Les Gracques :
Connus de l’histoire latine pour avoir été deux tribuns du peuple qui ont voulu réformer les terres publiques (ager publicus). Ils sont issus de la plus haute noblesse romaine qui fut influencée par la philosophie grecque, ils appartenaient à la branche des Gracchi qui était une ramification de la gens Sempronia. Leur passage dans l’histoire a marqué le début de la fin de la République et surtout le début des guerres civiles. Pour la première fois de son histoire, Rome allait connaitre des émeutes qui se termineront dans le sang.
Leur père, Tiberius Sempronius  Gracchus fut deux fois consuls, eut droit à deux triomphes et fut censeur en 169 avant J.C. Il est à l’origine de l’entrée de la Corse et de la Sardaigne dans la mouvance de Rome.
«… après la mort de Scipion, le vainqueur d’Hannibal, fut-il jugé digne d’épouser sa fille Cornélie, bien qu’il n’eût pas été l’ami, mais au contraire toujours l’adversaire de ce grand homme » Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS-traduction trouvée sur le site NIMIPAUCI.
Leur mère était la fille de Scipion l’Africain, Cornelia ou Cornélie. Elle eut douze enfants. Lorsqu’elle eut perdu son mari, le roi d’Egypte voulut l’épouser mais elle refusa comme elle refusa toutes les autres demandes. La mort emporta tous ses enfants sauf une fille qui épousa Scipion Emilien et deux fils que l’histoire connut sous le nom de « Les Gracques », Tiberius et Caius.
---- Cornélie, la mère des Gracques par Pierre Jules Cavelier, 19 ° siècle. Musée d’Orsay.

 On n’a traces d’eux et de la révolution agraire qu’ils déclenchèrent que par des historiens romains qui vécurent après eux. Rien de première main si ce n’est une inscription de cette loi sur une pierre mais fort mutilée.
Tiberius (né en 163 avant J.C.) qui était l’ainé, avait 9 ans de plus que son frère Caius. Celui-ci, était violent, coléreux, irascible, comme exemple, on peut citer le fait d’avoir auprès de lui un joueur de flute lorsqu’il haranguait les foule, il se mettait à souffler dans son instrument si Caius s’emportait violement dans un de ses discours.      
« …même sans le vouloir, il se laissait souvent emporter par la colère. Alors il haussait le ton, insultait ses adversaires et son éloquence devenait désordonnée. » Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS.
Tandis que Tiberius a toujours été très calme. Cette différence de caractère se retrouvait dans le style de leurs harangues.
Tiberius fut d’abord Augure à 10 ans ensuite il servit en Afrique lors de la troisième guerre punique dans l’Etat-major de son beau-frère, Scipion Emilien, puis il commença son « cursus honnorum » comme questeur.Il dut, à ce titre, accompagner le consul Caius Mancinus dans l’expédition qu’il mena contre la ville de Numance qui se termina par un désastre pour Rome, désastre limité par les pourparlers qu’il mena.
« Désespérant alors de se sauver par la force, Mancinus envoya négocier une trêve et un arrangement avec les ennemis ; mais ils déclarèrent qu’ils ne se fiaient qu’au seul Tibérius et demandèrent au consul de le leur envoyer. » Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS.
Puis, il poursuivit sa carrière publique en se faisant élire tribun de la plèbe.
Ils sont tous deux connus pour avoir voulu imposer une loi sur les terres publiques (ager publicus). L’ainé l’a pensée, voulue, l’imposa en se heurtant à une opposition des plus riches qui avaient occupés ces terres. Le cadet  reprit cette loi et à nouveau voulut l’imposer. En définitive, les possédants eurent raison d’eux (emmenés par Scipion Nasica), ils y laissèrent la vie et, après leur mort, le peuple leur éleva des statues qu’ils allaient orner de fleurs. Leur père avait déjà anticipé une réforme agraire lorsqu’il était en Espagne ;  pour résumer, on dira qu’il donna des terres aux plus pauvres, n’oublions pas que nous nous trouvons dans une famille de la noblesse qui a été influencé par la philosophie grecque. Peut-être influencé par le père, la réforme voulue par Tiberius avait pour motivation de rendre à la plèbe son origine rurale.
Quelles étaient les origines de cette réforme voulue par les Gracques ? Les terres conquises sur les peuples voisins étaient redistribuées aux citoyens romains moyennant une certaine redevance. Comme les riches offraient un loyer plus important, les familles patriciennes furent à la tête d’importants domaines.
« La portion de territoire dont le droit de conquête les avoient rendus propriétaires, ils la distribuaient sur-le-champ, si elle était en valeur, à ceux qui venaient s'y établir; sinon ils la vendaient ou la baillaient à ferme : si, au contraire, elle avait été ravagée par la guerre, ce qui arrivait assez souvent, sans remettre à un autre temps à la distribuer par la voie du sort, ils la mettaient à l'enchère telle qu'elle était, et se chargeait de l'exploiter qui voulait, moyennant une redevance annuelle…Les citoyens riches accaparèrent la plus grande partie de ces terres incultes, et, à la longue, ils s'en regardèrent comme les propriétaires incommutables. Ils acquirent par la voie de la persuasion, ils envahirent par la violence les petites propriétés des pauvres citoyens qui les avoisinaient. De vastes domaines succédèrent à de minces héritages. Les terres et les troupeaux furent mis entre les mains d'agriculteurs et de pasteurs de condition serve, afin d'éviter l'inconvénient que la conscription militaire…les terres n'étaient qu'entre les mains des riches, et que, de l'autre, ceux-ci employaient pour les cultiver des esclaves préférablement à des hommes libres.  » Appien, Guerres civiles, I, 1.
Ces terres rentrèrent en possession de particuliers, elles n’avaient plus rien de publiques, elles étaient passées dans le domaine privé et étaient incluses dans les héritages. C’est ainsi que de nombreux propriétaires possédaient des terres d’Etat en toute bonne foi, celles-ci venant de leurs aïeuls ; ils découvraient qu’ils étaient dans l’illégalité la plus totale. C’est alors que Tiberius voulut remédier à cet état de chose ; il avait, d’ailleurs, été précédé par Caius Lelius, ami de Scipion, qui avait bien vite abandonné cette idée généreuse.

La première loi de Tiberius fut pensée par lui, par son beau-père Appius Claudius, par le grand pontife, Crassus et par un célèbre homme de loi, Mutius Scaevola. Elle laissait 500 jugères (26 hectares) plus 250 par fils dans la limite de deux du domaine public à ceux qui l’avait usurpé souvent de temps immémoriaux. Mais devant l’opposition qu’elle suscita, il en proposa une autre qui ne parlait plus de ces 500 jugères et demandait la restitution immédiat des terres usurpées. Alors les possesseurs de terres publiques, pour le contrer ; lui opposèrent un autre tribun du peuple, Octavius, qui mit son veto.  
« XII. Alors un des collègues de Gracchus, le tribun Marius Octavius, qui s'était laissé gagner par les citoyens riches, ordonna, de son côté, au greffier de garder le silence. Or, chez les Romains, le tribun qui interposait son veto contre la loi proposée en arrêtait absolument l'émission. » Appien, Guerres civiles, I, 1.  
« Mais, comme beaucoup de personnages influents l’assiégeaient de leurs prières et de leurs supplications, il se laissa, pour ainsi dire, forcer la main, s’opposa à la politique de Tibérius et fit écarter sa loi. Or, chez les tribuns de la plèbe, c’est l’opposant qui détient la puissance ; car les décisions de la majorité n’ont aucune portée, dès lors qu’un seul tribun émet son veto » Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS.
Le jour du vote de cette nouvelle loi, les riches enlevèrent les ornes. Devant ce geste hostile, Tiberius s’en remit au sénat qui, noyauté par les grands propriétaires, ne décida rien. Il eut, alors, une démarche totalement illégale, il dépouilla son adversaire de son tribunat du peuple. La loi fut alors votée. Des triumvirs furent nommés pour la faire exécuter, il s’agissait de Tiberius, lui-même, de son frère Caius et de son beau-père Appius Claudius. Mais bientôt des troubles se firent jour, les possédants, sous la conduite de Scipion Nasica, ayant comme alibi qu’il voulait se faire couronner roi, entrainèrent une partie du peuple  avec eux. Trois cents de ses partisans moururent ce jour là, quant à lui, il fut assassiné, le premier coup lui ayant été porté par un de ses collègues, Publius Satureius qui lui fendit le crane avec un pied de banc en bois. Son corps fut jeté dans le Tibre. Avant de mourir, il avait voulu se présenter à nouveau au tribunat l’année suivant sa première élection en dépit de la loi romaine qui voulait un certain laps de temps entre chaque magistrature.

Le Sénat, peu après, voulant apaiser le peuple poursuivit les réformes agraires et pour cela nomma Publius Crassus en remplacement de Tiberius au poste de triumvir.
Quant à son frère (né en 154 avant J.C.) qui fut, dans un premier temps, questeur du consul Oreste lorsque celui-ci alla en Sardaigne, il se fit oublié. Plus tard, après diverses accusations dont il se lava facilement.
 « On l’accusa notamment de chercher à soulever les alliés et d’avoir été le complice de la conjuration découverte à Frégelles » Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS.
Il posa, alors, sa candidature au tribunat de la plèbe. Une fois élu, il proposa des lois qui affaiblissaient le pouvoir de la noblesse ; en autres le fait d’adjoindre des chevaliers aux sénateurs comme jurés dans les tribunaux. Au travers de la loi Calpurnia, il fit passer de 300 à 600 le nombre de jurés, 300 chevaliers et 300 sénateurs. Il décida aussi de faire de Carthage une nouvelle colonie (lex Rubria) et voulut conférer le droit de Cité à tous les Italiens, les non-Latins n’auraient eu qu’un droit « sine sufrages ». Il reprit à  son compte, après l’avoir modifiée, la loi agraire de son frère. Il fut élu tribun du peuple une deuxième fois sans avoir à faire campagne et surtout sans poser sa candidature, c’est dire sa popularité !
Mais le Sénat lui montra ostensiblement son hostilité et misa sur un autre tribun, Livius Drusus. Ce dernier devint plus populaire que lui-même. Caius ne fut pas réélu lorsqu’il se présenta pour son troisième mandat. Ses ennemis, avec l’aide du Sénat, voulurent abroger ses lois, ils firent appel aux consuls, L. Opimius et Q. Fabius Haximus pour le contrer. Tout cela se termina par sa mort ainsi que celle de 3.000 de ses partisans.
« Avec Caius fuyait un seul de ses esclaves, du nom de Philocrate…ses ennemis le talonnaient. Il les gagna pourtant de vitesse et se réfugia dans un petit bois consacré aux Furies, où il mourut, Philocrate l’ayant tué avant de s’égorger lui-même. Pourtant, à ce qu’affirment quelques-uns, tous deux furent pris vivants par les ennemis ; mais le serviteur étreignait si fortement son maître que nul ne put frapper Caius avant que Philocrate n’eût succombé à de nombreux coups…Les corps de Caius, de Fulvius et de leurs amis furent jetés au fleuve : on en avait tué trois mille. Leurs fortunes furent confisquées au profit de l’État. On défendit à leurs femmes de porter le deuil, »  Plutarque, TIBÉRIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS.
Les triumvirs ne disparurent que quelques années plus tard.
Il nous reste à peu près 69 discours de Caius.

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