Brutus:

" Doctrinaire puritain " Marcel LEGLAY, dans " ROME " tome I, " grandeur et déclin de la République "

Il appartenait à la famille des Junii Bruti qui prétendait descendre du Brutus qui avait établi la République en chassant Tarquin le Superbe de son trône. Atticus, l'ami de Cicéron, avait composé un arbre généalogique faisant remonter sa famille à ce tombeur de la royauté. En fait, on ne trouvait dans leurs ancêtres qu'un plébéien qui avait été majordome.

" …ceux qui lui conservent de la haine et du ressentiment, à cause du meurtre de César, soutiennent qu'il ne descend pas de cet ancien Brutus qui chassa les Tarquins : ils prétendent que celui-ci, après avoir fait mourir ses enfants, ne laissa point de postérité ; que d'ailleurs Marcus Brutus était de race plébéienne, fils d'un Brutus intendant de maison, et qu'il n'était parvenu que depuis peu aux dignités de la république. Mais le philosophe Posidonius dit qu'outre les deux fils de Brutus qui, déjà dans l'adolescence, furent mis à mort par leur père, comme l'histoire le rapporte, il y en avait un troisième, encore en bas âge, qui fut la tige de la famille des Brutus. Il ajoute qu'il existait de son temps des personnages illustres de cette maison, à qui l'on trouvait beaucoup de ressemblance avec la statue de l'ancien Brutus. Mais c'en est assez sur cet objet. " Plutarque, Brutus, 1.

Ce lointain ancêtre, créateur de la République, avait sa statue sur le Capitole.

Son père, qui portait le même prénom que lui, était un partisan de Marius. Il devait être assassiné sur les ordres de Pompée alors que son fils n'avait que sept ans, d'où la haine qu'il lui porta, haine soigneusement entretenu par son entourage. Sa mère, Servilia, se remaria avec Janius Silanus, c'était une femme de tête qui fut déçut par ses deux maris. Elle croisa sur sa route Jules César et fut sa maîtresse, ils étaient liés par une ambition commune : être quelqu'un d'important à Rome. C'est ainsi que l'on peut dire que Brutus était très proche de César. Il fit des études à Athènes comme tous les jeunes gens aisés de la société. Et comme eux, il fut avocat. D'ailleurs Cicéron nous dit qu'il ne pouvait pas plaider si sa corona (assemblée, cercle, réunion) s'en allait. Il lui fallait donc un public lorsqu'il faisait son métier de défenseur sur le Forum où, nous dit-on, il y avait jusqu'à huit tribunaux, le public allait de l'un à l'autre et l'on reconnaissait un bon rhéteur au nombre de gens qu'il y avait autour.

A 24 ans, il va tremper dans un complot visant à assassiner Pompée avec la complicité de Curion qui, à ce moment, pouvait être considéré comme le chef de la jeunesse dorée. Il va se sortir de ce mauvais pas grâce à César. Pour se faire oublié ; il va suivre son oncle, Caton (d'Utique), dans sa mission à Chypre (prendre le contrôle de l'île au nom de Rome).

" Dès sa première jeunesse, il accompagna Caton, son oncle, à l'expédition de Cypre contre Ptolémée. Ce prince s'étant donné lui-même la mort, Caton, que des affaires importantes retenaient à Rhodes, avait chargé Caninius, un de ses amis, de veiller à la conservation des richesses qu'il avait trouvées en Cypre ; mais craignant que Caninius n'en fût pas un gardien fidèle, il écrivit à Brutus de quitter la Pamphylie, où il se rétablissait d'une maladie qu'il avait eue, et de se rendre promptement en Cypre. Cette commission déplaisait à Brutus, soit par les égards qu'il croyait devoir à Caninius, à qui Caton faisait un affront sensible, soit par la nature même de cet emploi, qu'il ne trouvait ni honnête en soi, ni convenable à un jeune homme qui ne s'était encore appliqué qu'à l'étude des lettres. Il fit cependant le voyage, et mit dans sa commission tant d'exactitude et de soin, qu'il mérita les louanges de Caton. Il fit vendre tous les effets de Ptolémée, et porta lui-même à Rome l'argent qu'il en avait tiré. " Plutarque, Brutus, 3.

Il sera de retour en 56 avant J.C. Sa mère va vouloir alors le marier, elle trouvera Claudia Pulchera Minor de la famille richissime des Claudii, elle deviendra sa première épouse. Brutus va accompagner son beau-père dans son gouvernement de Cilicie qu'il a obtenu après son année passée au consulat (les magistrats, revêtu de l'imperium, qui sortaient de leur charge recevaient par tirage au sort une province à gouverner). Il ne rentrera à Rome que deux ans plus tard. Puis il repartira pour cette même Cilicie où le nouveau gouverneur, Publius Sestius, l'a pris comme questeur.

Pendant ce temps, à Rome, César, après avoir franchi le Rubicon (petit cours d'eau sans importance mais que nul général romain ne devait franchir avec ses troupes, sauf pour un triomphe) chassait Pompée de la Ville et prenait le pouvoir en Italie. Après maintes tergiversations, Brutus, dut prendre parti. Malgré sa haine pour Pompée, il se rallia à lui car il représentait la légalité de Rome, chose essentielle à ses yeux.

" Lorsqu'à Rome la division éclata entre César et Pompée, et que dans la guerre qui s'alluma, tout l'empire se partagea entre ces deux rivaux, on ne douta pas que Brutus, dont Pompée avait fait mourir le père, ne se déclarât pour César : mais il sacrifia son ressentiment à l'intérêt public ; et persuadé que les motifs de Pompée pour prendre les armes étaient plus justes que ceux de César, il embrassa la cause du premier. Jusque-là, quand il le rencontrait, il ne daignait pas même lui parler ; il eût cru se rendre coupable d'impiété en adressant la parole au meurtrier de son père : mais alors, ne voyant plus en lui que le chef de la république, il crut devoir marcher sous ses ordres… " Plutarque, Brutus, 4.

Puis vint l'affrontement des deux imperatores à Pharsale. En souvenir de son ancienne maîtresse, Servilia, César demanda à ses troupes de ne pas toucher un seul cheveux de sa tête, il fut soulagé, une fois la bataille terminée et gagnée, de ne pas voir le corps de son protégé gisant parmi les cadavres des partisans de Pompée. De son coté Brutus, après avoir longuement réfléchi, se rallia au vainqueur, il prit donc le parti de César qui l'envoya lui gagner une province qu'il connaissait bien : la Cilicie. Puis, César le fit revenir à Rome et le nomma légat pro praetore de la Cisalpine, en Mars 45 avant J.C., il termina sa mission et rentra en Italie. Au risque de mécontenter César, malgré le veto de sa mère, il divorça de Claudia pour épouser sa cousine, Porcia, (fille de Caton le Jeune, plus connu sous le nom de Caton d'Utique) dont il avait été toujours amoureux. Mais pas rancunier, César le fit nommer préteur urbain, tandis que son beau-frère, Cassius, mari de sa troisième sœur Tertia ou Junie, fut préteur pérégrin (il avait été amiral de la flotte de Pompée).

" Il y avait à Rome plusieurs prétures, dont la première en dignité, qu'on appelait la préture urbaine, paraissait destinée à Brutus ou à Cassius. On prétend que, déjà refroidis ensemble pour d'autres sujets, ils furent amenés plus facilement, par cette rivalité, à une rupture ouverte, malgré leur alliance, Cassius ayant épousé Junie, sœur de Brutus. D'autres veulent que cette concurrence ait été l'ouvrage de César, qui les avait flattés secrètement l'un et l'autre de l'espoir de cette magistrature. La dispute et l'aigreur furent poussées si loin qu'ils plaidèrent publiquement leur cause. La réputation et la vertu de Brutus militaient en sa faveur contre les nombreux et brillants exploits que Cassius avait faits chez les Parthes. César, après les avoir entendus et en avoir délibéré avec ses amis, avoua que les raisons de Cassius étaient plus justes, mais qu'il fallait donner la première préture à Brutus. Cassius n'eut donc que la seconde ; et il fut bien moins reconnaissant pour celle qu'il avait obtenue, qu'offensé du refus de l'autre. " Plutarque, Brutus, 7.

Mais toujours fidèle à sa pensée républicaine, il pensa que César tendait trop vers la royauté. Des graffitis apposés sur le socle de la statue de son prétendu ancêtre (statue qui était placée au Capitole), celui qui avait donné naissance à la République, lui rappelèrent qui il était.

" Au pied de la statue de Brutus, son premier ancêtre, celui qui avait aboli la royauté, on trouva deux écriteaux, dont l'un portait : " Plût à Dieu, Brutus, que tu fusses encore en vie ! " Et l'autre : " Pourquoi, Brutus, n'es-tu pas vivant ! " Le tribunal même où Brutus rendait la justice était, tous les matins, semé de billets sur lesquels on avait écrit : " Tu dors, Brutus. Non, tu n'es pas véritablement Brutus. " " Plutarque, Brutus, 10.

Il va se laisser gagner par les idées de son beau-frère dont le nom complet est :Caius Cassius Longinus qui était à la tête de l'opposition à César.

Les futurs assassins avaient besoin d'une figure emblématique à montrer au peuple, ce sera Brutus, Cassius restera dans l'ombre. Tous deux décidèrent de laisser Cicéron de coté car il ne lui faisait pas confiance. Arrive les ides de Mars (le15) que les conspirateurs avaient fixés comme date à leur action. Ils voulaient que la vie républicaine reprenne ses droits et pour cela ils ne voyaient qu'une solution : tuer le dictateur. Ils n'avaient rien prévu pour la suite des évènements, la démocratie telle qu'ils l'avaient connue avant l'arrivée de César au pouvoir devait renaître automatiquement. Et dans la curie de Pompée (symbole d'une revanche ?), lieu où ce jour là se rassemblèrent les sénateurs, ils frappèrent.

" Le secret de la conjuration était connu partout : César avait reçu le jour même de sa mort un mémoire qui lui en donnait avis ; et sur cent victimes qu'il avait fait égorger, aucune ne lui avait donné un présage favorable. Il ne laissa pas cependant de se rendre au Sénat, méditant une expédition contre les Parthes. A peine eut-il pris place que les sénateurs conjurés se jetèrent sur lui, l'étendirent à leurs pieds et le percèrent de vingt trois coups de poignard. C'est ainsi que l'homme qui avait inondé l'univers du sang de ses concitoyens, arrosa enfin du sien la salle du sénat. " Florus, Histoire, IV, 2.

" Quand le sénat fut entré dans la salle, les conjurés environnèrent le siège de César, feignant d'avoir à lui parler de quelque affaire ; et Cassius portant, dit-on, ses regards sur la statue de Pompée, l'invoqua, comme si elle eût été capable de l'entendre. Trébonius tira Antoine vers la porte : et en lui parlant, il le retint hors de la salle. Quand César entra, tous les sénateurs se levèrent pour lui faire honneur ; et dès qu'il fut assis, les conjurés, se pressant autour de lui, firent avancer Tullius Cimber, pour lui demander le rappel de son frère. Ils joignirent leurs prières aux siennes ; et, prenant les mains de César, ils lui baisaient la poitrine et la tête. Il rejeta d'abord des prières si pressantes ; et comme ils insistaient, il se leva pour les repousser de force. Alors Tullius, lui prenant la robe des deux mains, lui découvre les épaules ; et Casca, qui était derrière le dictateur, tire son poignard, et lui porte le premier, le long de l'épaule, un coup dont la blessure ne fut pas profonde. César, saisissant la poignée de l'arme dont il venait d'être frappé, s'écrie dans sa langue : " Scélérat de Casca, que fais-tu ? " Casca appelle son frère à son secours en langue grecque. César, atteint de plusieurs coups à la fois, porte ses regards autour de lui pour repousser les meurtriers ; mais dès qu'il voit Brutus lever le poignard sur lui, il quitte la main de Casca qu'il tenait encore, et se couvrant la tête de sa robe, il livre son corps au fer des conjurés. Comme ils le frappaient tous à la fois sans aucune précaution, et qu'ils étaient serrés autour de lui, ils se blessèrent les uns les autres. Brutus, qui voulut avoir part au meurtre, reçut une blessure à la main, et tous les autres furent couverts de sang. " Plutarque, Brutus, XVII.

" Aux ides de mars, il y fut poignardé par des conjurés à la tête desquels étaient Brutus et Cassius. Il n'avait pu s'attacher le premier en lui promettant de l'élever au consulat ; il avait irrité l'autre en différant de l'y porter. Ils eurent pour complices ceux de ses amis les plus intimes qui devait leur haute fortune au succès de son parti, tel que Decimus Brutus, Caius Trebonius et plusieurs autres d'un nom illustre…L'événement fit connaître combien était sage le conseil qu'Hirtius et Pansa donnaient à César de maintenir par les armes une domination acquise les armes à la main. Mais, César ne cessait de dire qu'il aimait mieux périr que d'être redouté…Brutus et Cassius étaient préteur et Decimus Brutus, consul désigné, lorsqu'ils commirent cet attentat. Ces trois hommes et les autres conjurés, soutenus des gladiateurs de Decimus Brutus se saisirent du Capitole. Cassius était d'avis qu'on se défit du consul Antoine et que le testament de César fût cassé. Mais Brutus combattit cette proposition. " Velleius Paterculus, II, 57 et suivants.

Brutus devait prendre la parole pour expliquer leur geste mais ne le put suite à la fuite éperdue de tous les pères conscrits. Alors, ils allèrent en cortège au Capitole, lieu symbolique de Rome. Pendant ce temps, dans la Ville, les césariens gardaient le pouvoir, Marc Antoine était consul en exercice, Brutus avait voulu qu'on le garde en vie, Lépide, le maître de cavalerie de César, gardait la haute main sur l'armée. Le lendemain de l'assassinat, Brutus put enfin prendre la parole du haut du Capitole pour expliquer le meurtre de César au peuple assemblé. La question de sa légitimité fut ensuite débattue par le Sénat : la véritable question était : est ce que César était un tyran ou non ? Dans le premier cas, il fallait féliciter ses assassins, dans le second les condamner. Après de nombreux atternoiments, après maintes interventions, notamment celle d'Antoine, le Sénat s'en tira par une pirouette, il décida l'amnistie pour les hommes réfugiés au Capitole. Après trois jours de présence là-haut, ils purent redescendre. La vie reprenait sa quotidienneté pour les meurtriers. N'oublions pas que Brutus était préteur, il dut organiser les jeux apollinaires, grosse dépense d'argent mais il n'en a pas ; pour s'en procurer, il va s'adresser à Atticus, richissime, qui est son ami. Ce dernier, fidèle à l'orientation de sa famille de ne jamais se mêler des affaires publiques, refuse. Il va même jusqu'à refuser son entremise pour en demander aux publicains. Pire les césariens font en sorte de soulever le peuple. Brutus et Cassius, devant l'hostilité de la foule, ne peuvent plus sortir de chez eux. Leur devenir devenait très sombre. Ils partirent de Rome et allèrent se réfugier à Antium (ville du Latium, à une cinquantaine de kilomètres de Rome). Les jeux eurent lieu, ils furent très beaux, Brutus y avait englouti toute sa fortune personnelle.

" Mais Brutus ayant su qu'un grand nombre de soldats vétérans, de ceux qui avaient reçu de César, pour récompense de leurs services, des terres et des maisons dans des colonies, lui dressaient des embûches, et se glissaient par pelotons dans la ville, il n'osa pas y retourner. Son absence ne priva pas le peuple du spectacle des jeux ; ils furent célébrés avec une magnificence extraordinaire. Brutus voulut que rien n'y fût épargné : il avait fait acheter un très grand nombre d'animaux féroces ; il défendit qu'on en donnât ou qu'on en réservât un seul, et commanda qu'ils fussent tous employés dans les jeux. Il alla lui-même jusqu'à Naples, pour y louer plusieurs comédiens ; et comme il désirait d'en avoir un nommé Canutius, qui avait le plus grand succès sur les théâtres, il en écrivit à ses amis, et les pria de ne rien négliger pour l'engager à paraître dans ces jeux : car il ne croyait pas convenable de forcer aucun Grec. Il écrivit aussi à Cicéron, pour le prier instamment d'y assister. " Plutarque, Brutus, 21.

Malgré son absence de Rome, il n'osait pas y revenir, quelques manifestations pro républicaines eurent lieu mais durent cesser rapidement. Puis, Cassius et lui sortirent de leur charge de préteur et se virent confier par le Sénat le gouvernement des provinces les plus pauvres de la République, Cassius eut la Crête et Brutus la Cyrénaïque. Ils partirent pour exercer leur charge nouvelle ou tout du moins le laissèrent croire et s'arrêtèrent au Pirée et de là allèrent à Athènes, leur but était d'aller en Syrie où d'importantes concentrations de troupes avaient lieu en vue d'une guerre contre les Parthes ; ils voulaient une guerre civile. C'est ainsi que Brutus s'empara de Dyrrachium puis battit le frère de Marc Antoine, Caius Antonius qu'il garda prisonnier pour finir par le faire exécuter (semble-t-il en représailles du meurtre de Cicéron). Il devint le maître de la Macédoine et le fit savoir au Sénat, son caractère plein de fidélité aux mœurs de la République voulait une reconnaissance officielle de Rome. Il l'eut. Par un sénatus-consulte, les pères conscrits le reconnurent comme gouverneur légal. Cassius et Brutus finirent par être à la tête de 18 légions, eux qui avaient quitté Rome sans rien, sans aucune aide d'aucune sorte.

" Ce fut pour eux un grand sujet de joie ; et la vue des troupes qu'ils avaient l'un et l'autre sous leurs ordres augmenta beaucoup leur confiance. Ils étaient partis d'Italie comme des bannis méprisables, sans argent, sans armes, sans un seul vaisseau armé, sans un soldat, enfin sans une seule ville qui fût dans leurs intérêts ; et après un espace de temps assez court, ils se trouvaient réunis, à la tête d'une flotte puissante, d'une infanterie et d'une cavalerie nombreuses, avec de l'argent pour les entretenir ; et ils étaient en état de disputer, les armes à la main, l'empire à leurs ennemis. " Plutarque, Brutus, 28.

Ils furent, alors, les piliers de la République contre Antoine et Octave qui cherchaient à s'emparer des rênes du pouvoir. Ce dernier, qui devait devenir Auguste se fit nommer consul à 19 ans.

" À l'âge de dix-neuf ans, j'ai levé une armée à titre privé et à mes frais, avec laquelle j'ai rendu la liberté à l'État opprimé par la tyrannie d'une faction. A ce titre le Sénat, par des décrets honorifiques, m'a coopté parmi ses membres (consulat de Gaius Pansa et Aulus Hirtius , me donnant le droit d'exprimer mon avis au rang des consulaires, et il m'a investi de l'imperium. Je reçus l'ordre, alors que j'avais les pouvoirs d'un préteur, de veiller de concert avec les consuls à ce qu'il n'arrive aucun dommage à l'État. Quant au peuple, il m'élut consul la même année, après la mort au combat des deux consuls à la fois, ainsi que triumvir chargé de réorganiser l'État. "

Auguste, res gestae, trad. Michel Dubuisson.

Le Sénat se laissa intimider par ses légions qui n'étaient autres que celles qu'avaient commandées César. Lépide, beau-frère de Brutus, trahit la République et fit cause commune avec Marc Antoine. C'est face à ces trois hommes et à leurs troupes qu'il se retrouva seul pendant que son autre beau-frère et complice, Cassius, pillait l'Orient et se laissait aller à une mollesse certaine. Octave, héritier et fils adoptif de César, se devait de venger son père ; par la loi Pedia et surtout par son bon vouloir, il fit condamner les conjurés. Le premier à être mis à mort fut Decimus Brutus qui tomba entre les mains d'un allié de Marc Antoine. Pendant ce temps, en Orient, Brutus et Cassius se retrouvèrent à Smyrne, ils décidèrent de conquérir l'île de Rhodes et la Lycie qui n'étaient pas encore entre leurs mains. Brutus va se charger de la Lydie pendant que Cassius va soumette Rhodes. Antoine va arriver sur leurs traces. Maintenant que le second triumvirat est formé, il se veut le soldat, l'homme fort de cet ensemble. Il va rejoindre les troupes républicaines en Macédoine. La bataille de peut commencer.

Brutus battit les légions d'Octave mais Cassius fut écrasé par les troupes d'Antoine, devant cette défaite, il se suicida, sa femme, une sœur de Brutus lui survécut longtemps :

" Ce fut cette même année, la soixante-quatrième après la bataille de Philippes, que Junia, soeur de Brutus, veuve de C. Cassius et nièce de Caton, finit sa carrière. Son testament fut le sujet de mille entretiens, parce que, étant fort riche, et mentionnant honorablement dans ses legs presque tous les grands de Rome, elle avait omis l'empereur. Tibère prit cet oubli en citoyen, et n'empêcha pas que l'éloge fût prononcé à la tribune, que la pompe accoutumée décorât les funérailles. On y porta les images de vingt familles illustres: les Manlii, les Quinctii y parurent, avec une foule de Romains d'une égale noblesse; mais Cassius et Brutus, qui n'y furent pas vus, les effaçaient tous par leur absence même. " Tacite, Annales, III, 76.

Quelques jours passèrent, les ennemis s'observaient, s'insultaient, se provoquaient. Ils se retrouvèrent face à face. La cavalerie Galate déserta soudainement le camp des républicains. Toute la tactique de Brutus fut à revoir. Cette cavalerie devait ouvrir le chemin aux fantassins. Après un semblant de succès, les légions républicaines furent taillées en pièces par celles d'Antoine. Le dernier assassin de César est vaincu. Brutus se suicida en se jetant sur son épée.

" La nuit était fort avancée, lorsque Brutus se penchant, assis comme il était, vers Clitus, un de ses domestiques, lui dit quelques mots à l'oreille. Clitus ne lui répondit rien, mais ses yeux se remplirent de larmes. Alors Brutus tirant à part Dardanus, son écuyer, lui parla tout bas. Il s'adressa enfin à Volumnius, et, lui parlant grec, il lui rappela les études et les exercices qu'ils avaient faits ensemble, et le pria de l'aider à tenir son épée et à s'en percer le sein. Volumnius s'y refusa, ainsi que ses autres amis ; et l'un d'eux ayant dit qu'il ne fallait pas rester là plus longtemps, mais s'éloigner par la fuite : " Sans doute il faut fuir, répondit Brutus en se levant, et se servir pour cela non de ses pieds, mais de ses mains. " En même temps il leur serre à tous la main l'un après l'autre, et leur dit, avec un air de gaieté : " Je vois avec la satisfaction la plus vive que je n'ai été abandonné par aucun de mes amis ; et ce n'est que par rapport à ma patrie que je me plains de la fortune. Je me crois bien plus heureux que les vainqueurs, non seulement pour le passé, mais pour le présent ; car je laisse une réputation de vertu que ni leurs armes, ni leurs richesses, ne pourront jamais leur acquérir, ni leur faire transmettre à leurs descendants : on dira toujours d'eux, qu'injustes et méchants, ils ont vaincu des hommes justes et bons, pour usurper un empire auquel ils n'avaient aucun droit. " Il finit par les conjurer de pourvoir à leur sûreté, et se retira à quelque distance avec deux ou trois d'entre eux, du nombre desquels était Straton, qui, en lui donnant des leçons d'éloquence, s'était particulièrement lié avec lui ; il le fit mettre près de lui, et appuyant à deux mains la garde de son épée contre terre, il se jeta sur la pointe, et se donna la mort. Quelques auteurs disent qu'il ne tint pas lui-même l'épée ; mais que Straton, cédant à ses vives instances, la lui tendit en détournant les yeux, et que Brutus, se précipitant avec roideur sur la pointe, se perça d'outre en outre, et expira sur l'heure. " Plutarque, Brutus, 52.

" La fin que le sort réservait à Brutus entraîna la ruine de son parti. Brutus périt, âgé de trente sept ans. Jamais ses vertus ne s'étaient démenties, jusqu'au jour où la témérité d'une seule action les lui ravit toutes. Cassius était plus grand capitaine ; Brutus, plus homme de bien. On eut préféré l'amitié de Brutus ; on eut craint davantage l'inimitié de Cassius. L'âme de l'un était plus forte ; celle de l'autre était meilleure. Autant, il fut avantageux à Rome d'avoir Octave pour maître au lieu d'Antoine, autant il eût été de l'intérêt de la République d'obéir à Brutus plutôt qu'à Cassius si la victoire se fût déclarée pour eux. " Velleius Paterculus, livre II, LXXII.

Octave fit trancher la tête du cadavre pour s'en servir comme trophée, elle ne regagna pas Rome pour être exhibée sur les Rostres, elle fut emportée par une vague qui déferla sur la bateau qui regagnait la Ville (dit-on). Antoine fit des obsèques décents au cadavre mutilé ; quant à sa femme, Porcia, elle ne lui survécu pas.

" L'ardeur de ton amour si pur, ô Porcia, fille de M. Caton, sera aussi pour tous les siècles l'objet d'une juste admiration. A la nouvelle de la défaite de Brutus, ton mari, et de sa mort à Philippes, tu n'as pas craint, à défaut du poignard qu'on te refusait, d'avaler des charbons ardents. Ainsi tu trouvas dans ton coeur de femme la force d'imiter la mort héroïque de ton père. Mais peut-être y eut-il chez toi encore plus de courage : il mit fin à ses jours par un trépas ordinaire ; toi, tu voulus mourir d'une mort sans exemple (An de R. 711.) " Valère Maxime, IV, 5. tel qu'on le trouve sur le site de P. Remacle.

" Nicolas le philosophe et Valère-Maxime rapportent que sa femme Porcia, résolue de se donner la mort, mais en étant empêchée par tous ses amis qui la gardaient à vue, prit un jour dans le feu des charbons ardents, les avala, et tint sa bouche si exactement fermée, qu'elle fut étouffée en un instant. " Plutarque, Brutus, 52.

" Antoine ayant trouvé le corps de Brutus, ordonna qu'on l'ensevelît dans la plus riche de ses cottes d'armes ; et dans la suite ayant su qu'elle avait été dérobée, il fit mourir celui qui l'avait soustraite, et envoya les cendres de Brutus à sa mère Servilie. " Plutarque, Brutus, 52.

Orientation bibliographique :

" Brutus " Anne Bernet

" Brutus " dans les vies parallèles de Plutarque                

                              

sommaitre