-même, et aurait fait la correction en surcharge qui aura été introduite dans le texte, comme en faisant partie. La correction Pythodicus (1), au lieu de Strobilus, ne lèse en rien la métrique, si on admet que ce nom est tiré des mêmes radicaux.

(1) La restitution est à faire aux uu. 697 et :804. Au u. 814, Strobilus est notoirement interpolé.

Le nom serait en conformité avec le caractère dp l'individu et exprimerait une idée d'enquête et de justice. L'esclave de Megadorus, s'appelant Strobilus, marquerait son ardeur et son activité au travail.
Je donne à Strobilus, esclave de Megadorus, les uu. 363-370 : mais ils se lient mal à ce qui précède. Il faudrait supposer, si nous gardons le texte des manuscrits, qu'il y aurait quelques vers perdus, où on verrait Strobilus rentrer à la maison, donner des ordres, puis en sortir. Il est plus simple de corriger le u. 363 et au lieu de lire Curate, lire vos ite, en le rattachant à la scène précédente. Strobilus confirme l'ordre donné vos ite. L'escorte rentrerait dans la maison et Strobilus continuerait. « Quant à moi, je vais regarder ». Cette correction est moins hardie qu'on serait tenté de le croire. Ce passage avait été pris à tort comme en-tête de scène. On avait écrit dans l'archétype la ligne (ou seulement le premier mot en capitales, B en garde la trace,aux uu. 363, 398, 415, 475,537, 661, 701).En laissant la première lettre en blanc : le copiste aura mal interprété et lu Curate qui est donné par les manuscrits.

V LA « SCÈNE » DANS L'AULULARIA

La scène se passe, non pas sur une place publique ,proprement dite, mais dans un carrefour, non loin des remparts, pour qu'Euclio puisse au u. 676 sortir de la ville et revenir dans l'intervalle de deux scènes (uu. 677-713). Dans le cours de la pièce, nous trouvons mentionnés, comme édifices utiles à l'action et visibles sur la scène :
1° Une maison appartenant à Euclio : u. 5 hic habet, etc..
2° Une maison appartenant à Megadorus : u. 133 foras, u. 264 Heus, Strobilc, etc.
3° Un temple de la Bonne Foi, u. 583, etc.
4° Un autel, u. 606.
Mais il est d'autres lieux privés ou publics qui ne sont pas visibles. Dans la maison de Megadorus, il y a un jardin cultivable. Dans la maison d'Euclio, il n'y a pas de jardin, mais peut-être une basse-cour, puisqu'il étrangle le coq de Staphyla. u. 465 meus intus gallus gallinacius.
Il est question du focus (u. 7), sous lequel un des aïeux avait autrefois enfoui le trésor.
Dans le temple de la Bonne Foi, il y a un bois sacré (ll. 615, cf. uu. 655-660). Il existe aussi une saussaie, bois sacré de Sylvain, à peu de distance, en dehors de la ville (uu. 674-675).
L'ager (u. 13) n'est sans doute pas contiguà la maison, mais se trouve dans la campagne.
Nous allons examiner d'abord la structure et la forme des édifices visibles, puis nous en considérerons la position respective sur la scène.
§ I. — Maison D'EUCLIO
La maison d'Euclio est celle d'un pauvre diable. Il est pauvre par naissance (u. 11, inopem, n, 14 misere uiueret). Tout son personnel domestique se compose d'une vieille esclave, Staphyla, l'ancienne nourrice de sa fille (uu. 38, 71, 188, 275, 691, 807, 815), Phaedra. Il n'a qu'un mobilier misérable, u. 84s.
Lui-même ne fait que parler de sa pauvreté (uu. 88, 111, 184, 190, 196, 227, etc.). Les autres en parlent (uu. 171, 174, etc.). Sa maison doit donc être celle des pauvres gens, c'est-à-dire, la maison primitive des Romains. La porte donne immédiatement sur l'atrium, qui servait de salle commune et autour duquel étaient les cases, formant le logement de la famille. Contrairement aux habitudes romaines, qui voulaient que la porte restât constamment ouverte, Euclio fait toujours fermer la sienne avec soin (uu. -89, 103-104, 244, 274, 350, 414, 441) et s'emporte quand elle est ouverte (u. 388).
On peut supposer la maison d'Euclio, semblable à celle donnée par Mazois (IIe partie, pl. IX, f. II), avec un banc de pierre à droite (en sortant) de la porte (cf. scènes avant les uu. 268, 460, 727). Il est peu probable que, durant la scène qui commence au u. 260, le deutéragoniste restât debout : il doit s'asseoir et écouter.
§ II. — MAISON DE MEGADORUS
Par contre, la maison de Megadorus doit être celle d'un homme riche. Il y a un hortus (u. 244) : ce qui n'était pas donné à tout le monde : et une cave (u. 571), sans doute fort bien garnie, dont il garde les clefs (cf. 355-356). Il est satis diues (Zl. 166) : Euclio le sait (uu. 184, 196, 226). Sa fortune est aussi grande que son âge (u. 214).
Néanmoins, c'est un homme simple qui a en horreur le luxe (uu. 167-169). Quoique riche, nous ne lui voyons qu'un esclave : cependant comme, au u. 244, il donne l'ordre de bêcher le jardin, cela laisse supposer qu'il en a d'autres : car Strobilus est un esclave de confiance, une sorte de majordome, convaincu de l'importance de son rôle, un peu bavard comme les esclaves. Il peut, en outre, se payer le luxe d'un régiment de cuisiniers et des joueuses de flûte (ce qui commence au u. 280). Aussi, sa maison doit-elle être beaucoup plus belle que celle d'Euclio. Elle peut être élevée de quelques marches, où Euclio se laissera tomber (cf. se. avant les uu. 713-727). Il y a vraisemblablement un ostium avant d'arriver à l'atrium. Pour l'ensemble, elle doit être comme celle donnée par Mazois (II° partie, pl. 1), avec un
luxe moins grand, il est vrai.
§ III. — TEMPLE
Le temple de la Bonne Foi est, comme celui de Neptune à Pompéi, un monument où l'on vénère une anciènne divinité italique, restée simple, malgré la civilisation : toutefois, avec cette différence, le fanum, dans l'Aulularia, ne doit être élevé que d'une marche ou de trois tout au plus. D'abord, il est de plain-pied avec le lucus qui est derrière ; en outre, le jeu des acteurs marque que Pythodicus, assis sur l'autel, ne doit pas être vu par Euclio qui sort du temple (uu. 608 sqq.). Si le-pavé du temple était plus élevé que l'autel, le protagoniste, qui est sous le péristyle, plongerait sur toute la scène et verrait, d'un seul coup d'oeil tout ce qui s'y trouve.
La façade visible comprend : 1° Un petit portique dont le toit est soutenu par deux colonnettes (il n'en est pas fait mention dans la pièce : je le restitue d'après ce que nous voyons d'ordinaire dans les temples romains).
2° Une statue de la Bonne Foi, à laquelle les acteurs font des invocations (uu. 586, 608, 611, 614, 621), élevée sur un socle assez haut pour qu'elle ne soit pas cachée par l'autel.
3° Une porte (u. 666).
§ IV. — AUTEL
A l'époque de Plaute, et, à plus forte raison, à l'époque postérieure, il n'y avait plus accès de plain-pied entre la scène et l'orchestre : d'ailleurs ce que nous voyons dans les tragédies grecques, ne jouait aucun rôle dans les comédies latines.
L'autel,, sur lequel s'asseoit Pythodicus, est semblable à ceux que nous savons avoir existé réellement. Cet autel n'était pas à l'intérieur du temple, mais soit sur les degrés mêmes soit au bas des marches, soit au milieu de la voie (1).

(1) Celui qui se trouvait sur la voie sacrée.

On peut se représenter cet autel, comme celui donné par Daremberg et Saglio, p. 348, fig. 411, avec des marches pour y monter. Il doit être un peu plus élevé, pas trop cependant, étant donné le rôle qu'il joue par rapport au temple et à la statue : car il ne doit pas masquer la Bonne Foi; assez toutefois, pour que quelqu'un, qui pense à tout autre chose que ce qu'il a devant les yeux, puisse passer sans être frappé par un spectacle insolite (cf. uu. 608 sqq.) (1).

(1) Cet autel au milieu de la scène n'est pas le seul dans Plaute, cf. Mostell. uu. 1077. 1094.

§ V. - SITUATION RESPECTIVE DE CES DIFFÉRENTS ÉDIFICES SUR LA SCÈNE.
Les renseignements sont bien moins précis que pour l 'Amphitruo et le Rudens, par exemple. Pour ces deux pièces, à deux endroits, nous avons l'expression ad dexteram, (Rud. u. 253, Amph. u. 333) qui décident de la situation générale des décors et, par conséquent, des jeux de scène. Pour l'Aulularia, seuls les jeux des démonstratifs, la vraisemblance dramatique, les entrées et les sorties des personnages nous permettent d'en fixer la place.
Voici le plan général de la position des décors : La maison d'Euclio et de Megadorus doivent être du même côté et mitoyenne. Ori entend des coups de bêche dans le jardin de Megadorus ; Euclio croit que les coups sont donnés chez lui : il faut que le jardin de Megadorus touche au mur de sa maison pour que la confusion soit possible dans son esprit u. 403 hinc ex proximo.
La maison d'Euclio est opposée au côté forum. u. 181. uu. 329-330 indiquent que les maisons de Megadorus et d'Euclio sont éloignées de l'endroit où se sont arrêtés les esclaves (a foro). u. 473, Euclio, près de sa porte ( u. 463), voit Megadorus arriver a foro.
Je mettrai au premier plan celle d'Euclio, comme jouant le rôle le plus important dans la pièce. L'ara est au milieu.
Une des deux maisons doit être plus près de l'ara que l'autre. Je serais porté à croire celle de Megadorus la plus rapprochée, étant donné la disposition générale des lieux. Au u. 607, huc indiquerait la maison de Megadorus
et illuc celle d'Euclio.
Le fanum, bien que cela ne soit pas spécifié, doit être du côté opposé aux maisons : il semble qu'à un endroit il soit opposé au côté rus (cf. uu. 667 sqq.).
Comme ces deux maisons et le temple ne suffiraient pas à remplir la scène, on peut supposer qu'au dernier plan- (côté forum) il y ait un autre édifice destiné à cacher le proscenium aux spectateurs.
Si nous n'avions que ces seuls renseignements et ces inductions pour réconstituer l'ensemble du décor, au milieu duquel se joue l'Aulularia, la reconstitution serait des plus factices, mais comme on pourra le voir plus loin par l'étude des jeux de scène et la situation respective des personnages, on peut arriver, croyons-nous, à la confirmation de ce qui est avancé ici.

VI LES JEUX DE SCÈNE DANS L'AULULARIA

Prologue1. — Le Lar familiaris, quand le rideau est baissé et la trappe du rideau rabattue, sort de la maison d'Euclio (u. 3 unde exeuntem), traverse le quart de la scène, s'avance sur le proscenium, se tourne un peu de biais, afin de pouvoir indiquer du geste les demeures dont il va parler et regarder en même temps les spectateurs. Il montre la maison d'Euclio aux uu. hac familia, hanc domum, hic habet, (en admettant le hic conjectural de M. Havet), hic nunc habitat, huic filia una, ut hic reperiret. Il montre la maison de Megadorus, qui se trouve mitoyenne avec celle d'Euclio, uu. hic senex, hic (==. celui là c'est).
Pendant que le Lar termine le u. 36, on entend du tumulte à l'intérieur de la maison de l'avare. Le dieu dit le u. 37, en montrant la maison d'Euclio (hic), et le u. 38, remonte vers la porte d'Euclio, écoute le bruit et fait part de ce qu'il pense au spectateur (11. 39), puis il se recule pour laisser passer l'avare et la servante, sans qu'ils puissent l'apercevoir.
Scène qui commence au u. 40 . — Tout le u. 40 est dit à l'intérieur de la maison (u. 40 hinc) par Euclio, qui frappe la servante à coups de poings et non à coups de bâton. Au moment où il dit foras, la porte s'ouvre brusquement, Staphyla se sauve poursuivie par l avare : elle s'arrête, après avoir traversé environ le quart de la scène, et se retourne. Pendant qu'elle a pris la fuite, suivie d'Euclio, le lar est rentré rapidement. Euclio la fait reculer, à deux reprises, jusqu'au milieu du théâtre (uu. 46 illuc... illuc). Il la suit pas à pas (u. 49 istum) et dit le u. 53 en la regardant fixement.
Le u. 55 est faux. Il faut ajouter hinc après abscede car Euclio doit, à ce moment, indiquer d'une manière exacte la place où ils se trouvent tous deux. Il la pourchasse jusqu'à l'autre extrémité de la scène et, au moment où elle va disparaître dans la coulisse, il lui crie, ohe. Il s'avance près d'elle pour dire le u. 56 (istic et istoc loco). Il rentre dans la maison : des uu. 67 à 78, Staphyla reste à la même place. Scène qui commence au u. 79l. — Euclio sort de chez lui (u. 79 egredior) et. reste près de sa porte. Il appelle Staphyla (u. 81 Redi) qui s'avance près de la maison (u. 83 hic apud nos). Euclio se fâche et la fait reculer jusqu'au quart de la scène (u. 87 illas indique que ce qui est dans la maison est assez éloigné).
Au u. 88, Euclio dit, abi intro, mais Staphyla ne bouge pas; sans doute, il la retient par le bras. Elle ne passe devant lui qu'au u. 103, en disant abeo. Elle rentre et on l'entend verrouiller la porte, pendant un arrêt que doit faire Euclio entre les uu. 104 et 105, pour écouter si son ordre est bien exécuté.
Scène qui commence au u. 120. — Megadorus sort de chez lui avec sa soeur et, pendant qu'Eunomia cause, ils descendent sur le proscenium, à peu près au milieu de la scène. Ils s'arrêtent à ce moment (u. 134 hic loquerer).
Megadorus doit être sans doute à la droite d'Eunomia et Eunomia, un peu plus en avant que lui, afin qu'au u. 171 il puisse lui montrer, sans effort la maison d'Euclio et que sa soeur puisse la voir du premier coup. Au u. 176 (et tu), Eunomia sort par le fond, pour ne pas se croiser avec Euclio. Scène qui commence au u. 178. — Euclio
arrive a foro (cf. uu. 107 sqq.). Il reste du côté où il est entré u. 181. C'est Megadorus qui va au-devant de lui (u. 182). Ils sont cependant à une certaine distance l'un de l'autre (uu. 185 illic), bien qu'ils se soient salués mutuellement (uu. 182-183). Euclio se rapproche de Megadorus (u. 188 huic), si bien que ce dernier l'entend marmoter les uu. 188-189 (en a-parte) : ce qui amène 190. Ils restent à côté l'un de l'autre (u. 201 hic). En disant
Verum interuisam domus, Euclio, pour aller chez lui, passe devant Megadurus qui s'en étonne. Quo abis?
Euclio lui répond Iam hue ad te reuortar, en se tournant de son côté.
Au u. 206, Euclio est encore chez lui : il sort en disant Di me semant. Megadorus doit être sensiblement à la même place où l'a laissé Eunomia, il cause de redeo ad te, qui marque une certaine distance entre les deux interlocuteurs. Ils se rapprochent presque aussitôt, car au u. 216, ils sont a côté l'un de l'autre, Euclio à la droite de Megadorus.
Au moment du Fiai (u. 241), on entend (les coups de pioche ou de bêche dans le jardin de Megadorus : Euclio sursaute. Megadorus lui demande quid tibi est? — un arrêt. — coups de bêche. — Megadorus ne se rappelle plus l'ordre qu'il a donné et va voir chez lui ce qu'il en est. Le bruit continue. Euclio n'y tient plus et se précipite, en disant le u. 243 : il doit être sur le point d'entrer à intro huc. Megadorus, qui lui tourne le dos, dit, tout en regardant chez lui, se rappelant ce qu'il a prescrit. llic apud me hortum confodere iussit.
Il se retourne et s'aperçoit de la disparition d'Euclio (u. 244). Il s'avance vers la porte de son voisin : mais celui-ci l'a refermée en entrant, par crainte de regards indiscrets. Néanmoins, Megadorus ne s'écarte pas beaucoup de la porte de l'avare. Euclio parle à la cantonade, en disant les uu. 250-251. Megadorus entend peut-être la fin du u: 251 : ce qui rend sa réplique plus piquante.
En disant Vale, Megadorus (u. 263) remonte jusqu'à sa maison et crie dans l'ostium (u. 264) : heus, strobile. Puis descend quelques pas sur la scène, se retourne : quand son esclave paraît, il ajoute : Sequere propere.
Tous deux sortent a foro.
Quand ils ont disparu (u. 265 Illic hinc, 266 illum), Euclio dit les uu. 26o-267.
Scène qui commence au u. 268. —Euclio ouvre sa porte et appelle Staphyla qui paraît sur le seuil de la maison.
Il montre la maison de Megadorus au u. 271 et reste près de sa porte, jusqu'à ce qu'il ait fini de donner ses ordres, puis sort a foro (cf. u. 273 sqq.). Staphyla sort de la maison, se laisse choir sur le banc qui est devant la maison d'Euclio. Au u. 278, elle se lève. Après le u. 279, elle rentre.
Scène qui commence au u. 280 — Cette scène comprend deux parties : la première se passe à l'entrée de la coulisse côté forum et la deuxième devant les maisons d'Euclio et de Megadorus, autrement dit aux deux extrémités opposées du théâtre (cf. uu. 329 et 330 illuc qui marquent un éloignement aussi grand que possible). Les personnages arrivent a foro (cf. u. 264). L'entrée doit se faire avec cérémonie. Strobilus entre le premier avec majesté : cinq ou six pas derrière lui, avancent avec non moins de solennité, marchant les uns derrière les autres, au pas et portant les provisions (uu. 291, 327) les cuisiniers et leurs escortes : Anthrax et ses coci à droite, Congrio et les siens à sa gauche. Ce qui indique cette position respective, c'est la situation des maisons d'Euclio et de Megadorus : si les acteurs continuaient leur marche, Anthrax irait au fond, c'est-à-dire, à droite de Strobilus, et Congrio au côté rus, c'est-à-dire, à gauche. Les joueuses de flûte, qui ne se rattachent à aucune bande, ferment la marche. Les deux troupes doivent être nettement séparées pendant leur entrée et durant toute la scène, pour bien marquer qu'elles obéissent à des chefs différents (cf. 329 et 330, les ordres donnés par Strobilus) : de plus, ille, au u. 324, marque clairement qu'Anthrax est séparé de Congrio par quelquun ou quelque chose : ce quelqu'un n'est autre que Strobilus (lui s'est rapproché des coci et est resté entre les deux. Strobilus s'arrête à la hauteur de l'ara : il doit être à peu près également distant de la maison dEuclio (hinc et huius au u. 290) et de son escorte (u. 291 hinc). Il ne s'arrête que quand l'escorte est entrée tout entière sur la scène et est visible pour tous les spectateurs. Il fait du bras un geste majestueux pour commander « halte! ». La suite s'arrête et dépose les provisions. La distance entre lui et les autres acteurs doit être la même que pendant la marche. Ce qui indique toute cette pompe, ce sont les verbes, employés par Plaute (uu. 280-281 edixit, dispertirem), qui sont tirés de la langue militaire.Strobilus, regardant plutôt les spectateurs que les acteurs, commence avec emphase son discours : il montre ce qu'il a amené (uu. 281, 282). Son éloquence est coupée presque aussitôt par le calembour d'Anthrax. Au u. 290, il indique du geste la maison d'Euclio huius, hinc)1 et, au ll. 291, les provisions (hinc). Strobilus et Anthrax, a partir du u. 294, se déplacent peu-à-peu en parlant, si bien qu'au u. 298, les positions sont changées, Anthrax restant toutefois à droite et
Congrio à gauche : ils sont alors ainsi placés (cf. uu. 294 et 297 hic, 298).
La digression sur le caractère d'Euclio se termine au u. 320. Au u. 321, ils reprennent l'objet proprement dit de la conversation.
L'examen des uu. 321-334 demande la plus grande attention : les jeux de scène sont très compliqués et la leçon des mss. est fautive à deux endroits (une lacune au u. 328 et un vers faux u. 329), sans compter lés divergences de détail.
Comme ils vont se disputer (uu. 324-326), Strobilus impose silence à Anthrax (u. 327 tu) et ajoute Atque agnum hinc... Il s'interrompt brusquement, se retourne vers l'escorte et demande Vter est pinguior? La reprise nous manque. Strobilus dit alors à Congrio, qui est toujours à peu près à la même place (u. 328), en lui montrant l'agneau le plus gras, Tu eum sume atque abi intro illuc. Il lui montre la maison d'Euclio. Congrio, après avoir ramassé l'agneau, défile pompeusement avec sa bande devant Strobilus, qui les suit quelques pas en se rengorgeant. Anthrax, pendant ce temps, a ramassé son agneau et hésite avant de partir. Strohilus se tourne vers lui et les siens en lui montrant la maison de Megadorus. Lui-même se met en marche, suivi à distance respectueuse huc marque qu'il a marché, et est assez près de la maison d'Euclio. Anthrax le suit en maugréant. Strobilus s'arrête, se souvenant qu'il a oublié les joueuses de flûte. Sans doute que la grosseur de l'agneau lui rappelle la grosseur des femmes : puissance
de l'analogie! Il trouve là l'occasion de satisfaire Anthrax. Les autres ont continué de marcher, machinalement, il doit, en parlant, tourner le dos à Congrio (illo au u. 332) et ne pas s'apercevoir que celui-là s'est arrêté à la porte
d'Euclio, avec l'intention de lui faire des observations. Il arrête Phrugia au passage. Quand le dernier de la bande et Eleusium sont passés devant lui, il va pour les suivre, mais Congrio s'est approché et l'arrête.
Scène qui commence au u, 334. — Ils ne sont pas loin de la maison d'Euclio (u. 335 hucine). Congrio est à droite de Strobilus, qui montre la maison d'Euclio au u. 340 (istic = celle dont tu parles), puis celle de Megadorus au u. 342 (hic). Strobilus doit donc être placé de façon à pouvoir indiquer sans effort les deux maisons, l'une après l'autre. Il lui montre encore la maison d'Euclio. L'escorte a dû se ranger à droite (en entrant) de la porte d'Euclio, pour ne pas gêner les mouvements des interlocuteurs et pour ne pas cacher les acteurs pendant la scène suivante.
Pour mettre fin à la discussion et pour se débarrasser de Congrio, il se résout à lui faire une entrée dans la maison d'Euclio. Congrio lui emboîte le pas et se place entre lui et ses coci.
Scène qui commence au u. 350. —Strobilus frappe à la porte d'Euclio en appelant Staphyla, qui n'ouvre pas de suite, obéissant à la consigne donnée par l'avare, et demande (u. 350) Qui uocat Strobilus,se nomme : Staphyla entr'ouvre la porte, sort la tête, aperçoit les cuisiniers, puis, regardant Strobilus, lui dit Quid uis? La porte doit s'ouvrir à droite (en sortant), afin que Staphyla soit obligée de faire un effort, pour voir la troupe (cf. se. avant les uu. 40 et 268 où les jeux de scène sont plus vraisemblables, soit pour l'entrée du Lar dans la maison, soit pour la sortie de Staphyla. Pendant que Strobilus dit les uu. 351-355, en lui montrant ce qu'il lui amène. Staphyla a ouvert la porte toute grande. Après la phrase solennelle Megadorus mittere..., elle regarde ce qu'ont apporté les coci, sans
toutefois quitter l'embrasure de la porte (u. 357 hic ) et ne voit pas de vin : ce qui amène les uu. 354-356. A ce moment, Congrio trouve l'occasion de placer une parole, d'où les uu. 357-361. Au u. 362, pour le faire taire et s'en débarrasser, Strobilus dit à la Duc istos intro. Staphyla ajoute sequimini et Strobilus donne aux coci l'ordre de marcher. Les coci, Congrio en tête, défilent avec cérémonie (ce qu'indiquent les ordres successifs des uu. 362-363) devant Strobilus et entrent chez Euclio, guidés par Staphyla : la porte reste ouverte (cf. u. 388 apertas aedes).
Strobilus fait un pas ou deux sur le proscenium et dit les uu. 303-370..., restant à peu près à la même place (u. 309 hic). Il rentre chez Megadorus à la fin du u. 370.
Scène qui commence au u. 371. — Euclio arrive du marché (côté forum, cf. u. 273), par où sont passés Strobilus et les autres, avec un peu d'encens et des couronnes de fleurs (u. 385 tusculum et coronas). Il reste loin de sa maison à l'autre bout de la scène; tout en monologuant, il gesticule comme un furieux, regardant avec colère du côté où il est arrivé (u. 377 illuc iratus, u. 378 illis impuris), pestant contre les marchands. Du u. 379 au u. 387, il se calme. Au moment où il parle de l 'offrande à faire aux dieux, il voit sa porte ouverte (u. strepitus intus). Il traverse la scène en courant et en criant Numnam ego compilor miser. Il en a parcouru les trois quarts, lorsqu'il entend les paroles de Congrio. La mention de la marmite le cloue sur place ; il n'ose bouger : il a peur et invoque Apollon. Au u. 397, il retrouve sa vigueur et se précipite chez lui.
Scène qui commence au u. 398.— Anthrax, au même instant, parle à la cantonade et tourne le dos au public (nu. 398-399). Au u. 400, il fait une fausse sortie et remonte aussitôt pour crier chez Megadorus (uu. 401-402) Tu istum. Il redescend quelques pas (uu. 403 hoc, hinc) et entend Euclio, qui fait un tumulte effroyable et roue de coups ses cuisiniers (u. 412), car la porte est restée ouverte. Au u. 405, il remonte précipitamment et, en enjambant les marches de la maison de Megadorus, dit ne quid turharumt. Il rentre et ferme la porte.
Scène qui commence au u. 406 1. — Congrio ferme derrière lui, puisqu'elle se rouvre au u. 111. Il traverse environ le quart de la scène : il remplit l'air de ses lamentations. Ses cris et ses contorsions redoublent, quand il voit la porte se rouvrir (u. 411) et ses marmitons (u. 409 discipuli) se précipiter dehors, les uns après les autres, pourchassés par l'avare et rossés par lui à qui mieux mieux(uu. 409 fustibus contuderunt, 414 onustos fusfibus). Mais en se tâtant et en se tortillant, il a senti son couteau de cuisinier qu'il portait au côté(u. 417). C'est une arme toute trouvée (u. 412).
Il le tire et se tient menaçant, reconnaissant toutefois la vigueur du poignet d'Euclio (u. 413). Au u. 414, tous les discipuli sont dehors. Quand ils voient Euclio paraître le bâton à la main (uu. 409-414), ils se sauvent à l'autre bout du théâtre.
Scène qui commence au u. 415. —Au u. 415, Euclio croit que Congrio en a fait autant et crie Redi quo fugis nunc?tene, tene .Le Cocus, malgré la débandade générale, est resté à la même place. Euclio, voyant Congrio armé lui crier Quid, stolide, clamas ? s'arrête, un moment interdit, mais retrouve presque aussitôt sa présence d'esprit.
Congrio, s'apercevant qu'en menaçant un citoyen de son couteau, il a fait une bévue, rengaine son arme, gardant néanmoins un air suffisant, pour ne pas sembler avoir tort. Euclio n'est pas entièrement rassuré. Il doit rester devant, sa porte : Congrio est à sa gauche. Celui-ci se tâte la tête (u, 425 hoc caput). Toute cette scène doit se passer tout près de la maison d'Euclio (uu. 431, 435, 442). Quand Euclio a fini, Congrio donne son assentiment. Euclio lui tourne subitement les talons, rentre et ferme soigneusement la porte. Stupéfait, le cuisinier court après lui (u. 446 aedis), en criant Quo abis? mais la porte est fermée. Après le u. 446, Congrio frappe à coups redoublés et à plusieurs reprises contre la porte. Naturellement, pas de réponse ce qui amène les uu. 447-448. Il s'avance un peu du côté des marmitons. Au u. 449, Euclio ouvre et sort, tenant sous le bras sa marmite (u. 449 hoc) qu'il ne va pas quitter jusqu'au u. 586. Au u. 450, il regarde la maison (= là où tu étais) et, aussitôt après, sa marmite. Il remonte la scène de quelques pas en arrière et, s'adressant aux coci, qui s'étaient rapprochés, quand ils avaient vu partir ( 444).
Comme ils ne bougent pas, il répète son ordre Intro abite.. ; pendant que les cuisiniers entrent les uns après les autres, il achève sa réplique en leur montrant la maison.
Euclio et Congrio (toujours à sa gauche un peu plus en avant) continuent à se disputer. Au u. 459, Congrio passe devant Euclio. Arrivé sur le seuil de la porte, il se retourne et dit au vieillard Abi tu modo. Il rentre.
Scène qui commence au u. 4601. — Euclio ne commence à parler que quand Congrio est tout à fait entré et a fermé la porte. Il descend quelques pas, mais reste toujours près de sa porte (u. 463 huc). Au u. 464 (hoc), il regarde sa marmite. Au u. 473, il,voit Megadorus qui arrive a foro et qui est déjà sur la scène. Il a la tentation de s'en aller
mais, se rappelant le lien de parenté qui va l'unir à son voisin, il préfère rester.
Si, comme nous l'avons supposé, il y a un banc le long de la maison, il peut s'asseoir sans bruit et écouter Megadorus débiter ses tirades philosophiques. Ce n'est pas lui qui doit marcher durant la scène suivante ; c'est au contraire Megadorus qui se promène de long en large.
Scène qui commence au u. 475. — Tout en disant les uu. 475-495, Megadorus avance lentement si bien qu'au u. 496 (hunc), il est près d'Euclio (le quart de la scène environ le sépare de lui) : il doit rester sensiblement à la même place des uu. 498 à 502. Pendant qu'il dit les uu. 505-522, il s'éloigne d'Euclio et retourne à l'endroit d'où il était venu (u. 523 illum). Au u. 536, il s'est rapproché de nouveau et à peu près à l'endroit où il se trouvait au u. 496. Il voit Euclio assis et lui demande quid agis? Euclio doit ne se lever qu'au u. 541.
Scène qui commenceau u. 537. —Ils se parlent à une petite distance l'un de l'autre : au u. 547, illud marque
l'a parte (absence morale) et l'éloignement (absence physique). Il faut garder au u. 548 le hoc des manuscrits
(= ce que je tiens) : autrement, on supposerait que d'un vers à l'autre, ils se sont rapprochés : ce qui est peu plausible, étant donné ce qu'Euclio tient à cacher, ce qu'il dit et ce que lui dit Megadorus au u. 549.
Après le u. 579, Megadorus remonte chez lui : Euclio reste seul. Il regarde sa marmite (ll. 581 istuc, 585
hoc). Au u. 586, il monte les trois marches.
Scène qui commence au u.587. — Pythodicus (1) arrive par le fond (2), passe entre l'autel et le temple.

(1). A partir de cette scène, pour qu'il n'y ait pas de confusion possible entre l'esclave de Megadorus et celui de Lyconides. je donnerai à ce dernier le nom de Pythodicus, qui serait le sien.
(2) Par où est sortie Eunomia (u. 176). Pythodicus. bien que cela ne soit pas dit expressément, semble arriver de la maison de Lycunides, tandis que celui-ci est allé dans la ville avec sa mère ef. uu. 697-698.

Aux uu. 603 et 607, il se trouve à peu près à égale distance des maisons d'Euclio et de Megadorus et de l'autel.
En disant le u. 606, il se dispose à aller s'y asseoir. Il en gravit les degrés : après s'être assis, il commence le u. 607 hinc ego, et montre les maisons de Megadorus et d'Euclio.
Scène qui commence au u. 608. — Euclio parle à la cantonade (u. 608 istic). La porte du fanum doit être à la droite de la statue et s'ouvrir à droite en sortant (cf. scène qui commence au u. 667.). Les mouvements sont ainsi plus naturels, par rapport au spectateur; l'acteur n'est pas obligé de se détourner. Euclio sort, en fermant avec soin la porte et en tournant entièrement le dos à Pythodicus. Au u. 608, il passe près de la statue, la regarde et lui adresse les uu. 608-609. Il traverse le péristyle (illac et illam, au u. 610 indiquent qu'il a caché le trésor, dans le
bois le plus loin possible). Au u. 611, arrivé au bord des marches, il pourrait voir de là Pythodicus, mais il se détourne en faisant une invocation. Il dit les uu. 612 et 613, en descendant les degrés et en traversant la scène. Au u. 614, presque arrivé à la hauteur de l'autel, il se retourne, s'arrête et invoque la Fides (uu. 614-515). C'est cette dernière prière que Pythodicus entend et qui paraît justifier la scène qui va suivre. Il achève de traverser la scène et est presque à sa porte, lorsque Pythodicus commence le u. 616. Au u. 618, il est rentré (illi). Au u. 619, Pythodicus
descend de l'autel; au u. 620, il s'avance vers le fanum et arrive au pied des marches. En disant perscrutabor... dum hic est occupatus, il lance un coup d'oeil du côté de la maison d'Euclio pour regarder si on ne le voit pas, prononce les uu. 621-623 et entre rapidement. A ce moment, Euclio sort : il vient de voir un corbeau (u. 625 radebat terram) et l'a entendu croasser (crocihat). Il traverse la scène et se précipite quatre à
quatre dans le fanum (ego cess oceurrere).
Scène qui commence au u. 628. — On peut supposer que cette scène se passe sur les degrés du temple, Euclio sur une des marches, Pythodicus sur le plancher de la scène. En effet. Euclio pousse Pythodicus dehors (u. 628 foras, foras) à coups de poing (u. 632) : l'autre résiste. Puis, il n'y a plus d'indication d'éloignement qu'à la fin de la scène (u. 660). Euclio le regarde partir, mais pour le mieux voir, il reste sur les marches jusqu'à ce que l'autre ait disparu.
Toute la scène, ils sont à côté l'un de l'autre. Le complice présumé de Pythodicus (uu. 656, 657, 659 ille), dans la pensée d'Euclio, va chercher le trésor à un endroit aussi éloigné que possible, c'est-à-dire, dans le lucus. En effet, Euclio emploie à côté de ille, (655) hic, qui indique proximité du temple et éloignement du bois : d'où on peut conclure que la scène se passe à l'endroit indiqué plus haut.
Scène qui commence au u. 661. — Un instant après, Pythodicus revient, une idée lui a germé dans l'esprit. Au u. 662 (illi), il est encore éloigné de l'avare. Au u. 663, il faut lire is hic qui marque que Pythodicus, étant près d'Euclio, est sur les degrés du fanum. Au u. 665, il entend qu'on va ouvrir la porte : il se jette brusquement de côté (senex eccum) et se cache derrière un des montants (celui de droite en sortant) de la porte (u. 666). Euclio
paraît aussitôt.
Scène qui commence au u. 667. — Euclio se retourne à droite en sortant du temple pour regarder la statue (u. 667) descend lentement et sort par le côté rus. Au u. 673, il regarde sa marmite (hoc). Pythodicus, qui n'a pas bougé tant qu'Euclio a été sur la scène, s'avance de manière à être, au u. 680, à peu près à la hauteur de l'autel (hic) et sort sur les pas du vieillard.
Scène qui commence au u. 682 .— Lyconides et Eunomia arrivent a foro. Eunomia est à la gauche de Lyconides. Aux uu. 691-692, ils sont en face de la maison d'Euclio à une petite distance, non loin cependant de la maison de Megadorus (u. 694). Eunomia rentre chez Megadorus au u. 696. Au u. 700, Lyconides remonte et entre chez Megadorus.
Scène qui commence au u. 701. — Pythodicus arrive ruri (cf. u. 681), tenant la marmite d'Euclio. Au u. 705, hinc marque la place en général, si bien que Pythodicus doit avoir traverse le quart de la scène pour disparaître plus facilement, quand il apercevra le vieillard.
Aux uu. 705 illo, 708 ille, 710 ille indiquent qu'Euclio est éloigné et qu'il n'est pas visible même pour Pythodicus. Au u. 712, eccum indique qu'il est visible seulement pour l'esclave, mais qu'il est encore hors de la scène.
Pythodicus se sauve par le fond. Scène qui commence au u. 713. — Cette scène est extrêmement mouvementée, étant donné les sentiments qui agitent Euclio. Elle doit se passer en grande partie (uu. 713-720) sur la ligne du rideau.
L'avare arrive rure comme un fou. Il traverse toute la scène quo curram? revient à peu près au milieu et crie au public tene, tene. Au u. 714, il fait quelques pas sur la scène en tâtonnant. Au u. 715, il revient de nouveau au milieu: puis tombe à genoux devant un des escaliers qui descend à l'orchestre et implore la pitié du public (u.716).
Voyant un spectateur remuer (supposons à droite), il se relève, s'avance quelque peu de son côté et s'adresse à lui. En plusieurs endroits du théâtre, on éclate de rire : ce qui àffole Euclio : il va à gauche quid est? revient à droite quid ridetis? s'arrête au milieu, à la fin du u. 718. Il parle toujours au public (uu. 715-720). Puis, en gesticulant et en courant (uu. 721-724), il s'est rapproché de la porte de Megadorus (u. 726-727) et se laisse tomber sur les marches de la maison. Lyconides, qui a entendu des cris, croit qu'on vient demander du secours pour Phaedra et se précipite
de l'ostium sur le pas de la porte. Quand il aperçoit Euclio (u. 726), ne pouvant ni reculer, ni avancer (u. 726-730), il préfère sortir.
Scène qui commence au u. 727. — Euclio est resté à la droite de Lyconides (au u. 746 huc indique qu'Euclio est le plus près de sa maison). Du u.732 au u. 746, ils avancent sur le proscenium. Au u. 778, Lyconides peut montrer la maison de Megadorus (hic). Ce qui laisse à supposer qu'Euclio est près de chez lui, tourné de biais, Lyconides à sa gauche, un peu en arrière.
Au u. 781, Lyconides, qui semble durant toute la scène s'ètre tenu à une petite distance d'Euclio, se rapproche familièrement de lui. Lyconides reste devant la porte d'Euclio (uu. 805 hic, 807 hunc) : il s'assied sur le banc (u. 807), en attendant Pythodicus qu'il croit avec la nourrice de Phaedra.
Scène qui commence au u. 8081. — Pythodicus arrive par le fond et reste en disant les uu, 808-810 entre l'autel et le temple. Lyconides ne le voit pas, mais l'entend parler (u. 811 uocem loquentis). Ils s'aperçoivent bien qu'éloignés l'un del'autre (uu. 811 hic. 813 hunc, 815 illum, 816 illi indiquent a parte et éloignement).
Pythodicus s'avance Congrediar et Lyconides aussi Contollam gradum : ils sont à coté l'un de l'autre, non loin de la maison d'Euclio (uu. 822, 829 huic).

VII NOTES CRITIQUES

Voici quelques passages de l'Aulularia pour lesquels je propose des conjectures.
uu. 85 et 463.
Au u. 85, les manuscrits donnent :
Mirum quin tua nunc me causa faciat Juppiter
Au u. 463 :
Qui simulauit mei honoris mittere huc causa coquos.
Dans le premier exemple (sénaire ïambique), le vers est faux, parce qu'il a une syllabe de trop : on corrige en supprimant arbitrairement nunc.
Dans le deuxième exemple (septénaire trochaïque), le vers est faux, parce qu'il a une syllabe de moins : on corrige en ajoutant se qui va bien pour le mètre, mais pas du tout pour le sens. Le plus simple est de restituer les formes archaïques, dans le premier exemple tis, dans le deuxième mis.
u. 85.
Mirum quin (tis) nunc me causa faciat Juppiter.
1 u. 463.
Qui simulauit (mis) honoris mittere huc causa coquos.
Les manuscrits donnent :
Hodie quin faciamus num quae causa e Immo edepol optuma.

On a proposé des corrections un. peu violentes : remplacer, par exemple, edepol par hercle, ou bien d'intervertir
Hodie quin faciamus et nunc quae causa est.
La faute doit avoir une origine dans ë. Il faut mettre simplement est avant causa et le vers est sur ses pieds ;
Nous avons alors :
Hodie quin faciamus num quae est causa? Immo edepol optuma,
u. 263.
Les manuscrits nous donnent :
MEG. Ibo igitur parabo. Numquid me uis. EUCL. Istuc fiet uale.
On a proposé différentes conjectures (voir l'apparat de Gôtz). Je crois que Müller s'est approché le plus de
la vérité en proposant :
EUCL. Istuc : i et uale.
Je modifierai ainsi sa conjecture.
EUCL. Istuc ei. MEG. Vale.
Fiet provient du texte lui-même et d'une glose. Un des ancêtres de nos manuscrits (en capitale) avait FI par
suite d'un accident : un correcteur aura remis en surcharge ei, interprété et par le copiste suivant qui aura pris ei pour un mot oublié et écrit fiet.
Euclio répondra à Megadorus : « Volo (sous-entendu) " istuc (je veux ce que tu viens de dire),: ei (va-t-en).
Il y a une faute par surcharge à peu près semblable au u. 458 . En outre, il me paraît peu vraisemblable que Vale soit mis dans la bouche d'Euclio : d'ordinaire, quand un personnage s'en va, c'est lui qui dit adieu le dernier : c'est une règle élémentaire de politesse. On comprend très bien ici qu'Euclio oublie de dire Vale : mais on comprend moins que Megadorus manque de le faire : c'est peu conforme à son caractère. C'est pourquoi, je mettrais Meg. avant vale et le supprimerais devant Heus Strobile au vers suivant. Quem à cote de quis ne peut s'expliquer. Ussing avait vu la difficulté et avait corrige quis en quos. Il n'y a rien k corriger, mais simplement une coupe à faire dans le dialogue. Euclio crie au public tene, tene.
Une voix dans la salle (le joueur de flute ou un loustic
quelconque) demande : Quem? Euclio repond : Quis? nescio.
En tête de scène ayant le u. 808.
Au u. 828, D E présentent une leçon bizarre. A unde
Si on suppose ah! unde, comme l'ont voulu plusieurs commentateurs, le vers ne peut plus se scander et le
sens de la phrase est obscurci. Je verrais plutot dans cet a intrus le reste de la lettre grecque désignant le personnage
dans la bouche duquel unde est placé (une confirmation indirecte de ce fait est au u. 822; a la réplique du même personnage, les manuscrits ont Heuclioni au lieu de Eucl- : faute unique pour ce mot. Cet H pourrait n'etre qu'un A mal interpreté).
Aussi je crois que dans l'en-tète avant le u. 808 on peut restituer :
A STROBILVS B LYCONIDES
SERVVS ADYLESCENS

VIII SCÈNE QUI COMMENCE AU V. 280.

Le texte de toute cette scène est fort difficile à établir étant donné la complexité des jeux de scène, les fautes de copiste et les singulières altérations des noms d'interlocuteurs. Nous allons essayer d'en donner une restitution d'ensemble, d'après la vraisemblance dramatique et le caractère qui nous semble le plus propre à chacun des interlocuteurs.
Du u. 280 au u. 298, l'enchaînement des idées est très logique : il n'y a que les fautes de détail et la distribution
du dialogue qui soient à revoir. A partir du u. 298, le raisonnement ne se suit plus et est des plus embrouillés : la gradation des hyperboles n'est nullement respectée. On suppose une lacune ou une interversion après le u. 298 : le u. 299 des manuscrits est un membre de phrase isolé, ne se rapportant à rien. On corrige tant bien que mal le u. 305, auquel il manque un demi-pied : le u. 306, qui est faux et n'a pas de sens tel qu'il est donné par les manuscrits, est une boutade qui n'a rien de commun avec ce qui est dit précédemment et arrive beaucoup trop tôt : on le remanie plus ou moins arbitrairement. Le u. 307 At sein quomodo? annoncerait, étant donné les hyperboles des uu. 300-302, quelque chose de plus énorme que pleurer sur la perte de l'eau qu'on emploie à se laver. On considère le u. 315 comme interpolé, en qualité de question qui reste sans réponse. Quant aux coupes du dialogue, sauf pour Strobilus (cf. cependant le u. 316), on les fait absolument au hasard. Je crois qu'il faut toucher au texte lui-même beaucoup moins qu'on ne le fait d'ordinaire : au contraire, changer l'ordre des vers donné par les manuscrits. Voici l'ordre que nous proposerions. Distribuer le u. 298 de la manière indiquée par M. L. Havet, puis mettre308, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 309-315, 306, 307, 316, 317, 299, 318. Aux uu. 297-298, Strobilus déclare : Pumex non aequc est aridus atque hic est senex. Au u. 299, série d'objections d'un des coci, à qui Strobilus répond Tu te existima.
Il dit le u. 309. Aquam hercle plorat, cum lauat, profundere. C'est en quelque sorte l'annonce de plaisanteries
violentes par un trait déjà un peu forcé et qui excite le rire de ses auditeurs (u. 300). Il continue par les uu. 300-302.
Arrêté au u. 303 par l'un des coci, qui ne comprend pas pourquoi Euclio se met une bourse devant la bouche. Il répond :
Ne quid animae forte amittat dormiens.
L'autre cocus profite de l'occasion pour faire une plaisanterie (uu. 304-305), d'assez mauvais goût, calquée exactement sur celle des uu. 302-303. Ces deux vers me semblent fortement suspects surtout 305, qui n'est qu'une répétition exacte du u. 303. Ils ont dû être ajoutés par un remanieur, heureux de glisser un peu de gros sel, pour amuser les badauds un jour de représentation populaire. Cette idée de la bourse amène tout naturellement sur les lèvres du cuisinier, qui a parlé au u. 303, la réflexion des uu. 309-310. A quoi Strobilus répond par de nouvelles
plaisanteries de plus en plus incroyables (uu. 311-313). Ce qui provoque l'exclamation d'un cocus au u. 314, mais excite légèrement l'incrédulité de l'autre qui doit dire le u. 315. C'est, après ce vers, la vraie place des uu. 306-307. Strobilus doit relever ce sourire et s'indigner contre ce scepticisme par une mise en demeure catégorique de croire tout ce qu'il dit (w. 306). L'autre proteste de sa parfaite crédulité et Strobilus achève At sein etiam quomodo, puis lance les uu. 316-317. Nous mettons ici le u. 299 qui ne serait qu'une drôlerie, destinée à en renforcer une autre déjà assez raide par elle-même, puis les uu. 318 et 319. Examinons maintenant le détail de quelques-uns de ces vers.
Pour 312, j'admets la conjecture de Seyffert. Pour 315, je crois qu'il faut d'abord supprimer esse glose de
uiuere introduite à tort, garder les deux adverbes parce et misere et intercaler un pronom eum (celui dont nous
parlons) avant uiuere. Ces adverbes sont d'ailleurs employés par Plaute avec uiuere (et d'autres verbes), de
préférence à l'adjectif équivalent, s'accordant avec le sujet de la phrase. Le u. 3062, que j'intercale après le u. 315, tel qu'il est donné par les manuscrits, est faux. Les corrections qu'on lui fait subir sont peu satisfaisantes. D'abord on met la forme archaïque med. Pourquoi alors laisser te? Ensuite on intervertit credere et credo. Il y a bien des raisons de se méfier de ces interversions. Je crois plutôt que la faute est double. Credo dans ce vers est inutile et même embarrassant pour le sens : à la place qu'il occupe, il a tout l'air d'être un mot, ajouté en marge, qui s'est accole au texte primitif. Donc supprimons-le et gardons la forme me, nous avons Haec mihi te ut tibi me aequum est credere. Mais, au milieu, il manque trois demi-pieds : il sera facile d'en combler la lacune en intercalant avant aequum le nom de Congrio qui aura été omis, pris par mégarde comme nom d'interlocuteur, l'espace ayant été laissé en blanc pour permettre au rubricator d 'accomplir son oeuvre.
C'est de ce vers et de cette conjecture, que nous allons partir pour restituer les noms d'interlocuteurs dans le dialogue. Reportons-nous à la position que nous avons établie plus haut, c'est-à-dire Strobilus entre Congrio et Anthrax sur trois plans un peu différents.
Restituons en remontant de la fin vers le commencement (en gardant l'ordre proposé) : 306 est à Strobilus (par conséquent 307) 315 sera à Congrio qui a des doutes, 314 à Anthrax, 311-312 à Strobilus, 309-310 à Congrio en réponse à son cur du u.303 : nous allons voir pourquoi à lui plutôt qu'à Anthrax. Reprenons la scène à partir du u. 290. Strobilus a dit les uu. 290-292, en s'avançant vers les provisions. Congrio et Anthrax sont restés à la même place qu'en entrant en scène. Strobilus en marchant a dû se mettre devant Congrio et lui masquer la vue des maisons.
Anthrax seul peut donc montrer les deux maisons au u. 294. Strobilus lui répond sans le regarder Nempe sicut dicis. Congrip reprend Quid hic... nuptiis (294-295). C'est Congrio qui doit le dire : si c'était Anthrax, Strobilus serait d'abord obligé de tourner le dos au public, puis de se retourner : ce qui constituerait un ensemble de mouvements disgracieux. Il est plus naturel de supposer que, Congrio étant sur le premier plan, Anthrax sur le second, et Strobilus entre les deux, Congrio lui adresse la parole et que Sirobilus, déjà un peu de biais, le regarde se tournant tout à fait vers lui (par conséquent vers le public) et lui réponde le u. 296. Le dialogue continue naturellement (uu. 296-303) Quid negoti est et les vers qui suivent doivent être distribués entre Congrio et Strobilus seuls. Si toutefois on ne suppose pas les uu. 304-305 interpolés, on doit les placer dans la bouche d'Anthrax, qui a pris pendant ces quelques vers la position que nous avons déterminée, et qui trouve l'excellente occasion de se mêler à la conversation. En outre, dans l'esprit de Congrio, il doit se produire une association d'idées directe : la mention de la bourse lui fait songer immédiatement à l'argent qu'il pourrait tirer d'Euclio afin d'obtenir sa liberté. La question
censen (u. 309) se trouve naturellement sur ses lèvres.
Pour ce qui est de la distribution entre les uu. 283 et 290, je conserve celle de Gôtz, sauf pour le u. 289 où je donne cuius ducit filiam à Congrio : car il semble dans toute cette scène, si notre restitution est exacte, s'intéresser spécialement à Euclio et à sa maison. Aussi sera-t-il largement récompensé de cet intérêt si bien placé, lorsque Strobilus y enverra : d'où protestation et uu. 334 sqq. Pour la distribution entre les uu. 322 et 332, je garde. Par le peu que nous connaissions avec certitude du caractère de Congrio, nous savons qu 'il aime l'argent (uu. 344-345, 448, 456), qu'il a peu d'esprit (uu. 357- 358, 416-417) et grossier (u. 334). Anthrax, au contraire, tourne les calembours gracieusement (uu. 401-402), dit les choses sans trop d'aigreur (uu. 330-331), excepté quand on l'injurie (u. 326). Je crois les avoir fait tels, Anthrax ne pourra placer une parole sans plaisanter (uu. 283-284, 304-305, 323). Ce sera un cuisinier jovial, presque aimable. Par contre, Congrio sera un cuisinier grincheux (u. 295) et malappris, qui n'a que ce qu 'il mérite quand il est envoyé chez l'avare et rossé par lui. Il est bavard et questionneur jusqu'à l'ennui (uu. 289, 296, 297, 298, 315) : il aime l'argent (uu. 309-310).

FIN DE L'OUVRAGE

sommaire