L’enlèvement des Sabines :
Ces évènements font partie de la légende de la fondation de Rome. Ils ont été rapportés par des historiens anciens : Plutarque, Romulus, 9 et suivants ; Denys d’Halicarnasse, Livre II, 30 et suivants ; Tite Live, I, 9 et suivants. En plus de ces récits, il faut signaler une importante production d’œuvres picturales à travers les siècles ainsi qu’un film franco-italo-yougoslave de 1961 avec Roger Moore et Mylène de Mongeot.
---- Picasso « L’enlèvements des Sabines »

La population de Rome n’était composée que d’hommes d’où un problème de génération future, d’avenir pour la Ville, il lui fallait des femmes pour que la Nature puisse faire son œuvre : des  bébés. Tel est le sujet de « l’Enlèvement des Sabines ». Cette population était constituée de bannis, d’esclaves en fuite, de voleurs etc. c’est-à-dire d’une faune peu recommandable. Pour accueillir tous ces réprouvés, Romulus s’appuya sur un oracle d’Apollon (d’après Plutarque).  …on ne rendait ni l’esclave à son maître, ni le débiteur à son créancier, ni le meurtrier à son juge. Ils s’autorisaient, pour établir cette franchise générale, d’un oracle d’Apollon… Plutarque, Romulus, IX.
Aucun des peuples voisins ne voulaient leur donner leurs filles en mariage. Aucun de ces peuples ne se montrait amical envers ce nouveau voisin qui était sans richesse et n’avait accompli aucun acte guerrier de grande bravoure. Mais à cette époque, Rome était déjà puissante mais sans femmes pour assurer une descendance, la Ville risquait de ne connaitre qu’une génération.
Romulus, après avoir pris l’avis du Sénat, envoya des ambassadeurs à ces peuples voisins pour qu’ils lui donnent le moyen d’assurer une postérité à son peuple. Devant le refus persistant de laisser se marier leurs filles avec des Romains, il décida, avec l’approbation de son grand-père, Numitor, roi d’Albe, d’un enlèvement des femmes nécessaires à la survie de ses sujets. Pour arriver à ses fins, Romulus décida de donner une fête en l’honneur de Neptune et d’y inviter les peuples voisins. Ces fêtes, plus tard, prirent le nom  de « Consualia », en l’honneur du dieu Consus qui en fait est Neptune. Plutarque comme les deux autres historiens anciens déjà nommés, précise qu’elles eurent lieu près du ou au Cirque Maximus, là où un autel souterrain dédié au dieu Consus fut mis à jour. Donc, selon Plutarque, les Romains firent dire qu’ils avaient trouvé enfoui dans la terre un autel consacré à ce dieu :
« Il fit d’abord répandre le bruit qu’il avait découvert sous terre l’autel d’un dieu nommé Consus, c’était le dieu du conseil : car les Romains donnent le nom de conseil à leurs assemblées publiques ; et à leurs premiers magistrats celui de consuls, ou conseillers. D’autres veulent que ce dieu soit Neptune Équestre. Cet autel, placé dans le grand cirque, reste toujours couvert, excepté dans les temps des jeux où l’on fait des courses de chevaux. » Plutarque, 14.
Ces fêtes se terminant, au dernier jour, les femmes présentes furent enlevées et les vierges mariées avec des Romains. D’après Denys d’Halicarnasse, elles étaient au nombre de 683 tandis que Plutarque n’en dénombre que 30.
Le jour suivant, quand les vierges furent amenées devant Romulus, il apaisa leur désespoir en les assurant qu’elles avaient été saisies, non pour être violées mais pour se marier; il précisa que c'était une coutume grecque ancienne et que c’était pour des femmes la plus illustre de toutes les façons de contracter mariage, et il leur demanda d'aimer ceux que la fortune leur avait donnés pour maris. Denys d’Halicarnasse, II, 30, 5.
---- Rubens-1640- « Enlèvement des Sabines », National Gallery, Londres.

Toujours d’après Plutarque, cet enlèvement se fit un 18 Aout ou le 18 de Sextilis. Tite Live précise qu’une partie des plus belles fut réservée pour les sénateurs. D’après l’historien ancien Fabius Pictor, l’enlèvement des Sabines eut lieu 4 mois après la fondation de Rome. Les historiens anciens ont soutenu la thèse que cet enlèvement avait eu lieu pour montrer au voisinage la puissance de la nouvelle ville. Ils ont dit tous que ce fut le prétexte pour provoquer une guerre contre les cités du Latium, en particulier contre les Sabins qui étaient le peuple le plus dangereux pour les Romains. Les Sabins mirent du temps à entrer en guerre, ils le firent alors que les autres villes du Latium avaient été vaincues On peut citer les Céniriens dont le roi Acron, qui se mit à la tête d’une nombreuse armée, et qui fut tué par Romulus en combat singulier, il déposa les armes de son adversaire malheureux au Capitole, en invoquant Jupiter à qui il consacra un temple et en lui dédiant ces armes, il créa le rire des dépouilles opimes, concevant ainsi une coutume religieuse. Il fit tout cela revêtu d’un manteau rouge, ce fut la première cérémonie d’un triomphe.
Les Sabins menèrent une guerre quasi victorieuse. C’est lors de celle-ci que se place l’épisode de Tarpeia :
« Il semble que, alors que les Sabins passaient par le pied du Capitole pour examiner l'endroit et pour voir si une partie de la colline pouvait être prise par surprise ou par force, qu’ils furent observés d’en haut par une jeune fille dont le nom était Tarpeia, la fille de l'homme distingué qui gardait cet endroit…. Cette jeune fille, ainsi que le racontent Fabius et Cincius, conçut le désir de posséder les bracelets que les hommes portaient au bras gauche et leurs anneaux; en effet à ce moment-là les Sabins portaient des ornements en or…elle livrerait l'endroit à condition qu'on lui donne comme récompense pour sa trahison les objets que tous les Sabins portaient au bras gauche….Et quand Tatius eut consenti à cela, elle reçut de lui par serment l’engagement d’exécuter fidèlement l'accord… après la fuite de la garnison les Sabins, trouvant les portes ouvertes, s’emparèrent de la place maintenant dépouillée de ses gardes, et que Tarpeia, alléguant qu'elle s’était acquittée de sa part de l'accord, exigea alors de recevoir la récompense de sa trahison conformément aux serments….Mais Tatius fut offensé par la tromperie et en même temps imagina un expédient qui ne violerait pas l'accord. C’est pourquoi il décida de lui donner les armes comme la jeune fille l’exigeait mais de s'arranger à ce qu'elle ne puisse en faire aucun usage; et immédiatement empoignant son bouclier, il le lança de toutes ses forces sur Tarpeia, et ordonna à ses soldats de faire la même chose; et ainsi Tarpeia, étant frappée de tous les côtés, tomba sous le nombre et la violence des coups et mourut, écrasée par les boucliers….

Et c’est durant une bataille pendant cette guerre que les Sabines enlevées se mirent au milieu des combattants et les empêchèrent par leurs larmes et leurs supplications de reprendre le combat. Ces femmes avaient été mariées de force mais se plaisaient maintenant dans leur nouvelle vie. Une d’entre elles, Hersilie, prononça un long discours qui aboutit à l’union des deux peuples et au règne conjoint de Romulus et de Titius Tatius qui avait été roi chez les Sabins. Plutarque fait de cette  femme l’aïeule du roi Numa Pompilius, la légende en fait l’épouse de Romulus. Dans le traité de paix qui termina cette guerre, il fut précisé que les femmes sabines enlevées ne seraient soumises à aucun travail sauf celui de filer la laine. Plutarque fait remonter la coutume de soulever la mariée  pour franchir le seuil de sa nouvelle demeure à cet enlèvement, ainsi il serait mimé une action violente. Il en serait de même de l’usage  de coiffer une mariée avec un fer de lance.
L’histoire moderne, avec Dumézil en tête, a démontré que l’enlèvement état un mode de mariage indo-européen. Toujours Dumézil voit dans l’enlèvement des Sabines un mythe indo-européen qui peut se rapprocher d’une légende scandinave.  On peut aussi y  voir une symbolique de domination d’un peuple sur l’autre, les Romains prenant l’avantage sur les Sabins qui étaient le peuple fort du Latium.

Une fois de plus, on peut remarquer que les historiens romains ont eu besoin du « merveilleux » pour expliquer l’origine de leur ville.

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