Tribuns de la plèbe

Tribuns de la Plèbe:

Ils ont été créés par la République en 493 avant J.C. lors de la sécession de la plèbe qui se réfugia sur le Mont Sacré.

" ... et sans l'ordre des consuls, se retirèrent sur le mont Sacré, au-delà du fleuve Anio, à trois milles de Rome. Cette tradition est plus répandue que celle de Pison, qui prétend que la retraite eut lieu sur le mont Aventin . " Tite Live, III, 32.

Avec les consuls, à cette époque ils étaient les seuls magistrats existants. Lors du second décemvirat, le tribunat fut supprimé et rétablit après la fin de cette espèce de dictature.

" On s'occupa ensuite des moyens de réconciliation; et les conditions auxquelles on s'arrêta furent que le peuple aurait ses magistrats à lui; que ces magistrats seraient inviolables; qu'ils le défendraient coutre les consuls, et que nul patricien ne pourrait obtenir cette magistrature. On créa donc deux tribuns du peuple, Gaius Licinius et Lucius Albinus; ils se donnèrent trois collègues, parmi lesquels se trouvait Sicinius, le chef de la sédition; on n'est pas d'accord sur le nom des deux autres. Quelques auteurs prétendent qu'on ne créa que deux tribuns sur le mont Sacré, et que c'est là aussi que fut portée la loi Sacrée . " Tite Live, II, 33.

Ils représentaient un contre pouvoir aux volontés des patriciens. Ils luttèrent pendant 10 ans pour obtenir que la loi des Douze tables fût connue de tous. Mais leur autorité ne s'étendait que sur la ville de Rome.

Le tribunat était une révolution permanente qu'on avait légalisé (Théodore Mommsen, cité par Eugen Cizek " Mentalités et institutions politiques romaines "). A partir des Gracques, il devint le véritable centre du pouvoir (Claude Nicolet).

Ils entaient en fonction le 10 décembre et n'avaient pas droit à des licteurs (représentation du pouvoir). N'ayant qu'un pouvoir civil, ils étaient vêtus comme n'importe quel citoyen et n'avait pas droit à la toge prétexte. Leur personne était inviolable, ils étaient déclarés " sacro-saint ", toute atteinte contre eux pouvait entraîner la peine de mort.

" À la religion, qui les rendait sacrés, on joignit une loi portant que tout agresseur des tribuns du peuple, des édiles, des juges, des décemvirs, verrait sa tête dévouée aux dieux infernaux, et ses biens confisqués au profit du temple de Cérès, de Liber et de Libera. Cette loi, selon les jurisconsultes, n'établissait d'inviolabilité en faveur de personne, mais dévouait seulement l'auteur de toute attaque contre ces magistrats... les tribuns l'étaient, au contraire, en vertu de l'antique serment du peuple, lors de la création de cette puissance . " Tite Live, III, 55.

Au départ, ils étaient, donc, cinq, mais ils passèrent vite à dix.

" La crainte du péril décida les tribuns à permettre l'enrôlement, non, toutefois, sans une condition. Comme pendant cinq ans on avait pu éluder leurs efforts, et qu'ils avaient peu profité à la cause populaire, ils demandent qu'à l'avenir, il soit créé dix tribuns du peuple. La nécessité arracha aux patriciens leur consentement; seulement ils spécifièrent qu'on ne pourrait réélire les mêmes tribuns. Mais afin d'empêcher qu'après la guerre, cette clause, comme tant d'autres, ne demeurât sans effet, les comices, se réunirent sur-le-champ pour l'élection des tribuns. Trente-six ans après la création des premiers tribuns on porta leur nombre à dix, deux de chaque classe, et on prit des mesures pour qu'il en fût de même à l'avenir . " Tite Live, III, 30.

Ils furent élus par les assemblées de la plèbe ( concilia plebis ) à partir de 476 avant J.C. Leur grand domaine de pouvoir se trouvait là où les patriciens ne pouvaient aller c'est-à-dire les « comices tributes ».

« Voléron, (472 avant J. C.) sacrifiant à l'intérêt général ses ressentiments personnels, et sans même leur adresser une parole outrageante, propose au peuple un projet de loi pour qu'à l'avenir les magistrats plébéiens fussent élus dans les comices par tribus. Elle n'était pas sans importance, cette loi qui, à la première vue, se présentait sous un titre peu alarmant; elle enlevait aux patriciens la possibilité d'appeler au tribunat, par les suffrages de leurs clients, les hommes qu'ils avaient choisis. » Tite Live II, 56.

Ils pouvaient s'opposer aux magistrats par leur droit de prohibitio en anticipant une loi, par exemple ou par leur droit intercessio qui pouvait en casser une autre, de plus ils avaient un autre droit, peut-être le plus important, le droit de veto , ils avaient la possibilité de s'opposer à un ordre d'un consul, sans donner aucune justification, alors que l'inverse n'était même pas pensable. Peu à peu, ils acquirent le droit de proposer aux « comices tributes » ou au Sénat telle ou telle mesure jugée utiles par eux sur des sujets importants de la vie de l'Etat.

En contrepartie de leurs pouvoirs, ils avaient quelques obligations. Puisqu'ils devaient être porte-parole du peuple, ils se devaient de toujours porter secours ( auxilium ) à un plébéien menacé par un patricien. Pour cela, ils avaient l'obligation de demeurer à Rome, de ne jamais s'en éloigner (sauf pendant les Feriae Latinae, le peuple étant rassemblé sur le mont albain) , leur habitation était un lieu d'asile, pour le montrer et y satisfaire, leurs portes n'étaient jamais closes. Symptomatique de l'opposition perpétuelle entre patriciens et plébéiens, plus tard, entre optimates et populares , ils n'avaient pas le droit de pénétrer dans la salle du Sénat, comme les séances devaient se faire portes ouvertes, ils installaient leur banc à la limite de l'enceinte mais par la suite, à une date inconnue, ils purent y enter et discourir.

Un tribun de la plèbe ne pouvait se présenter à aucune autre magistrature mais, en 73 avant J. C., le Sénat supprima cette obligation. Il n'était nullement un juge et comme tel il ne pouvait infliger des condamnations, il ne pouvait que recommander une peine ou une amende aux comices. Il devait toujours être issu de la plèbe, c'est pour cela qu'un patricien comme Clodius dut se faire adopter par un plébéien pour être élu. Sylla rogna énormément leurs pouvoirs mais Pompée les rétablit dans leur intégralité, à cette époque le tribunat venait juste après le questorat.

Si César obtint le gouvernement de la Gaule pendant cinq ans, période de temps inhabituelle pour une pro-magistrature, ce fut grâce à eux. Aux temps de la fin de la République, ils devinrent de véritables tyrans et furent aux ordres des généraux qui les faisaient élire pour pouvoir satisfaire leur ambition en toute légalité.

Leurs pouvoirs ne pouvaient que passer aux mains des empereurs ce qui se fit sous le nom de " puissance tribunitienne ". Mais, ils continuèrent d'exister sans aucune capacité politique.

" Auguste fut revêtu à perpétuité de la puissance tribunitienne, et se donna deux fois un collègue dans cette dignité, chaque fois pendant un lustre . " Plutarque, vie d'Auguste, 27.

"Le plus important est de savoir quelle idée vous vous faites de cette dignité. La considérez-vous comme une ombre vaine, et un titre sans réalité, ou comme un pouvoir sacré, qu'il ne convient à personne, pas même à son titulaire, de rabaisser?" Pline le Jeune, I, 23.

Au VI après J.C., ils n'existèrent plus à Rome mais Constantin continua d'en créer dans sa nouvelle capitale, Constantinople.

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