Salluste
Salluste : Caius Sallustius Crispus (86 avant J.C. ; 35 avant J.C.)
Historien contemporain de César et de Cicéron.
Il est issu d'un famille plébéienne provinciale sans doute aisée puisqu'elle lui fit faire d'excellentes études comme en témoigne ce qu'il fut. Il naquit à AMITERNUM en Sabine, partit pour Rome et y suivit le cursus honorum d'un jeune homme aisé.
« Tout jeune encore, à mes débuts, je me suis, comme à peu près tout le monde, jeté avec fougue dans la politique ; j'y ai éprouvé bien des déboires…ma jeunesse, séduite par l'ambition, était faible devant de tels vices et m'y retenait ; et, si je n'approuvais pas la mauvaise conduite des autres, néanmoins un même désir des honneurs m'entraînait et m'exposait, comme eux, aux méchants propos et à la haine. » Salluste, La Conjuration de Catilina, III.
Il fut QUESTEUR en 55 avant J.C. puis sept ans plus tard, il devint TRIBUN DE LA PLEBE. Il fut le premier de sa famille à être entré au Sénat, à ce titre, on peut le considérer comme un novus homo . En 50 avant J.C., il en fut chassé par les censeurs Appius Claudius Pulcher et L. Calpurnius Piso pour immoralité, on lui reprochait d'avoir été l'amant de la fille de Sylla, Fausta, alors mariée à Milon, l'assassin de Clodius. On a même dit mais ce ne sont que des racontars que Terencia quitta Cicéron pour lui ; d'ailleurs, il en fut toujours l'ennemi. Mais revenons à son cursus honorum ; quand César l'emporta sur Pompée, il le fit élire PRETEUR et donc il reprit sa place au Sénat. A sa sortie de charge, il reçut à gouverner la province de Numidie nouvellement créée, ce pays ayant fait partie du royaume de Juba I, ce dernier en avait été dépossédé car il avait choisi le mauvais côté, le côté du perdant dans la guerre civile qui opposait César à Pompée, il avait accueilli ce dernier après sa défaite à Pharsale. Il pressura si bien cette province qu'il devint immensément riche et grâce à l'appui de César ne fut jamais mis en accusation pour la gestion de ce pays. Au moyen de cet argent, il se fit construire une luxueuse résidence sur le Quirinal au milieu de magnifiques jardins ( Horti Sallustiani ) ; à la mort de son protecteur, voyant qu'il ne pourrait jamais être consul, il se retira de la vie politique et commença de rédiger ses écrits.
« Dès lors, quand, après ces tracas et ces périls, je retrouvai le repos et résolus de passer le reste de ma vie loin de la politique, je ne songeai pas à laisser se perdre ces douces heures de loisir dans l'inaction et la paresse, ni non plus à employer mon activité et mon temps à l'agriculture et à la chasse, ces occupations serviles. Mais, revenu aux entreprises et aux goûts dont m'avait détourné une fâcheuse ambition, je projetai de raconter l'histoire romaine, par morceaux détachés, en choisissant ce qui me paraissait digne de mémoire d'autant plus que mon esprit était affranchi de tout espoir, de toute crainte, de tout esprit de parti. » Salluste, La Conjuration de Catilina, IV.
Il ne fut jamais un homme de guerre : César lui confia sa flotte qu'il devait conduire en Illyrie mais il fut battu par les Pompéiens (49 avant J.C.), il lui donna un commandement en Campanie où il devait mater des légions qui s'étaient mutinées, il échoua.
Il se tourna donc vers l'écriture. Il produisit de nombreux récits historiques, il fut un des premiers historiens romain à écrire des biographies, et le premier a rédigé ses textes et non pas comme les annalistes à énumérer une longue liste de magistrats ou de faits. Seuls deux écrits complets nous sont parvenus : « La Conjuration de Catilina » et « La Guerre de Jugurtha ». Il donna aussi à ses lecteurs une « histoire romaine » en 5 livres dont il ne nous reste que des fragments.
« Son ouvrage le plus considérable ne nous est point parvenu. C'étaient cinq livres d'histoires (Historiarum libri quinque) adressés à Lucullus, et qui embrassaient une période de douze années, de 675 à 687. Ils étaient précédés d'une introduction sur les moeurs et la constitution romaine, et d'un rapide exposé de la guerre civile entre Marius et Sylla. Quels étaient le plan et la composition de cet ouvrage dont nous ne possédons que quelques fragments dans le genre oratoire, c'est ce qu'il est difficile de déterminer. Le président de Brosses a essayé de le reconstituer, mais son travail, quoique fort remarquable, est le plus souvent conjectural. On sait seulement que Salluste traitait successivement de la guerre de Sertorius en Espagne, de l'expédition de Lucullus contre Mithridate, de la guerre de Spartacus, et de celle des pirates. Suivant toute probabilité, ces cinq livres ne comprenaient pas toute l'histoire de Rome pendant une période de douze années. » Albert Paul, « Histoire de la Littérature Romaine », 1871. (trouver sur le site :
http://users.skynet.be/remacle/index.html ).
On lui attribua aussi dans l'antiquité deux autres ouvrages dont les historiens modernes lui réfutent la paternité : il s'agit de « Epistolae de Republica » (lettres à César) et d'une attaque et sa réponse contre Cicéron.
« …l'invective contre Salluste, mise sous le nom de Cicéron, n'a aucun caractère authentique ; elle est l'oeuvre d'un rhéteur quelconque, aussi bien que la déclamation de Salluste contre Cicéron, dont parle cependant Quintilien… »
Idem. Déjà à la Renaissance , des humanistes, Juste Lipse en tête, refusent de voir dans ces écrits des œuvres à lui.
On le connaît un peu grâce à des fragments de sa biographie faite par Suétone et conservé dans la « chronique » de Saint Jérôme.
On a dit de son style qu'il était archaïque, ce qui était compréhensible pour quelqu'un comme lui qui aimait les vertus de la Rome d'autrefois, et qu'il se distinguait par son laconisme et sa concision ce qui permettait au lecteur de laissait vagabonder son esprit. On a dit aussi que son écriture devait beaucoup à la façon d'écrire de Thucydide.
Les dates de rédaction de ses œuvres sont inconnues. Mais on pense qu'il écrivit d'abord « la Conjuration de Catilina » dans laquelle, il fait un résumé de l'histoire romaine et expose, sa théorie de la décadence de Rome :
« …chez les anciens Romains, le droit et le bien régnaient, moins en vertu des lois que par une impulsion naturelle. Les disputes, les désaccords, les compétitions étaient pour les ennemis du pays ; entre eux les citoyens luttaient de vertu. On dépensait sans compter dans les cérémonies religieuses, mais on économisait dans la vie privée, et on gardait à ses amis la parole donnée…On vit croître d'abord la passion de l'argent, puis celle de la domination ; et ce fut la cause de tout ce qui se fit de mal. L'avidité ruina la bonne foi, la probité, toutes les vertus qu'on désapprit pour les remplacer par l'orgueil, la cruauté, l'impiété, la vénalité. L'ambition fit d'une foule d'hommes des menteurs ; les sentiments enfouis au fond du coeur n'avaient rien de commun avec ceux qu'exprimaient les lèvres ; amitiés et haines se réglaient, non d'après les personnes, mais d'après les conditions d'intérêt, et on cherchait plus à avoir le visage que le caractère d'un honnête homme…l'autorité, fondée jusqu'alors sur la justice et le bien, devint cruelle et intolérable. »
Salluste, Catilina, 9-10.
Il a été lui-même le témoin des évènements qu'il décrit. La fin de son récit s'arrête à la bataille de Pistoia qui vit la mort de Catilina.
Après, il rédigea « la guerre de Jugurtha » où il voulut démontrer que la nobilitas était incompétente et que la corruption régnait partout :
« Avec nos moeurs actuelles, c'est de richesse et de somptuosité, non de probité et d'activité, que nous luttons avec nos ancêtres. Même des hommes nouveaux, qui jadis avaient l'habitude de surpasser la noblesse en vertu, recourent au vol et au brigandage plutôt qu'aux pratiques honnêtes, pour s'élever aux commandements et aux honneurs… »
Salluste, Jugurtha, I, 4.
Pour ces écrits, il dit lui-même qu'il consulta les livres puniques, on peut donc, à juste raison, penser qu'il écrivit après son gouvernement de la Numidie.
Il dut rédiger son « Histoire » en dernier lieu ; elle continuait celle d'un autre historien des temps anciens : Sisenna . On n'en a plus que des fragments conservés au Vatican. Elle devait aller de la mort de Sylla (78 avant J.C.) à 67 avant J.C.
Il eut un petit neveu qui fut le chef des exécuteurs des basses-oeuvres de Tibère.